» La paix de Nimègue était conclue ; on pensa à la fille de Monsieur, nièce de Louis XIV, pour la demander en mariage. […] Le marquis de Villars s’avança ; le roi lui permit de servir d’interprète, et il leur fit dire de part et d’autre ce qu’ils auraient pu penser de plus honnête. » Le voyage de Burgos à Madrid se fit lentement. […] « Il a le visage beau, nous dit un témoin autre que Mme de Villars (Mme d’Aulnoy), la tête admirable et de l’esprit plus qu’on ne peut se l’imaginer, mais un esprit sage et qui sait beaucoup. » Il faut rendre justice à tout le monde, même aux nains ; et d’ailleurs ici le plus nain des deux n’est pas celui qu’on pense. […] » Quand on changea la camarera-mayor et que la reine à bout de patience eut pris sur elle de demander son éloignement au roi, celui-ci lui répondit d’abord : « Qu’on n’avait jamais fait dans le palais un pareil changement ; que cependant, si elle le souhaitait absolument, il trouvait bon qu’elle eût une autre camarera-mayor, mais qu’elle devait bien penser au choix qu’elle voulait faire, parce qu’après ce changement, il n’y aurait plus moyen d’en faire un second. » Cette sorte de stupidité d’un prince sur qui les raisons ne pouvaient rien se tournait en toute occasion contre la France.
J’avais l’honneur d’être de ceux auxquels on pensait pour la critique : mes premiers essais en ce genre et l’amitié de Victor Hugo me désignaient. […] Mais on y pensait peu : tout le monde tournait à la fois ; il n’y avait plus qu’un parti, celui du roi. […] Les lumières proprement dites, dans l’idée desquelles entre la pensée du bien public, de l’amélioration de l’homme en société, d’une constitution plus juste, d’une manière de penser plus saine et plus naturelle, ne vinrent que peu à peu, et d’abord à l’état de vœu, de rêve et un peu de chimère. […] Jean-Jacques Rousseau, qu’on cite toujours comme exemple de faiseur d’utopies politiques, ne s’est pas trompé lorsqu’il a tant de fois décrit, appelé de ses vœux et deviné à l’avance cette classe moyenne de plus en plus élargie, vivant dans le travail et dans l’aisance, dans des rapports de famille heureux et simples, dans des idées saines, non superstitieuses, non subversives, ce monde qui fait penser à celui de Julie de Wolmar et de ses aimables amies, et dont les riantes demeures partout répandues, dont les maisons « aux contrevents verts » peuplent les alentours de notre grande ville et nos provinces.
Ce sont surtout les Anciens qui sont l’objet de cette idolâtrie ; et l’on ne pense guère la plupart du temps jusqu’où les meilleurs esprits peuvent se laisser entraîner. […] Grote, sur Alcée et Sapho, sur Théocrite, sont d’un esprit juste et net, ferme et prudent, qui sait et qui pense, et aussi d’une plume qui dit ce qu’elle veut et comme elle le veut. […] Ce n’est là rien de plus qu’un juste tribut payé à leur renommée ; en d’autres termes, c’est la modestie convenable à tout individu de penser que son jugement inexpérimenté est sujet à se méprendre plutôt que la voix unanime du public. […] Aussi, j’y ai souvent pensé : de même qu’autour d’un vaisseau menacé d’être pris par les glaces, on est occupé incessamment à briser le cercle rigide qui menace de l’emprisonner, de même chacun à chaque instant devrait être occupé à briser dans son esprit le moule qui est près de prendre et de se former.
J’en reviens, de guerre lasse, à penser que de même que les Prières dans l’Antiquité, et selon la belle allégorie homérique, étaient représentées boiteuses, dans les temps modernes les réformes ne viennent que boiteuses aussi ; on ne les obtient que lentement, une à une ; elles s’arrachent par morceaux, et les eût-on toutes à la fois, l’homme trouverait encore moyen d’y réintroduire les abus à l’instant même. […] Il a développé en toute rencontre sa thèse favorite, il a déployé son drapeau de la liberté illimitée de la presse, et a étonné plus que convaincu ceux mêmes qui pensent que, dans cette voie, on a quelque chose à réclamer encore. […] Byron l’a dit dans une parole célèbre : « Les mots sont des choses, et une petite goutte d’encre tombant, comme une rosée, sur une pensée, la féconde et produit ce qui fait penser ensuite des milliers, peut-être des millions d’hommes. » Et vous-même, sous l’empire des faits, sous le coup de l’évidence, vous l’avez dit, et aussi énergiquement que Byron : « La puissance des mots est immense ; il n’en est peut-être pas de plus grande sur la terre. […] Chez les modernes, il y a progrès : les oracles sont muets ; la voix des dieux et de ceux qui les faisaient parler n’est plus fatalement obéie ; les peuples pensent : et pourtant il y a toujours l’empire des mots, la puissance des déclamations de tout genre, des sophismes spécieux, ces autres formes d’idoles ; il y a la mobilité naturelle aux hommes, le jeu presque mécanique des actions et des réactions, mille causes combinées d’où résultent on ne sait comment, à certains jours, des souffles généraux qui deviendront plus tard des tempêtes ; et lorsqu’une fois il s’est établi parmi les peuples un mauvais courant de pensées et de sentiments, oracle ou non, il y a danger, si une main bien prudente et bien ferme n’est au gouvernail, qu’ils n’y obéissent en aveugles comme à un mauvais génie.
Chez eux, elle n’apparaît même pas pour être contestée ; ils n’y pensent jamais, et s’en passent, voilà tout. […] Regnier pense que le même feu qui anime le grand poëte échauffe aussi l’ardeur amoureuse, et il ne serait nullement fâché que, chez lui, la poésie laissât tout à l’amour. […] Mais bientôt il pensait sérieusement au temps prochain où fuiraient loin de lui les jours couronnés de rose ; il rêvait, aux bords de la Marne, quelque retraite indépendante et pure, quelque saint loisir, où les beaux-arts, la poésie, la peinture (car il peignait volontiers), le consoleraient des voluptés perdues, et où l’entoureraient un petit nombre d’amis de son choix. André Chénier avait beaucoup réfléchi sur l’amitié et y portait des idées sages, des principes sûrs, applicables en tous les temps de dissidences littéraires : « J’ai évité, dit-il, de me lier avec quantité de gens de bien et de mérite, dont il est honorable d’être l’ami et utile d’être l’auditeur, mais que d’autres circonstances ou d’autres idées ont fait agir et penser autrement que moi.
