Villemain admire beaucoup, et nul ne sait mieux que lui varier les formes et les aspects de l’admiration, de manière à ne la rendre jamais fastidieuse ni monotone. […] Prenez tous les hommes considérables auxquels s’est appliqué jusqu’ici ce titre de critique, Malherbe, Boileau (car tous deux étaient des critiques sous forme des poètes) ; le docteur Johnson en Angleterre ; La Harpe chez nous, même M. de Fontanes : tous ces hommes, qui ont eu de l’autorité en leur temps, jugeaient des choses de goût avec vivacité, avec trop d’exclusion peut-être, mais enfin avec un sentiment net, décisif et irrésistible. […] Nul mieux que lui n’avait mission, en effet, pour s’éprendre de la langue du Grand Siècle et pour la revendiquer comme sienne : il est certainement, de tous les écrivains de nos jours, celui qui en renouvelle le mieux les formes, et qui semble sous sa plume en ressusciter le plus naturellement la grandeur. […] Les diverses phases par lesquelles la prose a passé depuis la fin du xvie siècle s’éclairent avec précision ; les moindres variations de régime dans les formes et les vogues successives du langage viennent se fixer avec une sorte de méthode et de rigueur, non seulement par l’étude de quelques écrivains célèbres, mais aussi par celle de beaucoup d’écrivains secondaires et pourtant agréables, auxquels on avait peu songé.
Ce problème se produit d’une manière différente suivant la nature des doctrines ; mais il existe dans toutes sous une forme ou sous une autre. […] Dans le protestantisme, la même crise éclate sous une autre forme et dans d’autres conditions. […] Plus préoccupés des conclusions que de la liberté philosophique, ils attachent peu d’importance à la différence de méthode, et, reconnaissant dans la théologie, sous des formes plus ou moins symboliques, les vérités dont se compose leur credo philosophique, ils sont disposés à une alliance avec les religions positives contre ce qu’ils appellent les mauvaises doctrines. […] L’expérience historique nous prouve que l’idée spiritualiste est susceptible de prendre les formes les plus différentes, de se concilier avec les points de vue les plus variés.
Donc, sous peine de froisser l’art dans un de ses principes les plus susceptibles, ne séparons jamais la forme de l’idée. C’est dire assez que les idéalistes, qui ne s’inquiètent nullement de la forme, et les réalistes, qui s’en contentent, qui ne voient dans la nature que des contours plus ou moins fermes, plus ou moins vagues, des masses plus ou moins éclairées, sont également en dehors de la vérité artistique. […] Quelle forme ! et avec quelle profusion l’idée flotte sur cette forme !
Les délibérations des Chambres, considérées, ainsi que nous venons de le faire, comme organes immédiats de l’opinion, la jurisprudence des tribunaux de la justice, forment un ensemble de traditions, qui devient la loi, et que le prince promulgue avec des formes établies : c’est là seulement qu’il faut puiser la raison de l’initiative royale. […] Y aurait-il donc, dans les sociétés qui changent de forme, une sorte d’agonie sanglante, ou bien une sorte d’enfantement douloureux ? […] Les envahissements de nouvelles formes sociales auraient-ils, en toutes choses, une si cruelle analogie avec les fureurs de la conquête ? […] Ainsi donc, et c’est ce que j’espère faire sentir plutôt que prouver ; ainsi donc, lorsque l’homme veut hâter, par la violence, cette marche naturellement lente, aussi bien que lorsqu’il veut y apporter des délais et des obstacles, il met toujours la société en péril : il ne faut pas cesser de répéter cette vérité, sous toutes les formes ; il faut, s’il est permis de parler ainsi, en lasser les peuples et les gouvernements jusqu’à ce que la crise actuelle soit passée.
Homme de formalisme politique qui a tout vu dans certaines formes extérieures, comme si l’âme de la politique était là, la ressemblance l’a fait croire à l’identité. […] Ce sont eux, — puisqu’il faut interroger le tombeau de la France ancienne, comme dit Tocqueville, et le tombeau de la France, c’est son histoire, — ce sont eux qui ont créé une révolution permanente forcée en oubliant ce qu’ils étaient, en donnant l’exemple des mauvaises mœurs, en altérant dans sa pureté la notion de la famille chrétienne, — le seul fondement des sociétés modernes, quels que soient leur forme et leur nom, — en nous dévêtant de nos institutions, en brisant les corporations (l’œuvre de Saint-Louis sanctionnée par les siècles), les corporations d’états, c’est-à-dire le peuple qui travaille et qui prie, et en le jetant, bohème et affamé, à la liberté vague, au hasard et à la préoccupation du jour le jour ! […] Tocqueville, le parlementaire, l’engoué de la liberté politique comme Louis-Philippe nous l’avait dosée, est-il, oui ou non, pour la Révolution française, dont il dit : « L’ancien Régime lui a « fourni plusieurs de ses formes. […] Tocqueville n’a pas plus grandi par la forme que par la pensée.
