Malgré son nom qui rappelle les roses, Rhoïdis n’en est point une, placée dans les feuillets des livres et qui les parfume… Il n’est que le cloporte qui les ronge, et qui vit dans la feuille moisie… C’est, du reste, par amour idéal pour la Papesse Jeanne qu’il est devenu le cloporte des bibliothèques.
Il ajoute encore : « Il n’est plus permis de douter que l’idéal de la chevalerie ne soit tout celtique », et il finit par assurer « que les tendances de l’esprit celtique se retrouvent dans les manifestations de l’esprit français », conclusion qui embrasse tout et qui ne va à rien moins qu’à la plus insolente négation, et la plus hypocrite, de tous les mérites chrétiens du Moyen Âge, le temps le plus détesté par les philosophes, parce qu’il est le plus catholique de tous les temps, de ce Moyen Âge auquel on essaie de voler sa gloire, quand il est impossible de la nier !
Si, en attendant le gouvernement de tous par tous, dans sa beauté complète, — ou mieux encore, la suppression de tout gouvernement, l’idéal enseigné par Proudhon, l’iconoclaste des Républiques, — nous permettons à la Royauté, ce polype coupé un jour sur la place de la Révolution, mais qui a repoussé, de rester encore quelque temps sans être arraché du sein des peuples, c’est seulement à la condition d’être entourée, cette Royauté, comme disait Lafayette, d’Institutions Républicaines, et de lui mettre la camisole de force d’une Constitution.
L’auteur de La Renaissance n’idéalise jamais, et ce n’est pas pourtant le sentiment de l’idéal qui lui manque !
Séduction de la perversité humaine arrivée à l’idéal de la perversité absolue dans une femme divine de beauté et d’esprit, et séduction, peut-être, hélas !
L’essentiel, c’est qu’elle n’aimât point ; c’est qu’elle ne se permît pas l’indécence d’une adoration hors d’âge, qui dérangerait l’idéal de raison et de sens commun que M. de Mouy a dû se faire de cette femme dont Voltaire aurait dit : Qui n’a pas l’esprit de son âge, De son âge a tout le malheur !
Il est conséquent à ce qu’on trouve partout, à mainte page de ses œuvres : « L’idéal de la vie, dit-il, c’est la vie monastique.
Lacordaire n’a pas fait œuvre de philosophe complet encore, il n’a pas fait œuvre de prêtre : un prêtre n’eût pas tant attendri, tant mondanisé et tant vulgarisé la langue sévère du catholicisme en abaissant, devant les exigences publiques, son surnaturel et merveilleux idéal ; un prêtre ne demande pas pardon pour la divinité de son Dieu !!
Pelletan a-t-il vu ailleurs que dans les arrangements de sa pensée, ou sur l’échiquier idéal dans lequel il encastre les événements et ploie l’histoire du monde à sa fantaisie, que l’homme fut chasseur avant d’être pasteur, que ce fut le troupeau qui lui donna l’idée de la famille ; la chasse et les partages de la proie, l’idée de la propriété ?
Parti de la notion même de l’Église, de sa nécessité, de sa constitution, de son autorité, de rétablissement sur terre de son chef, de sa puissance coercitive, il a comparé la réalité à l’idéal ; et, devant le type décrit et complet d’une Église enseignante, il examine l’Église telle qu’elle est dans le monde, il en interroge la doctrine générale et ses sources.
… Quelques stances de cet Ariel de la poésie, de cet Hégésippe mort dans le premier duvet de fleur de son génie, dureront davantage, chastes beautés idéales, préservées par leur pure immatérialité !
La notice a descendu l’idéale figure d’André du piédestal qu’il avait dans nos têtes et l’a mis de niveau égal avec tous ceux qui font péniblement de la littérature, et les notules, qui bourrent et surchargent ce livre ailé et envolé depuis longtemps dans sa gloire, nous montrent trop le poète rongé par le versificateur et par l’érudit.
Quand il parle ou qu’il peint l’amour, c’est d’une plume positive et consciente qui rappelle Alexandre Dumas fils, ce travailleur à l’emporte-pièce, sobre, mordant et sec, chez qui l’observation ne monte jamais jusqu’à l’idéal, — qui n’est cependant qu’une observation supérieure.
Pour Le Sage, trop compté, par l’opinion badaude, parmi les grands romanciers, il ne s’agit, dans le roman, ni du développement dramatique des passions, ni de l’originalité des caractères, ni, à force d’observation, de l’invention dans la réalité humaine, ni de l’expression idéale des sentiments, ni de la beauté littéraire du langage.
Ce qui a dominé, hyperdominé son talent, c’est le mécontentement de ce qui se faisait autour de lui et l’envie de le refaire pour montrer ce qu’on pouvait tirer de tous ces idéals manqués !