Je faisais plus d’une de ces réflexions, à part moi, durant ce riche discours tout semé et comme tissu de poésie, et je me demandais tout bas, par exemple, ce que penserait l’élégance un peu effacée du défunt en s’entendant louer par l’élégance si tranchée de son successeur. […] Mais sur les autres sujets un peu mixtes et par les autres œuvres qui atteignent les bons esprits dont je parle, dans ces matières qui sont communes à tous ceux qui pensent, et où ces hommes de sens et de goût sont les excellents juges, prouvons-leur aussi que, tout poëtes que nous sommes, nous voyons juste et nous pensons vrai : c’est la meilleure manière, ce me semble, de faire honneur auprès d’eux à la poésie, et de lui concilier des respects ; c’est une manière indirecte et plus sûre que de rester poëtes jusqu’au bout des dents, et de venir à toute extrémité soutenir que nos vers sont fort bons . […] Il est même allé jusqu’à penser qu’il y avait une lutte établie et comme perpétuelle entre les deux races ; que celle des penseurs ou poëtes, qui avait pour elle l’avenir, était opprimée dans le présent, et qu’il n’y avait de refuge assuré que dans le culte persévérant et le commerce solitaire de l’idéal.
. — Il n’y a en nous, quand nous pensons une qualité générale, qu’une tendance à nommer et un nom. — Ce nom est le substitut d’une expérience impossible. […] En quoi donc consiste ce représentant intérieur, ce correspondant exact, et qu’y a-t-il en moi lorsque, par le moyen d’un nom général que j’entends, je pense une qualité commune à plusieurs individus, une chose générale, bref un caractère abstrait ? […] IV Le lecteur voit maintenant comment nous pensons une qualité générale ; quand nous avons vu une série d’objets pourvus d’une qualité commune, nous éprouvons une certaine tendance, une tendance qui correspond à la qualité commune et ne correspond qu’à elle. […] Nous n’avons pas d’idées générales à proprement parler ; nous avons des tendances à nommer et des noms. — Mais une tendance prise en soi n’est rien de distinct ; elle est le commencement, le rudiment, l’ébauche, l’approche, plus ou moins pénible ou facile, de quelque chose, image ou nom, ou tout autre acte déterminé, qui est sa plénitude et son achèvement ; elle est l’état naissant de l’acte qui est son état final. — En fait d’actes positifs et définitifs, lorsque nous pensons où connaissons les qualités abstraites, il n’y a donc en nous que des noms, les uns en train de s’énoncer ou de se figurer mentalement, les autres tout énoncés et figurés.
Elle n’est cependant qu’une vulgaire maison moderne, mais je pense, et ne riez pas, que la fréquentation du poète l’avait imprégnée de charme. […] … Chose étrange : il pensait avant de parler. […] Mais, d’autre part, il leur confère une fonction nouvelle à quoi personne n’avait pensé jusqu’alors : « Il faut, dit-il, que de plusieurs vocables, on refasse un mot total, neuf, étranger à la langue et comme incantatoire… qui nous cause cette surprise de n’avoir ouï jamais tel fragment ordinaire d’élocution en même temps que la réminiscence de l’objet nommé baigne dans une neuve atmosphère. […] Il y retrouvait le même chaos de ratures et de surcharges, la même création de néant et il ne put se retenir de penser que Mallarmé « avait essayé d’élever enfin une page à la puissance du ciel étoilé ».
La reconnaissance augmente quand on pense que tant de bons offices, dont l’éminent historien est l’objet, sont dus à une femme. […] On voit bien à qui il pense en parlant ainsi. […] Il pense que le délai même que ce consentement entraîne en cas de guerre, est bon et profitable ; que les rois et princes, quand ils n’entreprennent rien que du conseil de leurs sujets, en sont plus forts et plus craints de leurs ennemis. […] Commynes pense qu’il serait bon de tenir des États réguliers ; que ceux qui s’y opposent en élevant ces grands mots de majesté et d’autorité royale, ne le font que par des motifs personnels, parce que, n’étant que gens frivoles et propres à conter fleurette dans l’oreille, ils n’auraient pas de quoi figurer dans une grande assemblée où il faudrait discuter avec sérieux, et qu’aussi ils ont peur que leurs œuvres ne soient connues et blâmées.
Cela étant vrai, même des leçons, je ne pense pas qu’il y ait à établir au fond une différence si essentielle entre la leçon et la lecture. […] Dans un tel cours, l’histoire universelle, comme on peut penser, serait traitée d’une façon très sommaire, très rapide : l’histoire de France seule devrait être développée. […] Les hommes distingués qui se sont dévoués jusqu’ici, par goût et par zèle, à ces fonctions tout à fait gratuites, font certainement une œuvre bien estimable ; mais il y a quelque chose qui l’est encore plus (ils m’excuseront de le penser, et ils l’ont pensé avant moi), c’est de voir, comme cela a lieu au Conservatoire, des ouvriers, leur journée finie, s’en venir de Passy ou de Neuilly pour assister, à huit heures du soir, à une lecture littéraire.
M. de Laborde se propose de faire réimprimer l’ouvrage, et de tirer de cet appendice, d’abord destiné aux seuls bibliophiles et dont ils se montrent si friands, tout ce qui est réellement significatif, à la fois piquant et convenable, pour l’offrir à cette portion plus considérable du public à laquelle il faut toujours penser. […] Son amour-propre se satisfait ainsi ; il étale son esprit devant le lecteur ; et le désir qu’il a de se montrer penseur ingénieux le conduit souvent à bien penser. […] Après une consultation de médecins, le célèbre Guénaud lui ayant nettement déclaré qu’il était atteint à mort et qu’il n’avait guère que pour deux mois à vivre, il se mit à penser sérieusement à sa fin, et il le fit avec un singulier mélange de fermeté, de parade et de petitesse. […] M. de Laborde a réussi dans son apologie de Mazarin, en ce sens qu’après l’avoir lu on emporte de l’esprit du ministre, de ses qualités aimables et puissantes, une idée fort présente et fort vive, égale à tout ce qu’on en pouvait penser déjà.
Ils pensent comme les soleils rayonnent, avec l’abîme autour d’eux pour condition. […] Faites un tour d’opinions sur Homère ; demandez à Scaliger, à Terrasson, à Lamotte, ce qu’ils en pensent. […] Il y a eu, c’est vrai, des époques où l’on pensait autrement ; dans ces temps-là les choses sur lesquelles on marchait le prenaient quelquefois mal, et se soulevaient ; mais c’était l’ancien genre, ridicule maintenant, et il faut laisser dire les fâcheux et les grognons affirmant qu’il y avait plus de notion du droit, de la justice et de l’honneur dans les pavés d’autrefois que dans les hommes d’aujourd’hui. […] L’aurore elle-même nous semble parfois immodérée ; qui la regarde en face, souffre ; l’œil, à de certains moments, pense beaucoup de mal du soleil.
Ils inventent tout ce qu’ils pensent, et ils créent tout ce qu’ils sont ; ils sont originaux comme le vulgaire est imitateur, par nature ; ils aiment l’indépendance comme le vulgaire aime l’autorité, par instinct. […] Ce que je lisais, ce que j’entendais de philosophie, n’avait d’autre effet que de me donner matière à penser, à chercher. […] Sur vingt hommes qui pensent, il y en a dix-neuf qui, en quittant leur religion d’enfance, tombent dans cette philosophie ; elle n’est qu’un christianisme tempéré et amoindri ; c’est pourquoi elle devait être la philosophie de M. […] Il pensait avec précision et ne pouvait rendre avec précision sa pensée.
