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594. (1782) Plan d’une université pour le gouvernement de Russie ou d’une éducation publique dans toutes les sciences « Plan d’une université, pour, le gouvernement de Russie, ou, d’une éducation publique dans toutes les sciences — Lettre, à Madame la comtesse de Forbach, sur l’Éducation des enfants. » pp. 544-544

Qu’importe cependant qu’il soit mauvais père, mauvais époux, ami suspect, dangereux ennemi, méchant homme ? […] Les enfants des maîtres du monde n’eurent d’autres écoles que la maison et la table de leurs pères.

595. (1858) Du roman et du théâtre contemporains et de leur influence sur les mœurs (2e éd.)

Mon père, ma mère, mon Église, avec l’encens de tant d’âmes, était-ce donc un rêve ? […] Vous êtes pauvres, il suffit ; passez à la droite du Père : pauvreté vaut vertu. […] Si la féodalité de l’épée a été détruite, il reste la féodalité de l’argent, qu’il est temps d’abattre comme nos pères ont abattu l’autre. […] Le doute fut une arme pour nos pères ; il a été pour nous un amusement impie. […] Vous avez dégénéré, vous ne valez pas même ce que valaient vos pères.

596. (1903) Propos de théâtre. Première série

Que dit le père à tout cela ?  […] Nos pères valaient bien mieux que nous. […] Elle ne laisse pas d’être un peu la fille de son père. […] C’est l’avis de son père ; c’est le sien. […] Racine mûrit, vieillit, il est mari, père, homme de foyer.

597. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — Chapitre I. La Restauration. »

. —  Le père, sir Tunbelly. —  La jeune fille, miss Hoyden. —  Le jeune garçon, le squire Humphry. —  Idée de la nature d’après ce théâtre. […] L’auteur d’ailleurs prend soin de lui fournir une fable qui le réveille ; il s’agit ordinairement d’un père ou d’un mari qu’on trompe. […] Voilà le mari ; voyons le père, sir Tunbelly, un gentilhomme campagnard, élégant s’il en fut. […] Tel père, telle fille. […] Son père la menace des verges : « Au diable les verges !

598. (1890) Les romanciers d’aujourd’hui pp. -357

Nos pères, qui étaient des classificateurs émérites, la plaçaient au-dessus du roman. […] Nos pères souffraient de la métaphore ; nous souffrons du mot propre. […] Paul Margueritte : Maison ouverte, Mon père, etc. […] L’Idéal, Le Forestier, Le Marinier, Le Père, Le Berger, etc. […] Une dette d’honneur, En Poitou, La Faute du père, Petite reine, etc.

599. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Malherbe »

Il fut élevé en gentilhomme, avec un précepteur à lui ; il devait succéder à la charge de son père. […] De retour dans sa ville natale, il n’entra point dans les idées de son père et ne voulut pas suivre sa profession ; il le regretta plus tard. […] Son autre fils, le dernier né de ses enfants et le seul qui atteignit à l’âge de jeunesse, fut tué en duel à vingt-six ans, par Fortia de Piles, et son père voulut le venger ; il le pleura moins comme père que comme chef de famille, chef de race. […] C’est ainsi seulement qu’on peut s’expliquer que Balzac ait semblé vouloir ridiculiser, en cette rencontre, celui qu’ailleurs il appelle son maître et son père. […] C’était la date de la conspiration du comte d’Auvergne, de la marquise de Verneuil et de son père.

600. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « DE LA MÉDÉE D’APOLLONIUS. » pp. 359-406

On se rappelle que Virgile, au livre premier de l’Énéide, a trouvé l’ingénieux moyen de déguiser l’Amour sous les traits d’Ascagne, que son père envoyait vers Didon. […] Chalciope de son côté, saisie de crainte pour ses enfants qui sont devenus suspects au roi son père, fait en ceci cause commune avec les étrangers, et a déjà songé à implorer sa sœur. […] Bien tard enfin elle se décida à dire de la sorte avec ruse, car les hardis Amours faisaient rage : « Chalciope, mon âme est tout en peine pour tes enfants : je crains que notre père ne les fasse périr du coup avec ces étrangers. […] Mais à peine sa sœur l’a-t-elle quittée, que la voilà qui retombe à nos yeux dans les incertitudes et les combats : la pudeur la ressaisit, et la crainte de se sentir méditer de telles choses contre son père et en faveur d’un homme ! […] Plût aux Dieux que, comme Minos alors s’accorda pour elle avec Thésée, ton père voulût faire de même pour nous ! 

601. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre neuvième. Les idées philosophiques et sociales dans la poésie (suite). Les successeurs d’Hugo »

déchirements enflammés de la nue, Cèdres déracinés, torrents, souffles hurleurs, Ô lamentations de mon père, ô douleurs, Ô remords, vous avez accueilli ma venue, Et ma mère a brûlé ma lèvre de ses pleurs. […] Le livre des Blasphèmes s’ouvre par un premier sonnet intitulé : Tes père et mère. C’est en effet pour ses père et mère que le poète a réservé ses premiers outrages. […] Des père et mère, ça ! […] On devine maintenant de quelle façon le « Père » céleste sera traité par le « fils du Hasard. » Quoique M. 

602. (1895) Les mercredis d’un critique, 1894 pp. 3-382

Le père, homme pratique, a repoussé sa demande en objectant que son enfant ne serait pas heureuse avec lui. […] Sa bouche est mince et mauvaise : “Votre père s’est tué. […] Nous y trouvâmes mon père assis, comme anéanti ; il tenait le Moniteur. […] Il en fut ainsi : “Veillez bien sur votre père !” […] Je ne vis que mon père qui se tenait le bras gauche en me disant par-dessus mon épaule : “Je suis touché.”

603. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre IV. Que la critique doit être écrite avec zèle, et par des hommes de talent » pp. 136-215

Il a commencé par renier son père et sa mère, il finira par renier son Dieu. […] Il insulte même son père dans un temps où rien n’égale la puissance paternelle. […] Don Juan ne voit le fantôme du Commandeur qu’avec les yeux de la chair ; Hamlet voit le fantôme de son père avec l’œil de son esprit ! […] Dimanche, et de lui demander des nouvelles de madame Dimanche, du petit Dimanche et du petit chien Brisquet, notre galant seigneur aimera mieux se réconcilier avec son père, que de rester soumis à l’obstination, au mauvais vouloir et à l’impatience de ses créanciers. […] Tout ceci posé, et quand ce père infortuné s’est éloigné de cette maison maudite, en maudissant monsieur son fils, que nous fait la statue du Commandeur ?

604. (1905) Propos de théâtre. Deuxième série

mon père, mon père ! […] Mon père avait dit quelque part que Corneille est un disciple de l’abbé d’Aubignac. […] … Tu es bon père. […] Il fit intervenir un protecteur de son père, un maréchal. […] — Dès lors, il ne s’agit que de vouloir, mon père.

605. (1863) Cours familier de littérature. XV « LXXXVIe entretien. Considérations sur un chef-d’œuvre, ou le danger du génie. Les Misérables, par Victor Hugo (4e partie) » pp. 81-143

C’est là sa note de prédilection ; poète toujours, père avant tout, c’est sa nature. […] Cosette se développait de corps et d’âme, sous les yeux de ce père inconnu, mais aussi tendre qu’une femme. […] avait répliqué Toussaint stupéfaite. — Moi, je suis bien mieux que le maître, je suis le père. […] Un jour elle dit à Jean Valjean : « — Père, promenons-nous donc un peu de ce côté-là.” […] Épigramme amère du philosophe père de l’île de Guernesey, contre la philosophie sans âme de Jean-Jacques Rousseau.

606. (1868) Cours familier de littérature. XXV « CXLVIIIe entretien. De la monarchie littéraire & artistique ou les Médicis (suite) »

On y reconnaît le cœur de l’enfant qui suivait Côme, son père, dans les pâturages de Coreggio. […] Après des études précieuses dans la maison du prince, son père, il vint à Rome et offrit de soutenir une joute littéraire sur vingt-deux langues et sur neuf cents questions philosophiques. « C’était, dit son rival Politien, un homme ou plutôt un être extraordinaire, à qui la nature avait prodigué tous les avantages du corps et de l’esprit. […] Les vers que Marcellus adresse, en latin, au père de sa maîtresse ont été conservés comme preuve de son talent et de la chasteté de ses amours : Casta carmina, castior vita ! […] Son maître et son ami, Laurent de Médicis, le voyant en disgrâce auprès de sa femme Clarisse, l’envoya résider à Pistoja, auprès de ses enfants ; puis à Caffagiolo, maison des champs de Côme, son père. […] C’est une attention que vous devez avoir pour notre saint-père, que de ne pas le fatiguer de prières indiscrètes, de ne l’aborder jamais qu’avec des choses qui lui fassent plaisir ; ou, si vous vous y croyez obligé, une requête humble et modeste lui plaira davantage et sera plus agréable à son humeur et à son caractère. » Voilà l’âme d’un père chrétien et politique unissant le ciel à la terre pour protéger son fils.

607. (1869) Cours familier de littérature. XXVIII « CLXVe entretien. Chateaubriand, (suite) »

Quoi qu’il en soit, il passa quelques jours enfermé dans le couvent des Pères de terre sainte à Jérusalem, et copia sur les monuments sacrés de cette ville de longs itinéraires qui grossirent le nombre de ses pages et l’autorité de ses volumes ; puis il revint à Carthage, d’où il rentra par l’Espagne en France. […] LXVII « À propos de la mort de son père, Chateaubriand exprime la même idée que j’ai exprimée sur l’immortalité que la mort grave sur nos traits comme l’empreinte d’une grande vision. […] si tu m’avais donné une femme selon mes désirs ; si, comme à notre premier père, tu m’eusses amené par la main une Ève tirée de moi-même… Beauté céleste ! […] Ne lui cherchez ni père ni mère, il est le fils du désert, l’enfant trouvé dans les forêts. […] Ses bassesses, ses œuvres, ses vulgarités, ses colères, ses férocités, ses supplices même, dont il avait été témoin et victime par sa famille, et par son père, et par sa mère, morte innocente en prison, en punition d’être née noble, lui avaient donné un dégoût haineux contre les mœurs de cette race, qui ne sentait alors sa grandeur qu’en faisant sentir sa terreur.

608. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Chamfort. » pp. 539-566

Elle et son père le sauvage l’ont recueilli, l’ont nourri de leur chasse, l’ont comblé de bienfaits. […] Belton revient chez son père, ramenant avec lui l’intéressante Betty, En habit de sauvage, en longue chevelure. […] Il a un prix à l’Académie pour une épître en vers, fade et facile, Épître d’un père à son fils sur la naissance d’un petit-fils (1764) ; il remporte un autre prix à l’Académie pour l’Éloge de Molière (1769). […] C’est par rapport au très grand monde seulement que Chamfort a pu dire : « Il paraît impossible que, dans l’état actuel de la société, il y ait un seul homme qui puisse montrer le fond de son âme et les détails de son caractère, et surtout de ses faiblesses, à son meilleur ami. » C’est ce grand monde uniquement qu’il avait en vue quand il disait : « La meilleure philosophie relativement au monde est d’allier, à son égard, le sarcasme de la gaieté avec l’indulgence du mépris. » C’est pour avoir trop vécu sur ce théâtre de lutte inégale, de ruse et de vanité, qu’il a pu dire son mot fameux : « J’ai été amené là par degrés : en vivant et en voyant les hommes, il faut que le cœur se brise ou se bronze. » J’ajouterai, pour infirmer l’autorité de certaines maximes de Chamfort et pour en dénoncer le côté faux, qu’elles viennent évidemment d’un homme qui n’a jamais eu de famille, qui n’a pas été attendri par elle ni en remontant ni en descendant, qui n’a pas eu de père et qui, à son tour, n’a pas voulu l’être. Il le répète en vingt endroits : « À ne consulter que la raison, quel est l’homme qui voudrait être père ?