Ils n’avaient pas ce qui doit se retrouver au fond de toute œuvre non pour qu’elle soit plus utile, mais pour qu’elle soit plus belle, car l’idéal dans les arts (si vous creusez bien), c’est la plus grande somme de moralité.
Un siècle sédentaire comme le dix-huitième siècle, qui vivait dans des salons ou dans des cafés, dut naturellement raffoler de Gil Blas, de ce gentilhomme de grande route, l’idéal impossible d’un bonhomme, parfaitement cul-de-jatte en fait d’aventures, qui passa sa vie en habit gorge de pigeon à jouer au domino au café Procope, entre sa tabatière et sa bavaroise, dans la plus grasse et la plus bourgeoise des tranquillités !
Il y a dans l’idéal baroque que Brueghel paraît avoir poursuivi, beaucoup de rapports avec celui de Grandville, surtout si l’on veut bien examiner les tendances que l’artiste français a manifestées dans les dernières années de sa vie : visions d’un cerveau malade, hallucinations de la fièvre, changements à vue du rêve, associations bizarres d’idées, combinaisons de formes fortuites et hétéroclites.
Rien de plus friand pour un lecteur délicat que cet esprit léger, ailé, impalpable, toujours prêt à s’envoler vers les sphères idéales, mais sans cesser d’éclairer et de colorer les réalités, comme le rayon de soleil qui, tout en jouant dans l’azur ou dans les nuages, donne aux objets extérieurs le contour, la couleur et la lumière. […] Vernet, qui concilient très bien cet idéal pittoresque dont l’art ne saurait se passer, avec la réalité toute moderne des gibernes, des guêtres et des képis. […] Lamartine, Victor Hugo, Alfred de Musset, ont laissé dans notre mémoire un idéal qui nous rend dédaigneux et difficiles quand nous lui comparons de nouveaux vers. […] Un des grands mérites — et ce n’est pas le seul — du bel essai historique de M. et madame Guizot, c’est d’avoir ramené à des proportions vraies ces événements et ces personnages, que le fanatisme des cœurs romanesques grandissait outre mesure, et nous montrait, à travers l’espace, embellis de toutes les teintes brillantes de l’idéal et du lointain. […] La seconde, la mauvaise, consiste à être soi-même assez ennemi du naturel et du vrai pour méconnaître tout ce que Racine sait en garder sous la draperie classique, et pour le dénigrer au profit de je ne sais quel idéal plein d’emphase et de chimère : je crains que Mercier n’ait choisi la mauvaise.
Cette perfection a existé, dans le paradis terrestre, chaste éden, jardin des idées : mais Adam s’est ennuyé de cette splendide immobilité ; d’un geste, il a détruit la féerie idéale et fait naître la vie. […] Jésus est le père de tous ceux qui cherchent dans les rêves de l’idéal le repos de leurs âmes. » C’est peut-être vrai, si l’on considère le ton et l’accent général, ou surtout si l’on fait un choix dans les textes évangéliques, mais on y découvre certainement aussi la rude doctrine paulinienne, et il y a peut-être plus d’originalité hardie dans la douceur virgilienne de François d’Assise que dans la théologie de l’auteur des Epitres. […] Ce prêtre de l’art, ce grand serviteur de l’esprit, prenait son idéal au sérieux. […] Ou, s’il y en a un, c’est « la lutte entre les faits proposés par la réalité, et la réalité idéale », ou entre la matière brute et l’effort du romancier pour la « styliser », ou encore « entre ce que la réalité lui offre et ce que, lui, prétend en faire » ; ou enfin, le « sujet profond », c’est « la rivalité du monde réel et de la représentation que nous nous en faisons ».
L’enseigne de ce cabaret littéraire invraisemblablement blanc et or : L’Envol (sous-entendu sans doute « vers l’idéal », rien de la terre, ô que non pas !) […] Socrate aimait à s’entourer de figures idéales et se plaisait à les regarder. […] Certes, tout cela est hautement idéal. […] Et qui, en effet, bien conformes au titre général du volume et à l’idéal littéraire, évoque par le nom du dédicataire des Ballades, ces Ballades elles-mêmes ! […] Bonnier installé de longue date en Angleterre, idéal compagnon, fourmillant d’histoires et de souvenirs.
Il ne s’est pas écoulé un temps assez long pour que l’ancien idéal soit oublié et qu’on en ait trouvé un nouveau. […] Les talents ont un âge idéal qui souvent ne concorde pas avec les années réelles du poëte. […] Il réalisa à peu près l’idéal qu’on se faisait d’un poëte populaire, et fut l’Auguste Barbier de cette révolution, bien qu’il n’y eût aucun rapport entre ses Chansons et les Iambes. […] Dans le moule idéal, la matière en fusion coule et se fige jusqu’à ce que le contour ne puisse plus la retenir. […] L’imagination du poëte transforme tout et sait mettre sur le ventre d’une cruche vulgaire la paillette lumineuse de l’idéal.