Dans cette exposition et dans cette critique de la philosophie régnante, je ne pense point avoir oublié une seule doctrine originale ou importante. […] Enfin, en matière d’idées, le Français est naturellement discipliné, fort différent des Allemands qui réfléchissent chacun à sa façon et chacun dans son coin, très-docile aux opinions courantes, très-paresseux contre les opinions nouvelles, très-grognon quand on dérange ses habitudes, et qu’au lieu de réciter il est contraint de penser. […] La chose, cependant, n’est point certaine, et lorsqu’on regarde autour de soi, un signe fâcheux donne à penser. […] De ce côté, toute espérance n’est pas perdue ; on est déjà bien revenu du rêve, des aspirations vagues et des grands mots ; la chute de vingt systèmes réformateurs nous a mis en défiance ; nous ne pensons plus que la poésie soit un instrument de précision, et nous commençons à soupçonner que le cœur est fait pour sentir et non pour voir.
À vrai dire, elle a pensé réduire et rendre intelligible cette diversité. […] On pensa qu’elle allait établir la continuité entre les choses qui paraissaient les plus hétérogènes. […] Car il faut être bien sûr que les matériaux, d’où l’on pense voir sortir la vie, sont véritablement inorganiques. […] Newton pensait, en ce sens, que, si les lois ne souffraient aucune exception, la Providence cesserait d’être démontrée. […] Ainsi pense-t-on en général.
Mais je ne pense pas qu’on puisse prendre réellement au sérieux son érudition germanique. […] Ils sont délicats et polis dans leur critique, tandis que nos savants allemands pensent que leur devoir est de haïr tous ceux qui ne pensent pas comme eux. […] Le mouvement pratique et industriel de notre époque continuera son chemin et s’arrêtera plutôt encore qu’on ne le pense. […] L’Allemagne sent, la France pense. […] La contemplation du poète, est comme le tableau du peintre : elle fait penser.
Appendice à l’article sur Gabriel Naudé J’ai pensé qu’il était bon de donner ici tout l’extrait de la lettre de Naudé à Peiresc, où il est question de Campanella. — Naudé commence sa lettre par des compliments et des excuses à Peiresc et parle de diverses commissions ; puis il ajoute : « Je viens tout maintenant de recevoir lettre de Paris de M. […] (Campanella) ; mais si la lettre que je lui écrivis il y a environ quinze jours ou trois semaines ne lui donne ouverture et occasion de travailler autrement, je ne pense pas qu’il soit bastant pour terminer le différend, car il ne m’écrit rien autre chose, sinon que le Père proteste de n’avoir rien dit à mon désavantage et qu’il veut mourir mon serviteur et ami, qui sont les caquets desquels il m’a repu jusqu’à cette heure, et desquels je ne puis en aucune façon demeurer satisfait ; et s’il ne m’écrit de sa propre main de s’être licencié légèrement ou par inadvertance de certaines paroles et imputations contre moi, lesquelles il voudroit n’être point dites, et proteste maintenant qu’elles ne me doivent ni peuvent préjudicier en aucune façon, je suis résolu, sous votre bon consentement néanmoins, de ne pas endurer une telle calomnie sans m’en ressentir.
Il pensait fermement que plus on lit plus on a d’esprit ; il lisait tout, même le Cyrus ; il y apprenait sinon les mœurs des Perses, du moins celles de l’hôtel de Rambouillet ; il faisait beaucoup de cas de Balzac et fort peu de Voiture ; il croyait qu’une science dont on connaît l’histoire est une science à peu près connue ; il se vantait d’avoir lu Don Quichotte plus de vingt fois en sa vie. J’en ai assez dit, je pense, et peut-être paraîtrai-je en avoir trop dit.
On n’y pense pas toujours, non ; mais, quand on y pense, comme je le fais aujourd’hui, c’est dur.
Mais qu’un homme, un grand écrivain, si l’on veut, vienne préciser ce qui était nuageux, condenser ce qui était éparpillé, mettre en pleine lumière ce qui était encore enveloppé d’ombre, exposer brillamment ces besoins que beaucoup sentaient sans en avoir la conscience bien nette, alors on lui sait gré d’avoir « dit le secret de tout le monde », d’avoir exprimé tout haut ce que tant d’autres pensaient tout bas, d’avoir donné une voix à des aspirations jusque-là presque muettes. […] Sans doute, il peut avoir vingt et cent fois raison contre la masse qui pense autrement que lui.
Le sort des artisans sans génie est de s’attacher principalement à l’étude de quelque partie de l’art qu’ils professent, et de penser après y avoir fait du progrès, qu’elle est la seule partie de l’art bien importante. […] Si les grands artisans sont sensibles à la jalousie, que penser des médiocres ?
Elles sont à la gauloise, sans cérémonie aucune, à des amis avec qui il pense tout haut et à qui il raconte ses affaires, celles de la Faculté, les nouvelles de la ville, les curiosités du monde savant, les livres qui s’impriment, les meurtres et assassinats qui se commettent, les exécutions, les faits de tout genre tels qu’ils le frappent et qu’ils lui arrivent : « Vous voyez que je n’y mets aucun soin de style et d’ornement, dit-il, et que je n’y emploie ni Phœbus ni Balzac. » Le premier mot qui lui vient, français ou latin, est celui qu’il écrit ; c’est souvent un gros mot, et quelquefois un bon mot ; mais cela vibre toujours et a de l’accent. […] Ce beau temps, selon lui, où l’on pouvait penser à cœur joie et dire tout haut ce qu’on avait sur le cœur, était avant que Berthe filât : « Depuis qu’elle a filé, le monde s’est bien corrompu. » Je l’ai montré, dans la première partie de sa vie, guerroyant et processif : il s’apaisa pourtant un peu en vieillissant. […] Sur ce chapitre de Jules César, Gui Patin, après la Fronde, bien que si peu guéri, eût sans doute pensé différemment : On a imprimé en Hollande, écrivait-il en 1659, un livret intitulé : Traité politique, etc., que tuer un tyran n’est pas un meurtre ; on dit qu’il est traduit de l’anglais ; mais le livre a premièrement été fait en français par un gentilhomme de Nevers, nommé M. de Marigny, qui est un bel esprit. […] Il a vu Spon en 1642, et, des années après, il pourrait, s’il était peintre, tracer son portrait tel qu’il était alors : « Je pense si souvent à vous que je vous vois à toute heure. » Dans les interruptions de la Fronde, il attend les lettres de Spon aussi impatiemment que les créanciers du roi d’Espagne attendent les galions. […] Quand l’édition présente, qui est en voie de s’écouler, aura fait son temps, il serait bon de penser à celle qui devra être définitive.
