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845. (1875) Premiers lundis. Tome III « L’Ouvrier littéraire : Extrait des Papiers et Correspondance de la famille impériale »

Quelque chose est dans l’air qui adoucit, qui rallie, et oblige tout bon Français à sentir que la France n’a jamais été dans une plus large voie de prospérité et de grandeur.

846. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre XI. De la littérature du Nord » pp. 256-269

Ils ont retiré d’utiles leçons de cette étude féconde ; mais leurs beautés originales portant l’empreinte de la mythologie du Nord, ont une sorte de ressemblance, une certaine grandeur poétique dont Ossian est le premier type.

847. (1894) Propos de littérature « Chapitre Ier » pp. 11-22

» Faire l’acte de Beauté pour sa simple grandeur, se donner comme donne un prince.

848. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Deuxième partie. Ce qui peut être objet d’étude scientifique dans une œuvre littéraire — Chapitre III. L’analyse externe d’une œuvre littéraire » pp. 48-55

« Montrons, dans un prince admiré de tout l’univers, que ce qui fait les héros, ce qui porte la gloire du monde jusqu’au comble : valeur, magnanimité, bonté naturelle, voilà pour le cœur ; vivacité, pénétration, grandeur et sublimité de génie, voilà pour l’esprit ; ne seraient qu’une illusion, si la piété ne s’y était jointe, et enfin que la piété est le tout de l’homme. » 10.

849. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Préface. de. la premiere édition. » pp. 1-22

A un siecle de génie, de raison, de grandeur & de gloire, ont succédé des temps de frivolité, de foiblesse, de vertige & d’absurdité.

850. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des recueils poétiques — Préfaces des « Odes et Ballades » (1822-1853) — Préface de 1824 »

Il y a une discordance absolue entre les rats et les grenouilles, tandis qu’un intime rapport de noblesse et de grandeur existe entre Achille et Hector.

851. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Seconde Partie. De l’Éloquence. — Éloquence en général. » pp. 177-192

Car le sublime, qui tombe toujours sur la grandeur de l’idée, se soutient de lui-même, indépendamment de la diction, dans quelque langue que ce soit.

852. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Deux diplomates »

… de la grandeur intégrale de leur moralité et de leur esprit.

853. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Lenient » pp. 287-299

Lenient — lequel n’est pas un livre d’aperçu, qui n’a été conçu ni écrit comme les Considérations de Montesquieu sur la grandeur et la décadence des Romains, et qui embrasse toute la période du Moyen Âge, — est de n’avoir que quatre cents et quelques pages pour nous donner le train des faits intellectuels de cette époque, qui est immense.

854. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « M. Eugène Talbot » pp. 315-326

Il n’eût plus été un Primitif, un Naïf, un de ces grands Bonshommes qui méritent tout à la fois ce substantif et cette épithète, parce qu’ils donnent, phénomène rare, impossible dans les civilisations avancées, à la bonhomie de la grandeur.

855. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Laïs de Corinthe et Ninon de Lenclos » pp. 123-135

Elle était l’amie de Saint-Évremond, exilé qui remplissait tout de sa personne absente, philosophe qui prenait son égoïsme pour de la sagesse, et qui était bien digne de s’accointer à Ninon, plus égoïste que lui encore, espèce de Fontenelle en femme, qui cachait sa monstruosité morale sous cette beauté sans grandeur qui conseille aux hommes l’insolence.

856. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Marie-Antoinette » pp. 171-184

Il s’agissait de ce sublime de grandeur morale, de pathétique et de beauté, qui, dans le drame de l’Histoire, a précisément commencé par ce joli inconnu à Corneille, — le charme et la grâce de la vie !

857. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XII. Marie-Antoinette, par MM. Jules et Edmond de Goncourt » pp. 283-295

Il s’agissait de ce sublime de grandeur morale, de pathétique et de beauté, qui, dans le drame de l’histoire, a précisément commencé par ce joli, inconnu à Corneille, — le charme et la grâce de la vie !

858. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « Crétineau-Joly » pp. 367-380

IV Seulement, je l’ai dit, mais sur ce point je me permettrai d’insister, j’aurais voulu que cette culpabilité sans hardiesse et cette ambition sans grandeur qui n’a su jamais ni se renoncer ni se satisfaire, l’historien l’eût plus vivement montrée et dégagée davantage des faits d’une vie et d’un règne qui furent, en définitive, aussi agités qu’impuissants.

859. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XIV. M. Auguste Martin »

La niaiserie même de cette morale lui échappe, car, vous le savez, le Truism soleille en Orient ; la bêtise a dans ces contrées la beauté et la grandeur du climat, et les Chinois en particulier (à un très petit nombre près de proverbes qui font exception au reste de leur littérature), les Chinois sont d’incommensurables La Palisse.

860. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XXV. Le Père Ventura »

Jusqu’ici, tous les sermonnaires qui prêchaient aux souverains les devoirs que leur grandeur leur impose, tout en se plaçant le plus près possible du cœur qui les écoutait, par un autre côté, se maintenaient à distance.

861. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Chastel, Doisy, Mézières »

Schmidt et Chastel sur cette question du paupérisme qui est la grande question des sociétés modernes, lesquelles tuent l’âme au profit du corps, et n’ayant osé accepter non plus la solution catholique du travail de Martin Doisy (la seule solution qui puisse exister jamais en Économie politique), l’Académie, avec cette grandeur de pressentiment, cette haute divination de critique qui entraîne vers les œuvres fortes, se tourna vers le livre de Mézières vanté par Villemain, et, y reconnaissant tout ce qu’elle aime en fait de tranquillité d’aperçu et de vues grandes comme la main, elle lui décerna la couronne.

862. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Armand Hayem »

III Tel donc est ce livre de l’Être social, au titre d’une grandeur trahie, écrit par un de ces esprits modernes qui n’est sûr de rien, et qui est adressé à des gens qui non plus ne sont sûrs de rien comme lui, — et pas même de la valeur de son livre.

863. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Pécontal. Volberg, poème. — Légendes et Ballades. »

Cette simplicité que le poète a trouvée dans une grande délicatesse d’organisation et plus encore dans le sentiment chrétien qui est le fond de sa vie vraie et non pas uniquement de sa vie littéraire, cette simplicité communique à sa poésie quelque chose de la pénétrante grandeur des hymnes de la liturgie qu’il rappelle et le fait arriver à des effets où l’art disparaît plus profondément que dans les chœurs même de Racine.

864. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Henri Heine »

Quand on verra ces fausses grandeurs et toutes ces faiblesses, qu’on prit pour des forces à la lueur des paroles de Heine, ce sera un effet de renverse, et l’on jugera mieux combien ces gens-là sont petits.

865. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Feuillet de Gonches »

Seulement, tels qu’ils sont, il faut bien le dire, ils n’ont ni les développements, pleins de grandeur de ces Mille et une Nuits qui sont les épopées de l’enfance, ni le dramatique et le concentré de Perrault, — ce Shakespeare en raccourci s’il avait du style et les grâces riantes ou mélancoliques de cette fée des Contes de fées, la ravissante madame d’Aulnoy !

866. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre quatrième. Du cours que suit l’histoire des nations — Chapitre V. Autres preuves tirées des caractères propres aux aristocraties héroïques. — Garde des limites, des ordres politiques, des lois » pp. 321-333

Voilà la principale cause de la grandeur romaine que Polybe et Machiavel expliquent d’une manière trop générale, l’un par l’esprit religieux des nobles, l’autre par la magnanimité des plébéiens, et que Plutarque attribue par envie à la fortune de Rome.

867. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre quatrième. Du cours que suit l’histoire des nations — Chapitre VII. Dernières preuves à l’appui de nos principes sur la marche des sociétés » pp. 342-354

Les territoires bornés dans lesquels se resserrent les aristocraties pour la facilité du gouvernement, sont étendus par l’esprit conquérant de la démocratie ; puis viennent les monarchies, qui sont plus belles et plus magnifiques à proportion de leur grandeur.

868. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Delille »

Le genre d’Hésiode, de Lucrèce, et de Virgile dans les Géorgiques, a chez eux sa simplicité, sa grandeur philosophique, sa beauté pittoresque. […] Mais, il faut en convenir, jamais on n’y trouve d’accents comme ceux d’André Chénier, par exemple, chantant également Versailles et ses triples cintres d’ormeaux :     Les chars, les royales merveilles,     Des gardes les nocturnes veilles, Tout a fui : des grandeurs tu n’es plus le séjour… L’épisode du vieillard du Galèse est hors de prix à côté du poème des Jardins  ; et, dans notre langue, l’Élysée de la Nouvelle Héloïse, avec sa peinture, la première si neuve, reste le bosquet sacré d’où Delille n’a fait que tailler des boutures. […] Cette sémillante et spirituelle laideur devenait, à la longue, grandeur et majesté.

869. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Théocrite »

Théocrite I La poésie grecque, qui commence avec Homère, et qui ouvre par lui sa longue période de gloire, semble la clore avec Théocrite ; elle se trouve ainsi comme encadrée entre la grandeur et la grâce, et celle-ci, pour en être à faire les honneurs de la sortie, n’a rien perdu de son entière et suprême fraîcheur. […] Tout le reste n’a été, en quelque sorte, que prélude et acheminement ; la vraie grandeur de l’idylle commence à cet endroit : « Mais moi et Eucrite, et le bel enfant Amyntas, ayant poussé jusqu’à la maison de Phrasidame, nous nous couchâmes à terre sur des lits profonds de doux lentisque et dans des feuilles de vigne toutes fraîches, le cœur joyeux. […] s’écrie le poëte ; et, dans un élan plein de grandeur, il revendique le privilège immortel de la Muse ; il montre aux riches que sans elle leur orgueil d’un jour est frappé d’un long, d’un éternel oubli.

870. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre deuxième. Les images — Chapitre premier. Nature et réducteurs de l’image » pp. 75-128

L’image lui paraît « extérieure », placée devant lui, « dans la direction du rayon visuel… Elle a la grandeur et les attributs du modèle ; je distingue ses traits, la coupe de ses cheveux, l’expression de son regard, son costume et tous les détails de sa personne. […] En se relevant, il fut surpris d’apercevoir, à l’extrémité de l’appartement, une figure de femme, de grandeur naturelle, avec un enfant dans les bras. […] À mesure que ses forces revenaient, les fantômes apparaissaient moins fréquemment et diminuaient de grandeur, jusqu’à ce que, à la fin, ils ne furent pas plus grands que son doigt.

871. (1865) Cours familier de littérature. XX « CXIXe entretien. Conversations de Goethe, par Eckermann (1re partie) » pp. 241-314

C’est dans de pareils moments qu’il versait tous les trésors de grandeur et de bonté que renfermait son âme, et ce sont de pareils moments qui font comprendre comment ses amis de jeunesse ont dit de lui que ses paroles étaient bien supérieures à ses écrits imprimés. » IX Les entretiens s’ouvrent par une forte maladie du vieillard, que la vigueur de sa constitution fait triompher de la mort. […] La température de cette pièce ranimait par sa très grande fraîcheur, un tapis couvrait le sol ; la couleur rouge du canapé et des chaises donnait de la gaieté à l’ameublement ; sur un côté était un piano, et aux murs étaient suspendus des dessins et des tableaux de genres divers et de différentes grandeurs. […] Je ne pouvais me rassasier de regarder les traits puissants de ce visage bruni, riche en replis dont chacun avait son expression, et dans tous se lisaient la loyauté, la solidité, avec tant de calme et de grandeur !

872. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre troisième »

Des commencements humbles d’où un peuple s’est élevé laborieusement à la grandeur, sont plus augustes que le miracle qui, dès le berceau, la lui donne toute faite avant qu’il l’ait gagnée. […] C’est le moment où la grandeur altière et froide de Charles XII devient presque touchante. […] Charles vainqueur semblait n’avoir cherché dans la guerre qu’un plaisir barbare ; vaincu, sa grandeur d’âme est d’un exemple utile à tous.

873. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre septième »

La grandeur de l’esprit de Bossuet a caché à beaucoup de gens sa sensibilité, comme la douceur des vers de Racine leur cache sa vigueur et sa force. […] Grand style, soit ; pourvu que cette grandeur ne soit pas creuse, et qu’elle lui vienne des vérités qui remplissent les mots. […] Il est trop ému des défauts de Corneille, et surtout do cette grandeur outrée qu’il a fort raison de distinguer de la vraie.

874. (1767) Salon de 1767 « Peintures — La Grenée » pp. 90-121

Commençons par ses quatre tableaux de même grandeur, représentant les quatre états, le peuple, le clergé, la robe et l’épée. […] Si un élève de l’école de Raphaël ou des Carraches en avoit fait autant, n’en auroit-il pas eu les oreilles tirées d’un demi-pied ; et le maître ne lui auroit-il pas dit, petit bélître, à qui donneras-tu donc de la grandeur, de la solennité, de la majesté, si tu n’en donnes pas à la religion, à la justice, à la vérité. […] Il faudroit un mur, un édifice de cent piés de haut pour conserver à ce tableau toute son immensité, toute sa grandeur que j’ose me flatter d’avoir senti le premier.

875. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre V. Comment finissent les comédiennes » pp. 216-393

ô vanité des grandeurs humaines ! […] À ces grandeurs évanouies, je préfère, sur leurs tréteaux, Bobèche et Galimafré, son compère ; à ce profane cimetière des comédiens évanouis, je préfère, eh oui ! […] Que vous ont-elles fait, ces pauvres grandeurs ? […] C’était la condition sine quâ non de toute grandeur. […] On était si las enfin de la grandeur et de la sévérité du vieux roi !

876. (1782) Essai sur les règnes de Claude et de Néron et sur la vie et les écrits de Sénèque pour servir d’introduction à la lecture de ce philosophe (1778-1782) « Essai, sur les règnes, de Claude et de Néron. Livre second » pp. 200-409

Le philosophe se soutiendra par la grandeur des choses. […] Gallion a recherché la grandeur pour vous honorer ; Mêla, le repos, pour n’être qu’à vous. […] « On imagine à peine que l’homme soit capable de tant de grandeur et de fermeté… » Dites de stupidité féroce. […] La vraie grandeur ne consiste-t-elle pas à faire le bien, même en s’exposant à l’ignominie ? […] ) Son vers donne à Polyphème une grandeur démesurée, et plus il est enharmonique, plus il est beau,.

877. (1885) L’Art romantique

L’œuvre de Delacroix m’apparaît quelquefois comme une espèce de mnémotechnie de la grandeur et de la passion native de l’homme universel. […] Que le lecteur ne se scandalise pas de cette gravité dans le frivole, et qu’il se souvienne qu’il y a une grandeur dans toutes les folies, une force dans tous les excès. […] C’est une histoire qui, depuis que l’astre a donné signe de vie, est pleine de monotonie, de lumière et de grandeur. […] Tout le drame est traité d’une main sûre, avec une manière directe ; chaque situation, abordée franchement ; et le type de Senta porte en lui une grandeur surnaturelle et romanesque qui enchante et fait peur. […] Une grandeur poétique l’enveloppe.

878. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Ducis épistolaire (suite et fin). »

Quant à la ruine universelle, il la ressentit avec grandeur, non pas en partisan de tel ou tel régime, mais en homme des anciens jours, ouvert cependant à tous les souffles généreux et prêt à lever les bras au Ciel pour le triomphe de toutes les grandes causes. […] Il faut que ma tête et que mon cœur soient en mouvement, mais de cette unique manière ; je ne veux plus me jouer à la vérité77. » C’était pour un poète tragique par trop abjurer les grandeurs de l’histoire.

879. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Vaugelas. Discours de M. Maurel, Premier avocat général, à l’audience solennelle de la Cour impériale de Chambéry. (Suite et fin.) »

. — La longueur des périodes est encore un des vices les plus ennemis de la netteté du style : Vaugelas entend parler surtout de celles qui suffoquent et essoufflent par leur grandeur excessive ceux qui les prononcent, « surtout, ajoute-t-il avec esprit, si elles sont embarrassées et qu’elles n’aient pas des reposons, comme en ont celles de ces deux grands maîtres de notre langue, Amyot et Coëffeteau. » Reposoir est fort joli. […] Poitevin cite comme un exemple de mauvaise phrase et de manière de dire incorrecte la pensée suivante : « On ne montre pas sa grandeur pour être à une extrémité, mais bien en touchant les deux à la fois, et en remplissant tout l’entre-deux. » M. 

880. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Diderot »

Voilà ce que nous avions besoin de nous dire avant de nous remettre, nous, critique littéraire, à l’étude curieuse de l’art, et à l’examen attentif des grands individus du passé ; il nous a semblé que, malgré ce qui a éclaté dans le monde et ce qui s’y remue encore, un portrait de Regnier, de Boileau, de La Fontaine, d’André Chénier, de l’un de ces hommes dont les pareils restent de tout temps fort rares, ne serait pas plus une puérilité aujourd’hui qu’il y a un an ; et en nous prenant cette fois à Diderot philosophe et artiste, en le suivant de près dans son intimité attrayante, en le voyant dire, en l’écoutant penser aux heures les plus familières, nous y avons gagné du moins, outre la connaissance d’un grand homme de plus, d’oublier pendant quelques jours l’affligeant spectacle de la société environnante, tant de misère et de turbulence dans les masses, un si vague effroi, un si dévorant égoïsme dans les classes élevées, les gouvernements sans idées ni grandeur, des nations héroïques qu’on immole, le sentiment de patrie qui se perd et que rien de plus large ne remplace, la religion retombée dans l’arène d’où elle a le monde à reconquérir, et l’avenir de plus en plus nébuleux, recélant un rivage qui n’apparaît pas encore. […] La tête haute et un peu chauve, le front vaste, les tempes découvertes, l’œil en feu ou humide d’une grosse larme, le cou nu et, comme il l’a dit, débraillé, le dos bon et rond, les bras tendus vers l’avenir ; mélange de grandeur et de trivialité, d’emphase et de naturel, d’emportement fougueux et d’humaine sympathie ; tel qu’il était, et non tel que l’avaient gâté Falconet et Vanloo, je me le figure dans le mouvement théorique du siècle, précédant dignement ces hommes d’action qui ont avec lui un air de famille, ces chefs d’un ascendant sans morgue, d’un héroïsme souillé d’impur, glorieux malgré leurs vices, gigantesques dans la mêlée, au fond meilleurs que leur vie : Mirabeau, Danton, Kléber.

881. (1892) Boileau « Chapitre V. La critique de Boileau (Suite). Les théories de l’« Art poétique » (Fin) » pp. 121-155

Tandis que les beaux esprits s’amusaient à décorer la nature et poursuivaient l’ingénieux ou l’étonnant, nos grands écrivains trouvaient le juste point où le naturel est élégamment exquis et l’intense vérité se déploie avec grandeur. […] Enfin, voici le passage décisif, et qui ne laisse subsister aucun doute : Les grands mots, selon les habiles connoisseurs, font en effet si peu l’essence entière du sublime, qu’il y a même dans les bons écrivains des endroits sublimes dont la grandeur vient de la petitesse énergique des paroles, comme on le peut voir dans ce passage d’Hérodote, qui est cité par Longin : « Cléomène étant devenu furieux, il prit un couteau dont il se hacha la chair en petits morceaux, et s’étant ainsi déchiqueté lui-même, il mourut. » Car on ne peut guère assembler des mots plus bas et plus petits que ceux-ci : se hacher la chair en morceaux, et se déchiqueter soi-même.

882. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre III. Les grands artistes classiques — Chapitre IV. Racine »

Rien ne contribua plus à griser le Grand Roi que cette perpétuelle apothéose de sa grandeur et de ses faiblesses. […] Je crains que Racine, comme Bossuet, n’ait été trop poète pour un siècle qui s’éloignait de plus en plus de la poésie : on sentit la vérité humaine mieux que la grandeur poétique de son œuvre.

883. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre septième. »

Le premier, quoique ayant plus écrit en grec et en latin qu’en français a été une des lumières de la Renaissance dans notre pays, et le conseil de François Ier dans ses fondations littéraires le dernier eut la gloire de tenter avant tous ce que Descartes devait réaliser moins d’un siècle après, l’émancipation de la philosophie ; sa mort même témoigna de la grandeur de ce service rendu à l’esprit humain. […] Né parmi les grands spectacles de la nature alpestre, élevé en Italie, saint François de Sales avait la mémoire remplie de toutes ces images de la grandeur et de la bonté de la Providence.

884. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1856 » pp. 121-159

Cauchemar du gendre, la nuit, voyant des milliers de têtes dont le nez est ainsi tourmenté par des mains au bout de bras n’appartenant à personne. » Octobre Mlle *** (Renée Mauperin), la cordialité et la loyauté d’un homme alliées à des grâces de jeune fille ; la raison mûrie et le cœur frais ; un esprit enlevé, on ne sait comment, du milieu bourgeois où il a été élevé, et tout plein d’aspirations à la grandeur morale, au dévouement, au sacrifice ; un appétit des choses les plus délicates de l’intelligence et de l’art ; le mépris de ce qui est d’ordinaire la pensée et l’entretien de la femme. […] C’est une jeunesse, une gracilité de ligne, une finesse ténue des attaches, un modelage douillet du ventre, une science de tout ce grassouillet virginal et bridé, une grâce délicate comme voilée d’enfance, avec dans une si petite chose, presque la grandeur d’une statue.

885. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre septième. L’introduction des idées philosophiques et sociales dans la poésie. »

Lui-même est l’instrument de sa propre grandeur ; Libre quand il descend, et libre quand il monte, Sa noble liberté fait sa gloire ou sa honte. […] Si la souffrance et la prière N’atteignent pas ta majesté, Garde ta grandeur solitaire.

886. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Sainte-Beuve » pp. 43-79

Toute cette partie du travail de Sainte-Beuve est empreinte d’une grandeur morale qu’on est moins accoutumé à rencontrer en cet écrivain que ses qualités d’un autre ordre, précieuses aussi, mais moins relevées, et elles prouvent merveilleusement à quel point cette organisation, qu’on ne croyait que fine, pourrait devenir large et forte quand elle touche à des sujets grands. […] Mais ceci montre, par un dernier trait, à quel point des curiosités sans grandeur avaient réduit son esprit en miettes.

887. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Du docteur Pusey et de son influence en Angleterre »

Il joua même bientôt sa position officielle contre celle-là plus haute et plus obligatoire, et il sut la perdre avec grandeur. […] Seulement, parmi les plus empreintes de cet esprit aveugle et obstiné qui rencontre je ne sais quelle étrange grandeur dans la force de sa stupidité même, car il se compose du respect du passé et de foi religieuse, c’est-à-dire, en somme, du meilleur ciment qu’aient les peuples, nous signalerons une brochure qui parut en 1837 et dans laquelle se retrouvaient, à notre époque étonnée de les entendre, les accents ressuscités du fanatisme anglican des plus mauvais jours.

888. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « I — L’avenir du naturalisme »

  Si l’on se reporte à l’époque où Zola entreprit simultanément la campagne naturaliste et son œuvre, c’est-à-dire vers 1865 — année de la Confession de Claude et de la polémique inaugurée au Salut public de Lyon — la grandeur de cette œuvre ne peut manquer d’apparaître au spectateur qui la considère par-delà le tiers de siècle révolu.‌ […] Que, d’une part, cette constatation n’attente en rien à la grandeur, à la puissante beauté de son rôle comme représentant de la vie en face du spiritualisme pourri et de l’idéalisme enfantin, nul n’en doutera, s’il est sincère et de jugement sain ; mais que, d’autre part, ce strict attachement à une doctrine qui nous paraît singulièrement insuffisante, aride et succincte, malgré l’enthousiasme qui cherchait à l’imposer, ne porte pas atteinte à l’intégrale portée de son œuvre aux yeux de l’avenir, il est au moins téméraire de l’affirmer.

889. (1879) L’esthétique naturaliste. Article de la Revue des deux mondes pp. 415-432

La république n’a pas de raison d’être, si elle n’est pas le gouvernement où les âmes sont le plus vraiment fières et libres : une démocratie qui n’aurait pas la passion de la beauté et de la grandeur morale serait la plus honteuse déchéance de l’humanité. […] Quand il aura péri sous ses propres excès et n’appartiendra plus qu’à l’histoire, les critiques feront alors du récit de sa grandeur et de sa décadence un curieux chapitre des livres que lira le xxe  siècle.

890. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Mémoires de l’impératrice Catherine II. Écrits par elle-même, (suite et fin.) »

Et puis l’Impératrice avait désormais son œuvre d’Etat à accomplir ; elle pensait à la grandeur, à l’éclat, à se faire le plus grand empereur qui eût régné en Russie depuis Pierre Ier.

891. (1874) Premiers lundis. Tome I « Espoir et vœu du mouvement littéraire et poétique après la Révolution de 1830. »

Aristocrate d’origine et d’inclination, mais indépendante de nature, loyale et cavalière à la façon de Montrose et de Sombreuil, elle se retourna vers le passé, l’adora, le chanta avec amour, et s’efforça dans son illusion de le retrouver et de le transporter au sein du présent ; le moyen âge fut sa passion, elle en pénétra les beautés, elle en idéalisa les grandeurs ; elle eut le tort de croire qu’il se pouvait reproduire en partie par ses beaux endroits, et en cela elle fut abusée par les fictions de droit divin et d’aristocratie prétendue essentielle qui recouvraient d’un faux lustre le fond démocratique de la société moderne.

892. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Deuxième partie. Invention — Chapitre III. Du récit des faits. — Antécédents et conséquents. — Causes et effets »

Souvent un fait immense tient dans un très court moment de la durée ; souvent, dans un instant indivisible, une action impossible à décomposer s’est produite : ce qui en fera sentir la grandeur, c’est l’opposition fortement marquée entre cette action et les actions qui la précèdent et qui la suivent, les antécédents et les conséquents, que l’on développera parfois jusqu’à la limite extrême de la patience du lecteur.

893. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre I. Les origines du dix-huitième siècle — Chapitre I. Vue générale »

Le culte du roi est la forme du sentiment national : on aime le roi par ce qu’il assure de prospérité, de grandeur, de gloire à la France.

894. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre XVIII. Gentils conteurs » pp. 218-231

Schwob analyse : « Quand nous saisissons des choses leurs rapports de position, nous les classons suivant la cause et l’effet ; quand nous les envisageons suivant leurs relations de ressemblance et de grandeur, nous les classons suivant les idées logiques de notre esprit… on peut imaginer que les choses ont entre elles d’autres rapports que le rapport scientifique et le rapport logique. » Mais on peut même dire qu’elles n’ont ni l’un ni l’autre de ces deux rapports qui sont tous deux des façons subjectives de représentation d’un inconnu.

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