La monographie le plus fortement représentative du divorce entre l’Idéal et le Réel. […] Hegel en a vraiment donné la formule quand il a identifié l’idéal et le réel. […] Ainsi s’est élaboré, à travers des générations, un type idéal duquel se rapprochent plus ou moins tous les médecins, et qui est le Médecin. […] Comprenons pourquoi, et ne laissons pas dans notre pensée le type idéal du soldat, si précieux, si tonique pour la vie morale de la nation, se confondre avec le type hideux du soudard. […] Mais c’est aussi le renoncement à cet idéal chevaleresque dont le célèbre tableau de Vélasquez, les Lances, demeure l’émouvant symbole : les chefs des deux armées ennemies se saluant après la bataille.
Étranger, protestant, original de tempérament, d’éducation, de cœur, d’esprit et de mœurs, à la fois philanthrope et misanthrope, habitant d’un monde idéal qu’il a bâti à l’inverse du monde réel, il se trouve à un point de vue nouveau. […] Ils suivent leur auteur, comme un révélateur, comme un prophète, jusqu’au bout de son monde idéal, encore plus pour ses exagérations que pour ses découvertes, aussi loin sur la route de l’erreur que dans la voie de la vérité.
L’idéal n’est que la vérité à distance. « Mais plus un idéal est sublime, plus il est difficile à réaliser en institutions sur la terre.
Les poètes, en ce temps, étaient les héros de l’esprit au niveau des héros de l’épée ; le chevalier ne dérogeait pas en célébrant dans ces chants les hauts faits dont il avait la source dans son sang, l’idéal dans son âme. […] D’une beauté plus idéale et plus délicate que sa sœur, elle évitait souvent, sous prétexte d’une santé plus frêle, les cérémonies et les fêtes de la cour.
Après un rude hiver et trois mois de fâcheux temps, pendant lesquels on n’a pu faire charrois ni labours, l’année s’ouvre enfin, les travaux reprennent leur cours. » Ses paysans, ses vignerons, amoureux de la terre, laborieux, rudes et simples, ont une sorte de grâce robuste qui évoque l’image des laboureurs attiques de la Paix : et lui-même s’est composé son personnage à demi idéal de vigneron tourangeau, tracassier, processif et bonhomme, d’une façon qui rappelle le talent des logo-graphes athéniens à dessiner les figures de leurs clients. […] Et ce fut lui peut-être qui réalisa pour les contemporains l’idéal de l’orateur universitaire : il avait la parole vivante et brillante, la phrase ample et facile, relevée de traits fins ou spirituels.
Je me console en pensant à Jésus, si beau, si pur, si idéal en sa souffrance, qu’en toute hypothèse j’aimerai toujours. […] Une voix secrète me disait : « Tu n’es plus catholique, ton habit est un mensonge : quitte-le. » J’étais chrétien cependant ; car tous les papiers que j’ai de ce temps me donnent, très clairement exprimé, le sentiment que j’ai plus tard essayé de rendre dans la Vie de Jésus, je veux dire un goût vif pour l’idéal évangélique et pour le caractère du fondateur du christianisme.
On vit l’imitation des anciens devenue originale et créatrice, réfléchir, en l’embellissant encore, la civilisation la plus splendide de notre monarchie, et de cette fusion harmonieuse entre la peinture de l’antiquité et celle de l’âge présent, sortir un idéal ravissant et pur, objet de délices et d’enchantements pour toutes les âmes délicates et cultivées. […] Ses personnages turcs, chinois, arabes ou américains, sont bien plus des Français, que les Grecs et les Romains de Racine et de Corneille, et comme ce sont des Français du siècle de Louis XV, au lieu d’être des Français du siècle de Louis XIV, leur langage est moins grand, moins pur et moins idéal Ce n’était plus devant madame de la Vallière, mais devant madame de Pompadour qu’ils parlaient.
Il est vrai qu’il s’agit dans le cas présent de Montbrun, un des vaillants selon le cœur de d’Aubigné, un de ceux qui honorent le plus l’idéal qu’il a en vue, c’est-à-dire la chevalerie des guerres civiles.
Alfred de Vigny et à qui il a, le premier, donné d’en haut le signal, cherchaient, un peu systématiquement eux-mêmes, à relever l’esprit pur, les tendances spiritualistes, à traduire les symboles naturels, à satisfaire les vagues élancements de l’être humain vers un idéal rêvé, de l’autre côté on s’est trop tenu sans doute à ce qui se voit, à ce qui se touche, à ce qui brille, palpite et végète sous le soleil.