Villars fit partir de Paris, à l’avance, un grand train conforme à son nouvel état de représentant du plus magnifique des rois : trois carrosses à huit chevaux, quatre chariots attelés de même, cinq ou six charrettes chargées de meubles, six pages, quatre gentilshommes, avec grand nombre de domestiques ; mais comme il avait su allier toute cette pompe avec un esprit d’exacte économie, il ne put s’empêcher de s’en vanter tout haut et de le raconter au roi et à tous : Il demanda à Sa Majesté (ce sont les mémoires qui parlent) ce qu’elle pensait que pouvait coûter la conduite d’un tel équipage de Paris à Vienne. […] Vous avez trop bonne opinion de la nation pour ne pas croire qu’elle puisse produire des gens qui, soutenus uniquement par leur zèle, osent penser noblement… Trop heureux s’ils peuvent être bien connus, et si des ministres éclairés, attentifs, justes, sans humeur et sans passion (avis à Chamillart !) […] D’autres ambassadeurs avaient reçu des grâces qu’il croyait avoir tout autant méritées : « Cependant, à mon retour, dit-il, je trouvai que j’avais battu les buissons, et mes camarades pris les oiseaux. » Aux bonnes et obligeantes paroles de Louis XIV, il répondit, avec cette pointe de gaieté et d’humeur gaillarde dont il assaisonnait ses convoitises : « Il faut donc que je porte écrit sur ma poitrine tout ce que Votre Majesté me fait l’honneur de me dire ; car qui pourra penser que je l’aie bien et fidèlement servie, lorsqu’elle ne fait rien pour moi ? […] Je n’ai point seulement pensé qu’il lui fût possible d’en avoir suffisamment pour celui de Landau. […] En attendant, « j’ose assurer Votre Majesté, écrivait le maréchal de Villars après Friedlingen, que ce qui ne sera pas exécuté par l’armée dont il lui a plu de me donner le commandement n’aura pu l’être ; et il ne viendra pas de lettre de ladite armée qui dise que l’on pouvait faire plus. » Villars pense à assurer ses quartiers d’hiver et à parer aux nouvelles dispositions de l’ennemi.
Saint-Évremond pensait qu’en se pressant moins on aurait imposé une paix bien plus avantageuse, qu’on y aurait gagné la Flandre, et son opinion semble avoir été aussi celle de Turenne. […] Dans les quelques lignes dont on fait si grand état en les surfaisant, Mme de Sablé a bien pu réfuter Saint-Évremond, elle a bien pu aussi réfuter La Rochefoucauld, qui lui aura dit dès ce temps-là : « Je pense exactement comme M. de Saint-Évremond ; je prends son opinion à mon compte, et j’en fais une maxime. » On ne saurait avoir devant soi un Saint-Évremond, l’eût-on déjà lu vingt fois, sans être tenté de le parcourir encore et sans repasser d’un coup d’œil rapide ce qu’il y a de principal en lui, ce qui le fait original avec distinction entre Montaigne et Bayle. […] Il parle souvent de ce dernier passage, tout en étant d’avis qu’il faut le couler le plus insensiblement qu’il se peut : « Si je fais un long discours sur la mort, après avoir dit que la méditation en était fâcheuse, c’est qu’il est comme impossible de ne faire pas quelque réflexion sur une chose si naturelle ; il y aurait même de la mollesse à n’oser jamais y penser… — Du reste, il faut aller insensiblement où tant d’honnêtes gens sont allés devant nous, et où nous serons suivis de tant d’autres. » Il professe la théorie du divertissement, ou du moins il ne semble en rien en blâmer l’usage : « Pour vivre heureux, il faut faire peu de réflexion sur la vie, mais sortir souvent comme hors de soi ; et, parmi les plaisirs que fournissent les choses étrangères, se dérober la connaissance de ses propres maux. » Il se plaint par moments du trop ou du trop peu de l’homme, ou plutôt il s’en étonne comme d’une bizarrerie, mais sans en gémir avec la tendresse et l’anxiété qu’y mettra l’auteur des Pensées. […] Il ne faut pas demander aux hommes de ce temps-là une critique historique bien profonde en ce qui concerne l’Antiquité : il y a bien loin, comme l’on peut penser, de Saint-Évremond à Niebuhr et à Monvnsen ; mais, au sortir des doctes élucubrations du xvie siècle, et en se débarrassant du matériel de l’érudition et des questions de grammaire, il y eut alors quelques hommes de sens qui raisonnèrent à merveille sur les données générales qu’on avait à sa portée et sous la main : on dissertait volontiers sur le caractère des Romains et des Grecs, sur le génie de César et d’Alexandre. […] Une des pièces les plus intéressantes qu’il nous ait laissées et des plus délicates (pour employer une de ses expressions favorites), la principale peut-être aux yeux du biographe et comme offrant l’expression entière de sa nature, c’est sa lettre à l’un de ses anciens amis restés des plus affectionnés et des plus fidèles, le maréchal de Créqui, qui lui avait demandé en quelle situation était son esprit, et ce qu’il pensait de toutes choses dans sa vieillesse.
C’est ce qui doit conduire à penser que la science politique peut acquérir un jour une évidence géométrique. […] On est d’accord, je pense, sur l’impossibilité du despotisme, ou de l’établissement de tout pouvoir qui n’a pas pour but le bonheur de tous ; on l’est aussi, sans doute, sur l’absurdité d’une constitution démagogique2, qui bouleverserait la société au nom du peuple qui la compose. Mais les uns croient que la garantie de la liberté, le maintien de l’ordre, ne peut subsister qu’à l’aide d’une puissance héréditaire, et conservatrice ; les autres, reconnaissent de même la vérité du principe, que l’ordre seul, c’est-à-dire l’obéissance à la justice, assure la liberté : mais ils pensent que ce résultat peut s’obtenir sans un genre d’institutions que la nécessité seule peut faire admettre, et qui doivent être rejetées par la raison, si la raison prouve, qu’elles ne servent pas mieux que les idées naturelles, au bonheur de la société. […] Car, il faut bien se le répéter, l’on est maintenant opposé sur ce point seul, le reste des opinions despotiques et démagogiques sont des songes exaltés ou criminels, dont tout ce qui pense s’est réveillé. […] Qu’on me pardonne de m’être laissée entraîner au-delà de mon sujet, mais qui peut vivre, qui peut écrire dans ce temps, et ne pas sentir et penser sur la révolution de France.
Nous pensons à cet égard comme La Harpe dans son Cours de Littérature ou plutôt de rhétorique sacrée. « Quand les poèmes de Moïse, de David, d’Isaïe, ne nous auraient été donnés que comme des productions purement humaines, ils seraient encore, par leur originalité, par leur antiquité, dignes de toute l’attention des hommes qui pensent, et, par les beautés littéraires dont ils brillent, dignes de l’admiration et de l’étude de ceux qui ont le sentiment du beau. » Lisons donc ces chants inspirés ; ils ont passé par des bouches humaines, et, sous ce point de vue au moins, ils ressortent du jugement humain. […] S’il y a écho dans nos oreilles, il y en a un également dans nos pensées ; l’esprit de l’homme aime à se répéter deux fois ce qu’il pense et ce qu’il sent, comme pour s’affirmer davantage à lui-même ce qu’il a pensé ou ce qu’il a senti, et comme pour jouir ainsi deux fois de sa propre faculté de penser et de sentir.