609. (1888) Journal des Goncourt. Tome III (1866-1870) « Année 1870 » pp. 321-367

Je revoyais l’ancienne salle de spectacle, le petit bois plein de terreur, où étaient enterrés le père et la mère de ma tante, l’espèce de temple grec où les femmes attendaient le retour de leurs maris, de la Cour des comptes et du ministère des affaires étrangères ; enfin je me rappelais Germain, ce vieux brutal de jardinier, qui vous jetait son râteau dans les reins, quand il vous surprenait à voler du raisin. […] * * * Dans nos promenades, nous rencontrons, tous les jours, un père et un fils se promenant ensemble12. […] Je suis effleuré, à tout instant, du frôlement de son bras sortant de son lit, pendant que dans sa bouche avortent et se brisent des paroles qu’on ne comprend pas… Par la fenêtre ouverte, par-dessus le noir des grands arbres, entre et s’allonge, sur le parquet, la blanche clarté électrique d’une lune de ballade… Il y a de sinistres silences, où s’entend seul le bruit de la montre à répétition de notre père, avec laquelle, de temps en temps, je tâte le pouls de son dernier né… Malgré trois prises de bromure de potassium, avalées dans le quart d’un verre d’eau, il ne peut dormir une minute, et sa tête s’agite sur son oreiller dans un mouvement incessant de droite à gauche, bruissante de toute la sonorité inintelligente d’un cerveau paralysé, et jetant par les deux coins de la bouche, des ébauches de phrases, des tronçons de mots, des syllabes informulées, prononcées d’abord avec violence, et qui finissent par mourir comme des soupirs… Dans le lointain j’entends distinctement un chien qui hurle à la mort… Ah ! […] * * * Je l’ai vu disparaître dans le caveau, où sont mon père, ma mère, et où il y a encore une place pour moi… * * * En rentrant, je me suis couché et, couvrant mes draps de ses portraits, je suis resté avec son image jusqu’à la nuit. […] Il a été déjà question de ce père et de ce fils.

610. (1809) Quelques réflexions sur la tragédie de Wallstein et sur le théâtre allemand

Schiller nous montre Jeanne d’Arc dénoncée par son père comme sorcière, au milieu même de la fête destinée au couronnement de Charles VII, qu’elle a replacé sur le trône de France. […] Racine ne pouvant, comme Euripide, présenter aux spectateurs Hippolyte déchiré, couvert de sang, brisé par sa chute, et dans les convulsions de la douleur et de l’agonie, a été forcé de faire raconter sa mort ; et cette nécessité l’a conduit à blesser, dans le récit de cet événement terrible, et la vraisemblance et la nature, par une profusion de détails poétiques, sur lesquels un ami ne peut s’étendre, et qu’un père ne peut écouter. […] Thécla n’est point une jeune fille ordinaire, partagée entre l’inclination qu’elle ressent pour un jeune homme et sa soumission envers son père ; déguisant ou contenant le sentiment qui la domine, jusqu’à ce qu’elle ait obtenu le consentement de celui qui a le droit de disposer de sa main ; effrayée des obstacles qui menacent son bonheur ; enfin, éprouvant elle-même et donnant au spectateur une impression d’incertitude sur le résultat de son amour, et sur le parti qu’elle prendra si elle est trompée dans ses espérances. […] » Elle n’annonce point qu’elle fasse dépendre ses espérances de l’aveu de son père. […] C’est pour cette raison que je lui ai donné une teinte religieuse, et que j’ai voulu qu’elle cherchât un asile aux pieds de son Dieu, au lieu de se tuer sur le corps de son amant ou de son père, ce qui ne m’aurait pas coûté un grand effort d’invention ; mais la violence du suicide m’aurait semblé déranger l’harmonie qui doit être dans son caractère.

611. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre VI » pp. 394-434

Encore vaut-il mieux chercher nos pères dans Le Cabinet satyrique 37, que dans l’histoire de France écrite en très beau latin, par M. le président de Thou. […] ils commençaient, comme leurs pères n’eussent pas osé finir ! […] « Nos pères, disait La Bruyère, nous ont transmis, avec la connaissance de leurs personnes, celle de leurs habits, de leur coiffure, de leurs armes offensives et défensives et des autres vêtements qu’ils ont aimés pendant leur vie. […] Son père, le comédien Monvel, était un vrai comédien, un peu philosophe, un peu poète. […] au même instant, dans la tour du Temple, à côté de son père, de sa mère, de son frère enfant, était enfermée une jeune fille de quinze ans, — l’âge de la jeune débutante !

612. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Discours sur le système et la vie de Vico » pp. -

Il ne plaida qu’une fois, pour défendre son père, gagna sa cause, et renonça au barreau ; il avait alors seize ans. […] Les trois principaux titres d’Homère sont désormais mieux motivés : c’est bien le fondateur de la civilisation en Grèce, le père des poètes, la source de toutes les philosophies grecques. […] Les premiers pères de famille sont les premiers prêtres ; et comme la religion compose encore toute la sagesse, les premiers sages ; maîtres absolus de leur famille, ils sont aussi les premiers rois ; de là le nom de patriarches (pères et princes). Dans une si grande barbarie, leur joug ne peut être que dur et cruel ; le Polyphème d’Homère est aux yeux de Platon l’image des premiers pères de famille. […] Ainsi s’organisa la cité : les pères de famille formèrent une classe de nobles, de patriciens, conservant le triple caractère de rois de leur maison, de prêtres et de sages, c’est-à-dire, de dépositaires des auspices.

613. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Malherbe et son école. Mémoire sur la vie de Malherbe et sur ses œuvres par M. de Gournay, de l’Académie de Caen (1852.) » pp. 67-87

Né à Caen en 1555 d’un père magistrat, d’une famille plus noble que riche, l’aîné de neuf enfants, ayant fait d’ailleurs des études assez variées et de gentilhomme sous la conduite d’un précepteur, tantôt à Caen, tantôt à Paris, et pendant deux ans aux universités d’Allemagne, il quitta tout à fait la maison paternelle à vingt et un ans pour s’attacher au service du duc d’Angoulême, fils naturel de Henri II, et grand prieur de France. […] Il s’y donnait un peu glorieusement pour fils d’un conseiller au parlement de Normandie, tandis que son père n’était que conseiller au présidial : « petit mensonge d’amour-propre, nous dit M. de Gournay, par lequel il élevait son père d’un échelon dans la magistrature ». […] Son gentilhomme de campagne, il ne va pas le demander aux anciens ; il l’a sous les yeux, et il le décrit d’après nature : Il laboure le champ que labourait son père : Il ne s’informe point de ce qu’on délibère Dans ces graves Conseils d’affaires accablés ; Il voit sans intérêt la mer grosse d’orages, Et n’observe des vents les sinistres présages Que pour le soin qu’il a du salut de ses blés.

614. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Œuvres de Vauvenargues tant anciennes qu’inédites avec notes et commentaires, par M. Gilbert. — II — Vauvenargues et le marquis de Mirabeau » pp. 17-37

Tous les écrits de Mirabeau père, à les considérer par cet aspect, n’allaient à rien moins qu’à rendre son fils inutile. C’est parce que Mirabeau père (en ce qu’il avait de commun dans ses vœux patriotiques avec les Vauban, les d’Argenson, les Turgot) n’a pas réussi, que Mirabeau fils parut un jour, avec sa crinière de lion et sa voix de tonnerre, et monta le premier à l’assaut. […] Dès sa première lettre à Vauvenargues, il en insère une qu’il vient de recevoir d’une ancienne maîtresse avec laquelle il a rompu et qui, en apprenant la mort de son père, le marquis Jean-Antoine, lui a écrit cette charmante et spirituelle épître de condoléance : Je n’ose vous appeler, monsieur, de ces noms tendres qui nous servaient autrefois ; ils ne sont plus faits pour moi ; j’ai fait pour les perdre tout ce que je voudrais faire à présent pour les ravoir. […] Du sein même de ses études, de ses méditations économiques, dans un séjour au château de ses pères, où il s’est retiré pour une saison, Mirabeau confesse le vice qui est celui de tout son temps et qui lui gâtera sa vie, d’ailleurs intègre : « La volupté, mon cher ami, est devenue le bourreau de mon imagination, et je payerai bien cher mes folies et le dérangement de mœurs qui m’est devenu une seconde nature ; hors de là, je suis maintenant comme un poisson dans l’eau. » À côté de cet aveu que justifieront trop les futurs scandales et les éclats de sa vie domestique, mettez la sagesse et la sobriété de Vauvenargues, à qui son peu de santé interdirait sans doute les plaisirs, mais qui en est éloigné encore plus par la haute et pure idée qu’il se fait de l’amour, par le peu de goût qu’il a pour les femmes, « celles du moins qu’il connaît ». — « Je hais le jeu comme la fièvre, et le commerce des femmes comme je n’ose pas dire ; celles qui pourraient me toucher, ne voudraient seulement pas jeter un regard sur moi. » Vauvenargues avait toujours pris l’amour au sérieux : « Pour moi, je n’ai jamais été amoureux, que je ne crusse l’être pour toute ma vie ; et, si je le redevenais, j’aurais encore la même persuasion. » C’est pour cela qu’il recommençait rarement.

615. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Boileau »

Fils d’un père greffier, né d’aïeux avocats (1636), comme il le dit lui-même dans sa dixième épître, Boileau passa son enfance et sa première jeunesse rue de Harlay (ou peut-être rue de Jérusalem), dans une maison du temps d’Henri IV, et eut à loisir sous les yeux le spectacle de la vie bourgeoise et de la vie de palais. Il perdit sa mère en bas âge ; la famille était nombreuse et son père très-occupé ; le jeune enfant se trouva livré à lui-même, logé dans une guérite au grenier. […] En sortant de philosophie, il fut mis au droit ; son père mort, il continua de demeurer chez son frère Jérôme qui avait hérité de la charge de greffier, se fit recevoir avocat, et bientôt, las de la chicane, il s’essaya à la théologie sans plus de goût ni de succès. […] Il se vantoit d’en avoir le premier parlé poétiquement, et par de nobles périphrases. » (Racine fils, Mémoires sur la vie de son père.)

616. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Victor Duruy » pp. 67-94

Mais, le voyant souvent le nez dans un livre, un des habitués du samedi dit au père qu’il le fallait pousser. […] La nuit, il saute par-dessus les murs de son collège et, s’étant procuré un uniforme et un bonnet à poil, il rejoint la compagnie de la garde nationale dont son père était capitaine. […] Elle se relèvera si elle reconnaît bien le grand courant du monde, et si elle s’y plonge et s’y précipite… L’humanité, comme Dieu même, n’a que des idées fort simples et en petit nombre, qu’elle combine de diverses manières… » Il marquait alors la suite historique de ces combinaisons et il admirait ce long effort « logique » pour affranchir « le fils du père, le client du patron, le serf du seigneur, l’esclave du maître, le sujet du prince, le penseur du prêtre, l’homme de sa crédulité et de ses passions », pour mettre « légalité dans la loi, la liberté dans les institutions, la charité dans la société, et donner au droit la souveraineté du monde ». […] Mais sa vieillesse commençante avait rencontré la plus dévouée et la meilleure des compagnes ; et, de ses deux fils survivants, il vit l’un, historien et romancier de vive imagination et de sensibilité vibrante, trouver l’emploi de son généreux esprit dans cette chaire d’histoire de l’École polytechnique où il avait lui-même enseigné jadis, et l’autre, sorti premier de Saint-Cyr, s’en aller défendre nos ultimes frontières dans cette Algérie où le père avait dû être envoyé comme recteur au temps de la conquête.

617. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre IX, les mythes de Prométhée »

Un instrument nouveau est trouvé par les Aryens, pères de notre race. […] Les deux plantes mâle et femelle qui ont formé son berceau, deviennent son père et sa mère terrestres. […] L’enfant n’est reconnu par son père qu’après qu’il lui a fait traverser sa flamme ; l’épouse n’est légitime que lorsqu’elle a communié avec l’époux devant l’aire, en mangeant le gâteau nuptial. […] Brama tire les pères des castes de l’Inde de sa bouche et de ses bras, de ses cuisses et de la plante de ses pieds.

618. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — Chapitre IV »

Donc, madame Huguet fait à son fils une noire peinture de la pauvreté dans le mariage, et des périls qui attendent la Faim et la Soif partant, entrelacées, pour le voyage de la vie… A ce tableau désolant, Philippe oppose l’exemple de son père. […] Ton père, un jour, rentra plus froid qu’à l’ordinaire, Et, d’un air singulier, regardant mes habits : « Prends donc plus soin de toi, me dit-il : tu vieillis. » Il venait d’entrevoir riche, heureuse et soignée, La femme qu’autrefois il avait dédaignée ! […] Seule Thérèse, sa pupille, une sage et sérieuse jeune femme qu’il a élevée, qu’il a mariée, et qui l’aime comme un père, observe, d’un air soucieux, le train du logis. […] Ainsi, celle qui détruit son bonheur est la femme de l’homme qui a été son bienfaiteur et son père, et son mari est celui qui le déshonore !

619. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Alexandre Dumas fils — Chapitre XII »

Avant de partir, il lui recommande un enfant qui, bientôt peut-être, n’aura plus de père. […] » dit le père. […] Le père de cet enfant s’est marié, quelque temps après sa naissance ; elle l’a revu hier, pour la première fois, depuis ce mariage. […] Exalté par son émotion, attendri par le nom de père que prononce l’enfant en rouvrant les yeux, il lui demande sa main avec une tendresse passionnée.

620. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Les Mémoires de Saint-Simon. » pp. 270-292

Saint-Simon, né en janvier 1675, d’un père déjà vieux, ancien favori de Louis XIII, et qui devait à ce prince toute sa fortune ; élevé par une mère vertueuse et distinguée, manifesta de bonne heure un goût inné pour la lecture, et pour celle de l’histoire en particulier. […] Et tout d’abord, parlant de son propre père qu’il vient de perdre, et le dépeignant dans un sentiment filial plein d’élévation et de noblesse, que dira-t-il ? […] D’ailleurs, tout ce portrait de son père est d’une grande hauteur. […] Il était mal avec Monseigneur et avec ses entours ; aussi cette nouvelle soudaine du danger où se trouvait le malade lui fut tout d’abord des plus agréables ; il le confesse sans hypocrisie : « Je passai, dit-il, la journée dans un mouvement vague de flux et de reflux, tenant l’honnête homme et le chrétien en garde contre l’homme et le courtisan. » Mais il a beau faire et se tenir de son mieux, l’homme naturel l’emporte, et il se laisse aller à des espérances riantes d’avenir ; car il était très bien avec la petite cour du duc de Bourgogne, lequel, par la mort de son père, se trouvait ainsi à la veille de régner.

621. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Diderot. (Étude sur Diderot, par M. Bersot, 1851. — Œuvres choisies de Diderot, avec Notice, par M. Génin, 1847.) » pp. 293-313

Diderot, né à Langres en 1713, fils d’un père coutelier (comme l’était le père de Rollin), eut dès l’enfance le sentiment de famille à un haut degré, et il le tenait des siens : c’était une race d’honnêtes gens. Il était l’aîné ; il avait une sœur d’un caractère original, d’un cœur excellent, brave fille qui ne se maria point pour mieux servir son père, « vive, agissante, gaie, décidée, prompte à s’offenser, lente à revenir, sans souci ni sur le présent ni sur l’avenir, ne s’en laissant imposer ni par les choses ni par les personnes ; libre dans ses actions, plus libre encore dans ses propos : une espèce de Diogène femelle ». […] Il étudia d’abord chez les Jésuites de sa ville natale, lesquels l’auraient bien voulu retenir ; puis son père le mit à Paris au collège d’Harcourt. […] Saluons en lui notre père et le premier modèle du genre.

622. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Monsieur Théodore Leclercq. » pp. 526-547

Son père, riche manufacturier, avait, si je ne me trompe, fondé dans le faubourg Saint-Antoine une fabrique de papiers peints dans laquelle il eut pour successeur Réveillon, celui même qui fut odieusement pillé dans les premiers troubles de 1789. […] Le père de M.  […] Mme de Verna, mariée à un officier du génie, aime son intérieur, son mari, son enfant, et tous deux s’amusent, tout en causant, à faire à leur petit Gabriel un château de cartes, mais un château qui ne ressemble pas à un autre, et dont son père a dressé le plan en ingénieur consommé. […] Le Père Joseph se compose de quatre dialogues dans lesquels le père convertisseur et politique parle successivement à la vieille marquise, à sa fille la comtesse, et au fils de celle-ci, jeune officier, à trois générations, essayant auprès de chacune le langage qu’il croit le mieux lui convenir.

623. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Paul-Louis Courier. — II. (Suite et fin.) » pp. 341-361

Si Dieu m’a créé bourru, bourru je dois vivre et mourir… Les gens d’esprit sont souvent très singuliers ; ils croient connaître le cœur humain mieux que d’autres, et, parce qu’ils ont fait du grec avec le père et qu’ils ne sont pas tout à fait aussi vieux que lui, ils croient que c’est une raison pour être aimés de la fille, d’une toute jeune fille, et cela sans faire de frais, sans rien retrancher à leur humeur, à leur procédé rude, à leur extérieur inculte, et en se conduisant, dès le lendemain de leurs noces, comme de vieux maris. […] Clavier, son père). […] Est-ce d’une galante manière de venir les appeler tout uniment des ânes et de s’écrier : « Ce qui me fâche le plus, c’est que je vois s’accomplir cette prédiction que me fit autrefois mon père : “Tu ne seras jamais rien”… Tu ne seras jamais rien, c’est-à-dire tu ne seras ni gendarme, ni rat de cave, ni espion, ni duc, ni laquais, ni académicien. » Deux ou trois savants hasardés sont restés marqués au front de ces flétrissures brûlantes de Courier, mais lui-même s’est trouvé marqué aussi et atteint pour avoir cédé si complaisamment à sa colère. […] Qu’est-ce que cet exemple si complaisamment étalé du duc de Chartres envoyé au collège par son père, et qui est mis là en parallèle ou plutôt en compétition avec l’héritier du trône ?

624. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre v »

Leurs pères ne connaissaient que le commerce, mais eux vibrèrent à l’appel aux armes. […] Pour ma part, j’ai fait mon service militaire, comme tous les jeunes gens que je connaissais, sans grand plaisir ni enthousiasme, et ne pensais à la guerre que lorsque mon père me racontait sa campagne de 1870.‌ […] Ma mère pleurait et mon père riait de joie en ayant malgré tout une larme au coin de l’œil. […] Il avait dit à son père en le quittant : « La Lorraine, je vous la rapporterai ou j’y resterai. » Les habitants l’ensevelirent et le maire a pu faire parvenir aux parents la médaille de piété trouvée sur leur fils ; elle portait l’inscription traditionnelle ; « Tu aimeras l’Éternel. » Sur le papier qu’il avait préparé avant son départ et où il exprimait ses dernières volontés, il invoquait la parole sacrée : « Il chemina avec Dieu tous les jours de sa vie.

625. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre X. »

Comment, plus tard, le minutieux Denys d’Halicarnasse, Longin, et ce qui reste d’élégants sophistes, Aristide, Dion, Thémiste, Libanius, Julien ; comment nul de ces Pères si lettrés, depuis Clément d’Alexandrie jusqu’à saint Basile, dans son traité du Profit à tirer de la poésie païenne ; comment nul scoliaste, depuis les fragments d’Aristarque jusqu’aux volumes d’Eustathe, n’auraient-ils jamais emprunté une citation, un fait, une parole, aux dix-sept tragédies du grand poëte lyrique ? […] Pindare vient, au milieu des concitoyens et des amis, saluer le jeune vainqueur, dans la maison de son père, riche citoyen d’Égine ; et tout aussitôt la pensée du poëte s’élève à la joie du patriotisme commun, comme pour y perdre le souvenir de la faute et du malheur de Thèbes. […] viens, avance, montre à l’extrémité de la tombe la semelle empourprée de tes pieds ; et dévoilant l’éclat de ta royale tiare, viens, ô père, ô tutélaire Darius, afin d’entendre nos nouveaux, nos derniers malheurs ; et apparais-nous comme le maître du monde. […] Viens, ô père, ô Darius sauveur !

626. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XIX » pp. 76-83

Quelle inconvenance de rappeler telle chose après que le père a renversé le trône pour y mettre son tabouret et que lui-même, le fils, était décidé à s’y asseoir sans la duchesse ! […] Son père, professeur assez distingué de l’École de médecine de Paris, l’avait envoyé là pour se former et jeter sa gourme.

627. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section II. Des sentiments qui sont l’intermédiaire entre les passions, et les ressources qu’on trouve en soi. — Chapitre III. De la tendresse filiale, paternelle et conjugale. »

Mais j’ai dit dans l’introduction de cet ouvrage, qu’en considérant toujours la vertu comme la base de l’existence de l’homme, je n’examinerais les devoirs et les affections que dans leur rapport avec le bonheur ; il s’agit donc de savoir maintenant, quelles jouissances de sentiment, les pères et les enfants peuvent attendre les uns des autres. […] L’éducation, sans doute, influe beaucoup sur l’esprit et le caractère, mais il est plus aisé d’inspirer à son élève ses opinions que ses volontés ; le moi de votre enfant se compose de vos leçons, des livres que vous lui avez donnés, des personnes dont vous l’avez entouré, mais quoique vous puissiez reconnaître partout vos traces, vos ordres n’ont plus le même empire ; vous avez formé un homme, mais ce qu’il a pris de vous est devenu lui, et sert autant que ses propres réflexions à composer son indépendance : enfin, les générations successives étant souvent appelées par la durée de la vie de l’homme à exister simultanément, les pères et les enfants, dans la réciprocité de sentiments qu’ils veulent les uns des autres, oublient presque toujours de quel différent point de vue ils considèrent le monde ; la glace, qui renverse les objets qu’elle présente, les dénature moins que l’âge qui les place dans l’avenir ou dans le passé.

628. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « La Tolérance »

Nous continuons à être divisés parce que nos pères le furent jadis ; et cela, quand tout est changé, quand les causes historiques de ces divisions ont disparu. […] messieurs, je vous en prie, affranchissez-vous du passé  non point de ce qu’il y a, dans le passé, de beau, de glorieux, de pur et d’exemplaire pour tous — mais des formes surannées qu’y ont prises les querelles de nos pères et de nos aïeux.

629. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « L’état de la société parisienne à l’époque du symbolisme » pp. 117-124

Pourquoi pas reprendre Partant pour la Syrie ou Vive Henri IV qui ont tant charmé nos pères ? […] Blaguer la musique de nos pères, admirer Franck, vibrer à la musique de Wagner, tâcher d’être apte à comprendre Beethoven.

630. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Première Partie. Des Langues Françoise et Latine. — De la langue Latine. » pp. 147-158

A la tête des confédérés étoit le fameux Erasme, le plus bel-esprit de son siècle, un des restaurateurs des lettres, l’ennemi irréconciliable de l’absurde jargon de l’école, & le père de la vraie philosophie. […] En faisant l’éloge du père de l’éloquence Latine, dans un discours composé exprès pour la défense de Cicéron, il se répandit en invectives épouvantables contre son adversaire.

631. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre cinquième. La Bible et Homère. — Chapitre III. Parallèle de la Bible et d’Homère. — Termes de comparaison. »

Une tente, une table frugale, des serviteurs rustiques, voilà tout ce qui attend les enfants de Jacob chez leur père. […] Un patriarche est porté par ses fils, après sa mort, à la cave de ses pères, dans le champ d’Éphron.

632. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre quatrième. Éloquence. — Chapitre V. Que l’incrédulité est la principale cause de la décadence du goût et du génie. »

Celui qui renie le Dieu de son pays est presque toujours un homme sans respect pour la mémoire de ses pères ; les tombeaux sont sans intérêt pour lui ; les institutions de ses aïeux ne lui semblent que des coutumes barbares ; il n’a aucun plaisir à se rappeler les sentences, la sagesse et les goûts de sa mère. […] Il donne la main à ses pères et à ses enfants ; il est planté dans le sol natal, comme le chêne qui voit au-dessous de lui ses vieilles racines s’enfoncer dans la terre, et à son sommet des boutons naissants qui aspirent vers le ciel.

633. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Lépicié » pp. 275-278

Imaginez ce Christ, ces apôtres, ces pères, ces mères, ces grand’mères, ces petites filles, ces petits garçons peints par un Raphaël. […] C’est un vieux prêtre qui lit l’ancien ou le nouveau testament au père, à la mère, aux enfans rassemblés.

634. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre III. Des éloges chez tous les premiers peuples. »

Ces chants se conservaient par la mémoire, et passaient d’âge en âge ; on les répétait dans les familles ; on les chantait dans les fêtes ; la veille des batailles ils servaient de prélude aux combats ; ils animaient le guerrier et servaient de consolation aux vieillards ; le héros qui ne pouvait plus combattre, assis sous le chêne, entendait chanter les exploits de sa jeunesse, et il était entouré de ses fils et de ses petits-fils, qui, appuyés sur leur lance, écoutaient en pleurant les actions de leurs pères. […] comme tous mes enfants courraient à la guerre, s’ils savaient le malheur de leur père, qu’une multitude de serpents déchire !

635. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XV. De Tacite. D’un éloge qu’il prononça étant consul ; de son éloge historique d’Agricola. »

L’orateur (car Tacite l’est dans ce moment) félicite Agricola de sa mort ; il n’a point vu les derniers crimes du tyran, il n’a point vu ces temps où Domitien, las de verser le sang goutte à goutte, frappa, pour ainsi dire, la république et Rome d’un seul coup, lorsque le sénat se vit entouré d’assassins, quand le tyran lui-même, spectateur des meurtres qu’il ordonnait, jouissait de la pâleur des mourants, et calculait, au milieu des bourreaux, les soupirs et les plaintes. « Tu as été heureux, lui dit-il ; mais ta fille et moi, qui nous consolera d’avoir perdu un père ? […] Sans doute, ô le meilleur des pères !

636. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre quatrième. Du cours que suit l’histoire des nations — Chapitre III. Trois espèces de jurisprudences, d’autorités, de raisons ; corollaires relatifs à la politique et au droit des Romains » pp. 299-308

Cette autorité qui appartient aux pères dans l’état de famille, appartient aux sénats souverains dans les aristocraties héroïques. […] Sans l’attrait d’un tel intérêt privé identifié avec l’intérêt public, comment ces pères de famille à peine sortis de la vie sauvage, et que Platon reconnaît dans le Polyphème d’Homère, auraient-ils pu être déterminés à suivre l’ordre civil ?

637. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE LONGUEVILLE » pp. 322-357

C’est ainsi (j’ai omis de le dire) qu’elle était née au château de Vincennes, durant la prison du prince de Condé son père (1619), à ce Vincennes où son frère le grand Condé, captif, cultivera des œillets un jour, à ce Vincennes de saint Louis, destiné à porter au front, dans l’avenir, l’éclaboussure du sang du dernier Condé. […] Son père, M. le Prince, l’avait forcée à ce mariage ; elle fit bonne contenance. […] Le Nain peut-être (père de M. de Tillemont et chef du conseil de Mme de Longueville), à coup sûr l’entremise de Mme de Sablé, indiquèrent à la postulante en peine Port-Royal et ses directeurs. […] En apprenant un matin (vers 1663) l’une des ruptures qu’on imputait aux Jésuites, elle disait avec son tour d’esprit : « J’ai été assez simple pour croire que les Révérends Pères agissaient sincèrement ; il est vrai que je n’y croyais que d’hier au soir. » Enfin des négociations sérieuses s’engagèrent : M. de Gondrin, archevêque de Sens, concertait tout avec elle. […] Mlle du Vigean avait été aimée du duc d’Enghien autrefois, avant la Fronde ; il voulait même se démarier, dit-on, et l’épouser ; ces amours traversées par Mme de Longueville, qui en avertit M. le Prince son père, avaient eu, du côté de la dame, le cloître pour tombeau.

638. (1862) Cours familier de littérature. XIII « LXXVIIIe entretien. Revue littéraire de l’année 1861 en France. M. de Marcellus (1re partie) » pp. 333-411

J’ai envoyé ma démission au nouveau gouvernement de toutes mes fonctions diplomatiques, délices et orgueil de ma jeunesse, et même la démission des droits à la pairie que le refus de serment de mon père m’ouvrait, et que le serment exigé interdit à ma conscience. […] Il passa sa première jeunesse au château de Marcellus, dirigé dans ses études par son père, aussi classique que lui. […] Fidèle jusqu’à la persécution, disait son père, poète et orateur du second ordre qui célébrait l’autel en assez bons vers et qui défendait le trône en assez bonne prose contre les libéraux de 1815 dans les académies et dans les Chambres. […] XIV Le gouvernement des Bourbons avait M. de Marcellus le père à récompenser ; il fut heureux, à peu près à l’époque où il me recruta moi-même pour sa diplomatie future, d’enrichir ses cadres d’un nom, d’une jeunesse et d’un talent qui promettaient un ministre à sa cause. […] L’existence de ce jeune fils peut servir de base aux réclamations qui auraient pour objet d’obtenir les manuscrits et les instruments, seul héritage de son père.”