Si l’amour appelé vertueux, l’amour dans l’ordre et le mariage, lui paraissait peu favorable à son cadre de roman, s’il voulait l’amour libre et sans engagements consacrés, eh bien, c’était une conclusion encore satisfaisante et noble, encore digne d’être proposée de nos jours, non-seulement sans scandale, mais même avec fruit, au commun de la jeunesse ; du moins l’art, qui n’est pas si scrupuleux que la morale exacte, y trouvait un but idéal, une terminaison harmonieuse.
Quel est encore pour l’artiste, pour l’amateur pénétré, l’idéal le plus enviable ?
La façon, dont en moins de huit jours Casanova s’était consolé d’Henriette, n’a rien d’assez idéal ni même d’assez décent pour que j’ose l’indiquer : ce n’est ni par la dignité ni par la mélancolie qu’il brille.
« Les hautes montagnes, a-t-on dit, consternent aisément celui qui habite au pied, ou du moins elles le modèrent et le calment ; elles mettent l’homme à la raison. » Simiane reste dans la raison, ainsi que dans le bonheur ; lorsque Rousseau, déjà célèbre, les visite encore, il emporte de leur dernier embrassement une de ces fraîches et à la fois solennelles images, qui, en présence de Thérèse et de tant d’illusions flétries, sauvaient l’idéal dans son cœur.
Enfin les caractères tragiques seront-ils tirés des souvenirs, ou de l’imagination, de la vie humaine, ou du beau idéal ?
L’allégorie y enveloppe les idées pour leur ôter leur trop grand jour ; des figures idéales à demi transparentes flottent autour de l’amant, lumineuses quoique dans un nuage, et le mènent parmi toutes les douceurs des sentiment nuancés jusqu’à la rose dont « la suavité replenist toute la plaine.
Et néanmoins ce récit est idéal comme celui d’Homère.
C’était une forte tentation et un vif plaisir, de poser soi-même et de dessiner le personnage idéal qu’on voulait être dans la postérité.
Voltaire mort et devenu l’intangible idéal, l’abbé Delille représenta la plus haute forme du génie poétique que le public fût capable de concevoir.
Cet idéal ne pourra être atteint, mais ce sera assez de l’avoir conçu et d’avoir ainsi mis la rigueur dans la définition de l’unité de temps.
J’ai laissé tous les passages où je présentais la culture allemande comme synonyme d’aspiration à l’idéal.
Elle aurait atteint la perfection scientifique, idéale, si elle nous mettait en état de prédire avec certitude comment un individu pensera, sentira ou agira dans le cours de sa vie.
Tout orateur qui l’est véritablement sent toujours combien il lui reste de progrès à faire pour atteindre à cet idéal que les plus grands eux-mêmes ont désespéré de réaliser.
La chasteté prise pour idéal fut ainsi l’un des moyens par lesquels le monde barbare christianisé peupla l’Europe.
— comme d’ailleurs Balzac, en dépit de sa hâte à créer, saluait un peu de son idéal personnel dans les plus achevés et les plus lointains poèmes de Hugo.
Compléter un univers par l’autre, verser sur le moins de l’un le trop de l’autre, accroître ici la liberté, là la science, là l’idéal, communiquer aux inférieurs des patrons de la beauté supérieure, échanger les effluves, apporter le feu central à la planète, mettre en harmonie les divers mondes d’un même système, hâter ceux qui sont en retard, croiser les créations, cette fonction mystérieuse n’existe-t-elle pas ?
« L’âme peut être ainsi l’image du corps et de l’univers entier sans s’étendre au-delà du périmètre d’un point mathématique. » Nous objectons à cette explication (en la supposant même géométriquement exacte) que le point mathématique est une conception tout idéale, tandis que l’âme est une substance réelle.
… Le Byron vertueux qu’on trouve ici, le Byron éthéré, le Byron même anachorète — comme saint Antoine, — ce Byron enfin de perfection idéale, angélique et archangélique, m’inquiète légèrement, je l’avoue ; et quoique je n’aie jamais cru aux bêtises et aux calomnies du bégueulisme sur Byron, je ne crois pas pourtant qu’il fût si ange et si archange que cela… Il devait faire, très bien, ses sept petits, péchés mortels par jour, — comme on dit que les font les Justes… L’auteur du Byron jugé, qui est une Italienne et une catholique, nous a enlevé un Byron de vitrail et de sainte chapelle, mais ce n’est pas plus le Byron vrai que le Henri de La Rochejacquelin de Hopwood — un ange aussi, — toujours les anges !
Il monte ou plutôt il s’abaisse jusqu’à l’idéal de la lâcheté humaine, — de la lâcheté en soi.