Quoi qu’on puisse penser de l’exactitude d’un pareil jugement, il est certain qu’il y a dans ce poëme beaucoup de passages qui paraissent fortement appuyer cette opinion. […] Entraîné par cette illusion, je me mis à considérer combien était cruelle la destinée de ceux qui l’avaient aimée ; ensuite j’examinai s’il y avait dans cette ville quelque autre dame qui méritât tant d’honneurs et de louanges, et je pensai à la félicité dont jouirait un mortel assez heureux pour rencontrer un objet si digne de ses vers. […] Il était alors dans sa vingt et unième année, et son père pensa qu’il était temps de l’attacher au lien conjugal ; dans cette vue, il avait négocié un mariage entre Laurent et Clarice, fille de Giacopo Orsini, de la noble et puissante famille de ce nom, qui avait si longtemps disputé à Rome la prééminence à celle des Colonne. […] Malgré cette indifférence apparente, on peut penser qu’ils eurent l’un pour l’autre une affection sincère ; et tout nous autorise à croire que Laurent eut toujours pour elle des égards et une estime particulière. […] On ne sait point ici dire le contraire de ce qu’on pense : dans ces estimables et paisibles retraites, au milieu de l’air pur qui vous environne, on ne voit point le sourire sur la bouche de celui dont le cœur est rongé de chagrins ; le plus heureux parmi vous est celui qui fait le plus de bien, et la sagesse suprême ne consiste pas à savoir déguiser et dissimuler la vérité avec le plus d’artifice. » Cependant le berger ne paraît point convaincu de la supériorité que le poëte accorde à la vie champêtre, et, dans sa réponse, il présente avec beaucoup de force les peines et les nombreux travaux auxquels elle est inévitablement exposée.
Je pense qu’on entrevoit maintenant le tour habituel de cette plaisanterie. […] Il dit ce qu’il pensait et il le dit simplement, sans fioritures, sans paradoxes, sans feux d’artifice. […] (Je ne dis point tout cela, on le pense bien, pour diminuer le mérite du romancier. […] Sans doute la foule n’exige pas que la vertu soit toujours récompensée et le vice toujours puni ; mais elle pense comme Corneille : « Une des utilités du poème dramatique se rencontre en la naïve peinture des vices et des vertus, qui ne manque jamais son effet quand elle est bien achevée et que les traits en sont si reconnaissables qu’on ne peut les confondre l’un dans l’autre ni prendre le vice pour la vertu. […] Sarcey s’est mis de si bon cœur avec le peuple qu’il s’y est peut-être trop mis. « Il faut bien que je le suive, nous dira-t-il, puisque je suis son critique ; il faut bien que je pense comme lui puisque je suis chargé de l’éclairer. » Aussi s’en donne-t-il de rire, de pleurer, de vibrer avec le parterre !
Les milliers de vers où il dit : « Moi, le penseur », où il se qualifie de mage effaré, où il se compare aux lions et aux aigles, où il menace l’ombre, la nuit et le mystère de je ne sais quelle effraction, sont insupportables aux hommes modestes, et à ceux qui essayent vraiment de penser. […] Hugo ne le pensait point ; il avait annoncé lui-même, sept ou huit ans avant sa mort, la publication de Toute la Lyre. […] Je n’ai pas à feuilleter longtemps Toute la Lyre pour y rencontrer ces « vers dorés » : Sers celui qui te sert, car il te vaut peut-être ; Pense qu’il a son droit comme toi ton devoir ; Ménage les petits, les faibles. […] Mais les mots, après tant de siècles de littérature, sont tout imprégnés de sentiments et de pensée : ils devaient donc, par la vertu de leurs assemblages, le forcer à penser et à sentir. […] Nous ne devons à Victor Hugo aucune façon nouvelle de penser — ni de sentir.
Stéphane Mallarmé, M. de Régnier n’a voulu borner à la forme ses désirs ; il est pour penser ainsi, trop poète. […] Bien que les annales n’en content rien, (et c’est grand dommage), je pense qu’à sa place Henri de Régnier eût agi autrement. […] Je pense d’ailleurs qu’à présent les idées ont un peu changé ; M. […] Ces vers et beaucoup d’autres, si on les confronte à des pages composées plus tard font penser aux sveltesses d’un adolescent qui aurait bouclé sur sa poitrine le miroitant métal d’une armure. […] Vielé-Griffin et M. de Régnier prouvent par leurs livres qu’ils pensent bien ainsi.
Je ne le pense pas. […] Les exagérations de la lutte religieuse, l’intervention des princes, les complications de la politique, y mêlèrent beaucoup de choses auxquelles Luther n’avait point pensé tout d’abord. […] Il abolit l’épiscopat, l’ordre, c’est-à-dire la transmission du ministère ; il fit nommer le pasteur par la société religieuse ; il rendit le baptême facultatif, à la manière des anabaptistes qui pensaient que le caractère s’en transmet des pères aux enfants ; il fit enlever des temples, les fonts baptismaux, affaiblissant le dogme et abolissant la cérémonie. […] Outre la gloire d’être la langue du culte chrétien, la langue dans laquelle toute l’Europe du moyen âge avait prié et pensé, le latin, expression de la loi civile, des actes publics, et en général de tout ce qui règle, discipline et lie, s’adaptait mieux au génie de notre pays. […] « Il a beau faire, s’écrie-t-il, jamais il ne le persuadera à personne ; et tout le monde sait combien je sais presser un argument, et combien est précise la brièveté avec laquelle j’écris74. » A la fin d’un chapitre de l’Institution, il dit : « Or, je pense bien avoir fait ce que je voulois, quant à ce point. » Combien n’est-il pas redoutable, celui qui, ayant dans les mains le pouvoir de vie et de mort, mesure la justice de sa cause à la rigueur de ses raisonnements !
Pense, domine l’Âge et respire l’espace. […] « Nous ne nous aimons pas, pense Jean de Tinan, mais serait-ce si différent si nous nous aimions ? […] Demandez-leur ce qu’ils en pensent ! […] * * * Excès de civilisation, pensera-t-on. […] Je veux bien que nous pensions Par-delà le Bien et le Mal, mais si c’est pour nous réunir dans la chasteté, à quoi bon nous disputer sur les moyens d’y parvenir ?