639. (1869) Cours familier de littérature. XXVIII « CLXVIe entretien. Biographie de Voltaire »

Son père était un des membres de la haute bourgeoisie de Paris. […] Son père s’en alarma, il s’en plaignit à l’abbé de Châteauneuf : l’abbé, pour apaiser la famille, envoya le jeune Voltaire en Hollande, en le recommandant comme une espérance de la diplomatie à son frère le marquis de Châteauneuf, ambassadeur de France à la Haye. […] La fortune assez considérable, héritée en même temps de son père et de son frère, fut placée également par Voltaire en spéculations très-lucratives. […] La petite cour élégante, amoureuse, lettrée, du roi de Pologne Stanislas, père de la reine de France, le recevait avec madame du Châtelet tous les hivers à Nancy, tous les étés à Commercy. […] La lumière est uniforme pour l’astre de Sirius et pour nous ; la morale, qui est la lumière de l’âme, doit être uniforme aussi : si un être animé, sentant et pensant dans l’étoile Sirius, est né d’un père et d’une mère tendres qui aient été occupés de son bonheur, il leur doit autant d’amour et de soins que nous en devons ici à nos parents.

640. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre premier »

Il y a tout un Achille que Boileau ne semble pas avoir plus connu que Perrault ; il y a le fils qui donne au souvenir de son père des larmes plus précieuses que celles que Boileau aime à lui voir verser pour un affront ; il y a l’ami de Patrocle, plus fidèle à l’amitié qu’à la colère ; il y a un sage aimable qui apaise les disputes parmi les hommes et console les vaincus ; il y a un homme qui, dans la solitude de sa tente, a beaucoup pensé sur le bien et le mal, sur la vie, sur la destinée, sur lui-même, le premier type de cette mélancolie que l’âme d’Homère a connue avec tous les sentiments qui sont de l’homme. […] A la peinture poignante que fait Homère de l’orphelin « marchant la tête toujours baissée », elle ajoute : « avec mille sujets de mortification. » Elle le trouve plus noble « mendiant de parte en porte », que « tirant par leur tunique ou par leur manteau les amis de son père. » Elle aime mieux Astyanax « nourri sur les genoux de son père avec tant de soin », que « mangeant la moelle et la meilleure graisse des brebis. » Lamotte mutilait la statue, Mme Dacier la badigeonnait. […] Il n’est pas le père du genre, mais le genre semble fait pour lui. […] Voltaire les avoue pour ses pères, même l’évêque, qui par son acharnement à prétendre que la raison n’a rien à voir à la foi, n’a réussi qu’à faire douter de sa foi et médiocrement estimer sa raison. […] La liberté civile, la liberté religieuse, l’égalité devant la loi, le droit donné à chacun, et désormais inaliénable, d’agir par son opinion ou son suffrage sur le gouvernement de son pays, se sont là autant de conquêtes où ces hardis esprits ont mené nos pères, avec des plumes acérées comme l’épée, quelques-uns au péril de leur liberté, tous au prix de leur repos.

641. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « H. Forneron » pp. 149-199

François Ier commençait de régner, et l’auteur des Guise a raconté sans s’émouvoir ce règne du père des Valois, qui n’avait pas besoin d’être dépravé par le Protestantisme ; car il l’était déjà par la Renaissance. […] Après François Ier, c’est Henri II, dont le règne passa entre le coup d’épée de Jarnac et le coup de lance de Montgomery ; Henri II, livré à un autre croissant, non moins honteux que celui du Turc, car c’était le croissant de Diane, la concubine de son père, contre lequel l’auteur des Guise ne trouve que cette phrase à coller : « Guerres malheureuses, pays plus malheureux encore, prodigalités mal placées ; il n’en fut pas moins pleuré par les Français. » Et cela le désarme, ces larmes françaises. […] Son fils Henri, dont Forneron, souvent très artiste (voir son portrait d’Élisabeth et surtout sa mort de Marie Stuart), écrit qu’il avait le charme et la témérité de Borgia, — un Borgia blond, « plus Italien que Lorrain, malgré ses cheveux d’or, plus paladin que général, plus conspirateur qu’homme d’État, et qui mourut d’une conspiration », — eut, par un hasard inouï de guerre, le bonheur de prendre à son père, par une blessure reçue à la même place, son fier surnom de Balafré. […] On l’a dit, mais pas assez, et il importe de le répéter, car on a été trop longtemps sans le savoir, la menteuse et insolente Politique a couvert de ses déclamations l’atrocité des choses qu’ont vues nos pères et qu’elle voudrait nous faire oublier. […] On se sent Français à ce qu’on souffre, et l’on a honte pour ses pères !

642. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Victor Hugo. Les Contemplations. — La Légende des siècles. »

Le vers qui favorise l’expansion lyrique de la réflexion, que Shakespeare, réclamé un, peu trop par toutes les bâtardises modernes à qui la recherche de la paternité devrait être interdite, que Shakespeare, qui n’est pas le père de M.  […] Hors ces strophes qui commencent à : Je viens à vous, Seigneur, père auquel il faut croire, et qui se terminent par : Puisque ces choses sont, il faut bien qu’elles soient,           J’en conviens, j’en conviens ! […] Dans ces strophes, et souvent ailleurs, le ton est si faux (littérairement), qu’on dirait un trafiquant de larmes de ce père qui a réellement pleuré et qui souille avec de telles affectations la sainteté de sa mélancolie. […] Et, quand ils seront près des degrés de lumière,         Par nous seuls aperçus, Tous deux seront si beaux, que Dieu, dont l’œil flamboie, Ne pourra distinguer, père ébloui de joie,         BÉLIAL DE JÉSUS ! […] Fait pour chanter la guerre avant toutes choses, — car sa première impression d’enfance fut pour lui, comme pour Astyanax, le panache du casque de son père, — fait pour chanter la guerre, et après la guerre tous les spectacles qui arrivent à l’âme par les yeux, M. 

643. (1888) Poètes et romanciers

Est-ce un père ? […] Au-dessus d’elle il y a Dieu qui nous regarde vivre avec la compassion d’un Père, n’en doutons pas. […] Vainement il appela trois fois : « Mon père !  […] Son père est le type accompli de l’extravagance. […] Ce qui fut une catastrophe pour le père fut pour le fils la liberté.

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