Je pense au rire délicat qu’aura excité dans quelque coterie de province la lecture de ces jolies choses. […] On peut regretter le temps où le grand homme se formait sans y penser et sans se regarder lui-même ; mais les déportements ridicules de quelques faibles têtes ne sauraient faire condamner la volonté réfléchie et délibérée de viser à quelque chose de grand et de beau. […] Ce titre, qui devrait être le plus beau des éloges, est devenu presque synonyme d’esprit faible et est accordé avec une étrange libéralité ; on accorde, en effet, volontiers aux autres les qualités auxquelles on ne tient pas pour soi-même, et on pense qu’en accordant aux autres le bon esprit on fera entendre qu’on est soi-même un grand ou brillant esprit. […] En faisant au scepticisme moral la plus large part en supposant que la vie et l’univers ne soient qu’une série de phénomènes de même ordre et dont on ne puisse dire autre chose, sinon qu’il en est ainsi en accordant que pensée sentiment, passion, beauté, vertu ne soient que des faits, excitant en nous des sentiments divers, comme les fleurs diverses d’un jardin ou les arbres d’une forêt (d’où il résulterait comme Goethe et Byron le pensaient, que tout est poétique) en admettant que, parvenu à l’atome final, on puisse, librement et à son choix, rire ou adorer, en sorte que l’option dépende du caractère individuel de chacun, même à ce point de vue, dis-je, où la morale n’a plus de sens, la science en aurait encore. […] Ce sont là au succès d’invincibles obstacles ; il faut ne pas penser ou ne pas dire sa pensée ; il faut user tellement sa personnalité, qu’on n’existe plus ; songer toujours à dire, non pas ce qui est, mais ce qu’il convient de dire ; s’enfermer en un mot dans un cercle mort de conventions et de mensonges officiels.
L’Homme de guerre méconnoît les rapports qui lient aux autres hommes ; il plongera, si l’on veut, l’épée dans le sein du Citoyen, de son frere, de son ami ; en un mot, l’Homme de guerre, de même que le Dévot fanatique, ne se croit pas fait pour penser. […] La Philosophie pense différemment, & ne connoît de Patrie que celle où il est permis de tout fronder sans ménagement & sans danger. […] Soutenir que l’ame sentira, pensera, jouira, souffrira après la mort du corps, c’est prétendre qu’une horloge brisée en mille pieces peut continuer à sonner ou à marquer les heures Syst. de la Nat. tom. […] C’est, je pense, une détermination opiniâtre à blâmer contre toute justice, ou à louer sans aucun fondement ; c’est une prévention décidée qui ne permet de voir dans un Ouvrage que les défauts ou les bonnes qualités ; c’est juger plutôt l’Ecrivain que l’Ecrit ; c’est être enfin volontairement injuste : or, si je prouve qu’aucune de ces dispositions n’a dirigé mes jugemens, il sera démontré que ceux qui m’accusent de partialité ignorent ou feignent d’ignorer la véritable signification de ce terme. […] On n’aura pas de peine à se le persuader, si l’on pense qu’un homme de Lettres n’arrive aux honneurs, aux places, aux récompenses, & même aux bénéfices, que par les Philosophes, & que, se déclarer contre eux, c’est se fermer la porte à toute espece de fortune.
On sourit quand on pense que ce récit est de l’homme même dont les funérailles, quinze ans plus tard, égaleront en pompe et en majesté celles des plus grands rois. […] La marquise trouve moyen d’attaquer Mirabeau sur le chapitre de la Belinde, et celui-ci se défend, en homme de bonne compagnie, de l’avoir jamais aimée : Veuillez m’en croire, Madame la marquise, si vous en exceptez un petit nombre de moments qui sont bien courts quand aucun intérêt ne les précède et ne les suit, j’y ai trouvé beaucoup d’ennui ; mais je n’y restais pas autant que vous l’avez pu penser. […] Je l’assurai de plus qu’il était indigne d’un honnête homme de regarder la confiance de son ami comme une facilité pour le tromper, et que cette façon de penser suffirait pour m’éloigner de celui qui était capable de l’avouer, fût-il à mes yeux le plus beau et le plus aimable des mortels. […] Je lui disais sèchement ma façon de penser, qui rarement se rencontrait avec la sienne. […] Il le disait et il le pensait alors.
Isolé par goût, sans autre ambition que celle des lettres, des « saintes lettres », comme il les appelle, n’aspirant à rien tant qu’à les voir se retremper aux grandes sources et se régénérer, ne désespérant point d’y aider pour sa part en un siècle dont il appréciait les germes de vie et aussi la corruption et la décadence, il n’entra jamais dans la politique qu’à la façon d’un particulier généreux qui vient remplir son devoir envers la cause commune, dire tout haut ce qu’il pense, applaudir ou s’indigner énergiquement. […] Pour lui, il ne fera point ainsi : tout résolu qu’il était d’abord à ne point sortir de son obscurité, à ne point faire entendre sa voix inconnue au milieu de cette confusion de clameurs, il a pensé qu’il fallait triompher de ces réserves d’amour-propre plutôt encore que de modestie, et payer, coûte que coûte, son tribut pour le salut commun : J’ai de plus, ajoute-t-il, goûté quelque joie à mériter l’estime des gens de bien en m’offrant à la haine et aux injures de cet amas de brouillons corrupteurs que j’ai démasqués. […] C’est à cette Société des Jacobins qu’il pensait encore, quand il disait : « Aux talents et à la capacité près, ils ressemblent à la Société des Jésuites. » Il fait sentir la distinction profonde qu’il y a entre le vrai peuple, dont, suivant lui, la bourgeoisie laborieuse est le noyau, et ces sociétés, « où un infiniment petit nombre de Français paraissent un grand nombre, parce qu’ils sont réunis et qu’ils crient : Quelques centaines d’oisifs réunis dans un jardin ou dans un spectacle, ou quelques troupes de bandits qui pillent des boutiques, sont effrontément appelés le Peuple ; et les plus insolents despotes n’ont jamais reçu des courtisans les plus avides un encens plus vil et plus fastidieux que l’adulation impure dont deux ou trois mille usurpateurs de la souveraineté nationale sont enivrés chaque jour par les écrivains et les orateurs de ces sociétés qui agitent la France. […] Il suppose à tous ceux qui pensent comme lui autant de courage qu’à lui : Que tous les citoyens dont les sentiments sont conformes à ceux que contient cet écrit (et il n’est pas douteux que ce ne soit la France presque entière) rompent enfin le silence. […] A lui demandé commant il sapelloit A répondu quil senomoit André Chenier natife de Constentinoble âgé de trente et un ans demeurant à Paris rue de Clairy section de Brutus A lui demandé de quelle ané il demeuroit rue de Clairy A lui répondue depuis environ mil sept cent quatre vingt douze au moins A lui demandé quel son ses moyent de subsisté A lui répondu que de puis quatre vingt dix quil vie que de que lui fait son père12 A lui demandé combien que lui faisoit son père A répondu que son père lui endonnoit lorsquil luy endemandoit A lui demandé s’il peut nous dire a combien la somme quil demande à son pere par an se monte A repondu quil ne savoit pas positivement mais environ huit cent livre à mille livre par année A lui demandé sil na auttre chose que la somme quil nous déclare cy-dessus A repondu qu’il na pas d’auttre moyent que ce quil nous a déclarée A lui demande quelle manierre il prend son existance A repondu tenteau chez son père tenteau chez ses amis et tentot chez des resteaurateurs A lui demandé quel sont ses amis ou il va mangé ordinairement A répondu que cetoit chez plusieurs amis dont il ne croit pas nécessaire de dire lenom A lui demandé s’il vien mangé souvent dans la maison ou nous lavons aretté A repondu quil ne croyoit n’avoir jamais mangé dans cette maison ou il est aresté, mais il dit avoir mangé quelque foy avec les mêmes personnes apparis chez eux A lui demandé sil na pas de correpondance avec les ennemis de la République et la vons sommé de nous dire la vérité A repondu au cune A lui demandé sil na pas reçue des lettre danglaitaire depuis son retoure dans la République A repondu quil en a recue une ou deux ducitoyent Barthelemy àlorse ministre plénipotensiêre en Anglaitaire et nen avoir pas reçue dauttre A lui demandé à quelle épocque il a recue les lettre désigniés sy dessus sommé a lui denous les representés A répondue quil ne les avoit pas A lui demandé ce quil en àfait et le motife quil lat engagé à sendeffaire A repondu que ce netoit que des lettre relative à ses interrest particulier, comme pour faire venire ses livres et auttre effest laissé en Anglaitaire et du genre de celle que personne ne conserve A lui demandé quel sorte de genre que personne ne conserve et surtout des lettre portant son interest personnelle13 sommé de nous dire la vérité A répondu il me semble que des lettre qui énonce l’arrivé des effest désigniés cy-dessus lorsque ses effest son reçue ne son plus daucune valeure A lui representé quil nest pas juste dans faire réponse, dautant plus que des lettre personnelle doive se conserver pour la justification de celui qui à En voyé les effet comme pour celui qui les à reçue A repond quil persite à pensé quand des particulier qui ne mettre pas tant dexactitude que des maison de commerce lorsque la reception des fait demandé est accusé toute la correspondance devient inutisle et quil croit que la plus part des particuliers en use insy A lui représenté que nous ne fond pas des demande de commerce sommé à lui de nous répondre sur les motifes de de son arestation qui ne sont pas affaire de commerce14 A repondu quil en ignorest du faite A lui demandé pourquoy il nous cherche des frase et surquoy il nous repond cathegoriquement15 A dit avoir repondue avec toute la simplicité possible et que ses reponse contiene lexatte veritté A lui demandé sil y à longtemps quil conoit les citoyent ou nous l’avons aresté sommé a lui de nous dire depuis quel temps A repondu quil les connaissoit depuis quatre ou cinqt ans A lui demandé comment il les avoit conu A repondu quil croit les avoir connu pour la premiere fois chez la citoyene Trudenne A lui demandé quel rue elle demeuroit alors A repondu sur la place de la Revolution la maison à Cottée A lui demandé comment il connoit la maison à Cottée16 et les-citoyent quil demeuroit alors A repondu quil est leure amie de l’anfance A lui represanté quil nest pas juste dans sa reponse attendue que place de la Revolution il ny a pas de maison qui se nome la maison à Cottée donc il vien de nous déclarés A repondue quil entandoit la maison voisine du citoyent Letems A lui représentes quil nous fait des frase attandue quil nous a repettes deux fois la maison à Cottée A repondue quil a dit la vérité A lui demandée sil est seul dans lappartement quil occuppe dans la rue de Clairy nº quatre vingt dix sept A repondue quil demeuroit avec son père et sa mère et son frère ainée A lui demandée sil na personne pour le service Il y à un domestique commun pour les quatre qui les sere A lui demandée ou il étoit a lepoque du dix aoust mil sept cent quatre vingt douze A répondue a paris malade d’une colique nefretique A lui demandee sy cette colique le tient continuellement et sil elle tenoit le jour du dix aoust quatre vingt douze A répondue quil se rétablissoit a lors d’une attaque et que cette maladie le tiend presque continuellement depuis lage de vingt ans plus ou moins fortes A lui demandés quelles est cette malady et quelle est le chirurgient quil le traitoit alors et sy cest le même qui letraitte en core A repondu le médecin Joffroy latraitté au commancement de cette maladie et depuis ce temps jai suis un régime connue pour ses sorte de meaux A lui demandée quelle difference il fait d’une attaque de meaux ou de maladies.
Voilà, je pense, une affirmation capitale, venant d’un homme qui a fait le tour complet de l’histoire et de la vie, l’avis puissant d’un naturaliste et d’un poète : une saine vitalité, tel est son code et sa morale. […] A cela je répondrai : Vous pensez que pour atteindre cette vérité sublime vers laquelle vous tendez, il faut vivre en maîtres et en isolés, qu’il faut vous dépouiller soigneusement de tout ce que vous pouvez avoir de commun avec la foule. Mais ces flots de vie que vous méprisez comme une souillure, déferlent sans relâche sur vous, ils vous inondent, vous ne respirez et vous ne pensez que par eux, votre intelligence y est liée comme la plante au sol ! […] Ne pensez-vous pas que ces parcelles de nature et d’humanité recèlent un monde de douleur et de joie, de vérité profonde et d’insondable idéal ? […] Vous pensez vivre d’une vie supérieure parce que vous dominez sur un piédestal, comme le soldat au sommet d’une forteresse croit dominer la région d’alentour parce qu’il braque sur elle ses canons.
Ecoutez-le penser tout haut : « Je fais ma classe avec soin et prudence… Voilà mon moi intérieur. […] Je pense être utile à votre avenir en vous conseillant de jouer aux dominos, aux dames et à l’écarté… Tableau ! […] Ils pensent métier au lieu de penser idées, autant dire qu’ils pensent précis et juste, au lieu de penser vague et faux. […] Une plaine, dont ils pensaient qu’elle ressemblait au Gâtinais, s’appelle Gastouni. […] Il est libre de tout penser.
Pense-t-il à quelque chose durant ces cérémonies ? […] J’étais heureux, je ne pensais à rien. […] « Elle n’avait pas pensé à cela. […] Si chacun d’eux pouvait penser tout, seul et agir selon qu’il a pensé ! […] Que pense-t-elle ?
Pensez à Pascal ! […] Et l’on peut penser d’elle ce que pensait le vieux professeur de Henri Heine. […] Je ne sais si aujourd’hui nous pensons bien ; j’en doute un peu ; mais, certes, nous pensons beaucoup ou du moins nous pensons à beaucoup de choses et nous faisons un horrible gâchis de mots. […] Il sait qu’aucun homme ne peut se flatter raisonnablement de penser quelque chose qu’un autre homme n’ait pas déjà pensé avant lui. […] Il pensait comme il parlait.
On ne prétendait qu’à dire finement, et il se trouve que l’on a finement pensé. […] Et son siècle pense comme lui. […] On a vu ce qu’en pensaient Voltaire et d’Alembert. […] Ils ne savent pas quelle habitude impérieuse, ou plutôt invincible, les spéculatifs se font de leur liberté de penser et d’écrire ; que la liberté d’écrire est la continuation naturelle de la liberté de penser ; et qu’il n’y a de vraie liberté de penser qu’à condition de l’entière liberté d’écrire. […] Elle va plus profondément qu’on ne pense.
La lecture de ces observations fait tout de suite penser à quelque chose d’assez différent de la fausse reconnaissance. […] Ils semblent introduire dans l’esprit certaines manières nouvelles de sentir et de penser. […] Et il est naturel que nous pensions ainsi, parce que l’état de veille est celui qui nous importe pratiquement, tandis que le rêve est ce qu’il y a au monde de plus étranger à l’action, de plus inutile. […] D’un côté il sait qu’il continue d’être ce qu’il était, un moi qui pense et qui agit conformément à ce que la situation réclame, un moi inséré dans la vie réelle et s’adaptant à elle par un libre effort de sa volonté : voilà de quoi sa perception du présent l’assure. […] Wigan pensait que tout le monde y est sujet.
Vachier se plaignit qu’on lui eût fait cette injure, et il pensait qu’il y avait là préméditation. […] Tout donne à penser que Molière avait quitté Béziers depuis longtemps. […] Continuez cependant à vous faire des efforts, ils feront leur effet lorsque vous y penserez le moins. […] Il est triste de penser qu’on rencontre plus d’une page semblable dans la vie de l’auteur d’Athalie. […] Molière pensa mourir du message, et ne put se résoudre qu’après bien des assurances réitérées.
Et encore : Père, engloutis-moi donc, sois donc bien mon tombeau ; Et, si je participe à ta vie éternelle, Que ce soit sans penser, tel que la goutte d’eau Que la mer porte et berce inconsciente en elle. […] Et je voudrais pourtant t’affranchir, ô mon âme, Des liens d’un passé qui ne veut pas mourir… Mais c’est en vain ; toujours en moi vivra ce monde De rêves, de pensers, de souvenirs confus, Me rappelant ainsi ma naissance profonde, Et l’ombre d’où je sors, et le peu que je fus.
Des réflexions si justes et si élevées de mon ami Corréard, je vous engage particulièrement à retenir ceci, que nous ne sommes pas des isolés dans le temps ; que tout ce que la vie a pour nous soit de commodité, soit de noblesse, c’est à nos pères, à nos aïeux, à nos ancêtres que nous le devons ; que nous devons aux morts la culture même d’esprit qui nous permet, sur certains points, de penser autrement qu’eux et mieux, je l’espère et qu’enfin, suivant le beau mot d’Auguste Comte, l’humanité est composée de plus de morts que de vivants. […] de première classe), vous aurez maintes occasions d’être secourables aux pauvres gens, de faire payer pour eux les riches, de réparer ainsi, dans une petite mesure, l’inégalité des conditions et d’appliquer pour votre compte l’impôt progressif sur le revenu Notaires (car il y en a ici qui seront notaires), vous pourrez être, un peu, les directeurs de conscience de vos clients et insinuer quelque souci du juste dans les contrats dont vous aurez le dépôt Avocats ou avoués, vous pourrez souvent par des interprétations d’une généreuse habileté, substituer les commandements de l’équité naturelle, ou même de la pitié, aux prescriptions littérales de la loi, qui est impersonnelle, et qui ne prévoit pas les exceptions Professeurs, vous formerez les cœurs autant que les esprits ; vous… enfin vous ferez comme vous avez vu faire dans cette maison Artistes ou écrivains, vous vous rappellerez le mot de La Bruyère, que « l’homme de lettres est trivial (vous savez dans quel sens il l’entend) comme la borne au coin des places » ; vous ne fermerez pas sur vous la porte de votre « tour d’ivoire », et vous songerez aussi que tout ce que vous exprimez, soit par des moyens plastiques, soit par le discours, a son retentissement, bon ou mauvais, chez d’autres hommes et que vous en êtes responsables Hommes de négoce ou de finance, vous serez exactement probes ; vous ne penserez pas qu’il y ait deux morales, ni qu’il vous soit permis de subordonner votre probité à des hasards, de jouer avec ce que vous n’avez pas, d’être honnête à pile ou face Industriels, vous pardonnerez beaucoup à l’aveuglement, aux illusions brutales des souffrants ; vous ne fuirez pas leur contact, vous les contraindrez de croire à votre bonne volonté, tant vos actes la feront éclater à leurs yeux ; vous vous résignerez à mettre trente ou quarante ans à faire fortune et à ne pas la faire si grosse : car c’est là qu’il en faudra venir Hommes politiques, j’allais dire que vous ferez à peu près le contraire de presque tous vos prédécesseurs, mais ce serait une épigramme trop aisée.
J’y ai pensé, et voici mes raisons. […] Oui, malgré tout ce qu’on a fait pour corrompre l’homme, je pense que la bonté et la vertu sont moins rares encore que le génie, et je le prouve.
Je ne pense pas qu’il s’en dégage encore ni une doctrine littéraire, ni une philosophie, ni une vue d’ensemble sur la littérature contemporaine. […] Je pense que c’est l’idéalisme de M. […] Nous ne pensons plus comme lui, voilà tout. […] Mais, si elle peut s’accroître par là, ce n’est point par là, je pense qu’elle se fonde ou qu’elle dure. […] Vous pensez bien que ceux, de Brunetière sont surtout des vérités trop vieilles.
Gustave Le Bon invite continuellement à penser et à discuter. […] Et cela n’est donné ‘qu’aux penseurs qui sont en même temps des artistes, qu’aux artistes qui pensent en artistes, et qu’aux penseurs qui imaginent en même temps qu’ils pensent. […] Je ne pense pas que vous songiez à mettre en musique le théâtre de Marivaux, de Musset ou de M. […] Tout Paris a… Je pense : où est la preuve de ce que j’avance ? […] Comme Lassalle, il disait ou il pensait : « La guerre d’Italie est le commencement de l’unité allemande.
Il pensait, avec raison, que les auteurs n’existent que par leurs œuvres. […] Je le pensais comme lui, je le disais comme lui, mais je n’en soupirais pas. […] Il pense, complaisamment, aux bas noirs et au cotillon blanc de cette dame. […] N’y pensons plus et travaillons. […] pensa-t-il, heureux pays où les poètes peuvent vivre, que dis-je ?
Cependant, que pensez-vous de Lulli, mon Père ? […] et penses-tu qu’elle ira se servir de ses oreilles amoureuses à t’écouter ? […] Du Sicilien datent tous ces ingénieux petits actes auxquels personne n’avait pensé, avant Molière. […] Philinte pense, tout bas, du sonnet d’Oronte ce qu’Alceste en pense tout haut ; mais Philinte n’a guère envie, pour de méchants vers, de désobliger cet excellent Oronte qui, poésie à part, a toutes les bonnes qualités d’un homme bien élevé. […] Penser naturellement c’est rester dans la singularité d’esprit qui nous est échue.