Mais, à cette voix, il s’interrompit de contempler et il se décroisa les bras pour frapper les rudes coups de ce livre, dont il se laissa même dicter la forme, trop romanesque à mon gré, mais qu’on lui imposa pour que le livre, sous cette forme, saisît mieux l’imagination et allât plus vite et plus avant dans la publicité et dans le succès. […] Sous ce pêle-mêle d’idées et d’images, de sentiments et d’abstractions, il y a une unité qui tient au fond du livre et de l’âme de l’auteur, et qui nous venge bien du manque d’unité de cette forme que j’ai signalée ; et cette unité du sujet, retrouvée, à toute place, dans cette dispersion de qualités qui rayonnent de toutes parts, en ce livre formidable, comme les balles écartées d’une espingole, c’est justement ce qui est en cause dans cette misérable heure : c’est la grandeur et le droit de la paternité ! […] Eh bien, c’est cette force de la Paternité, dont Brucker n’avait pas seulement que l’idée dans la tête, mais dont il avait aussi le sentiment dans la poitrine, c’est cette force de la Paternité qu’il résolut de réapprendre au monde, en la lui peignant… Et puisqu’il avait accepté la forme du roman dans son ouvrage, il y introduisit un père comme on n’en connaissait plus, un père qui relevait la Paternité de tous les avilissements qu’elle subissait, depuis des siècles, dans les mœurs et dans les comédies !
Pascal, l’homme au gouffre en toutes choses, cet épouvanté qui voyait partout l’abîme qu’il croyait à ses pieds ; Pascal, ce lycanthrope du jansénisme, devait haïr une forme de langage qui est dans le sentiment humain à une si grande profondeur. Mais Dargaud, qui n’a pas les mêmes raisons pour proscrire le moi sous sa forme la plus naïve, et j’ajoute la plus nécessaire, a écrit à la première personne un livre qui, restant tout ce qu’il est au fond, mais écrit autrement, aurait été froid et d’une réalité moins sentie. […] En effet, depuis que le symbole de nos pères a cessé d’être pour la majorité d’entre nous le vrai et l’unique symbole, et que la Foi, comme un flambeau renversé, s’est éteinte dans la poussière des traditions abandonnées, il s’est élevé une nombreuse race d’hommes qui se disent religieux pourtant, et qui ont remplacé les formes nettes et les dogmes arrêtés du catholicisme par les aspirations maladives d’une vague religiosité. […] Enfin, dans les dernières années de la Restauration, ils écrivirent, avec la main tremblante et sceptique de Jouffroy, « comment les dogmes finissent », et si, à partir de Jouffroy, ils n’ont plus eu d’illustre interprète, ils n’en vivent pas moins parmi nous et il est aisé de les reconnaître à certaines formes surannées de langage.
Je suis des yeux cette immortelle vie qui s’enferme un moment, des siècles, des myriades de siècles, dans une forme, pour briser cette forme. […] Armé de cette puissance qui est la somme de vie de tous les êtres apparus sur le globe, je défie la mort, je brave le néant… Lorsque je vois cette lente progression, depuis le tribolite, premier témoin effaré du monde naissant, jusqu’à la race humaine, et tous les degrés vivants de l’universelle vie s’étayer l’un sur l’autre, et tous ces yeux ouverts, ces pupilles d’un pied de diamètre qui cherchent la lumière, toutes ces formes qui s’étagent l’une sur l’autre, tous ces êtres qui rampent, nagent, marchent, courent, bondissent, volent au-devant de l’esprit, comment puis-je croire que cette ascension soit arrêtée à moi, que ce travail infini ne s’étende pas au-delà de l’horizon que j’embrasse ? […] Je conçois des séries futures et inconnues, et de formes et d’êtres, qui me dépasseront — (ce ne sera pas difficile) — en force et en lumières autant que je dépasse le premier-né des anciens océans.
Tous, ils ne font des vers que pour réaliser ou caresser telle ou telle forme poétique, non pour exprimer des sentiments vrais et se soulager de leurs émotions en les faisant partager. Ces Poètes, qui, du reste, se nomment eux-mêmes des artistes, et qui ont réellement plus d’art dans leur manière que de génie et d’inspiration, travaillent leur langue comme un sculpteur travaille son vase, comme un peintre lèche son tableau, et nous donnent au xixe siècle une seconde édition affaiblie de la Renaissance qui, elle aussi, avec le large bec, ouvert et niais, d’un Matérialisme affamé, happait la forme et s’imaginait tenir le fond, l’âme et la vie ! […] Roger de Beauvoir, ce qui nous a toujours empêché de le confondre, malgré ses erreurs d’homme et de poète, avec les Gentils de notre temps, avec les Idolâtres de la Forme qui n’ont d’autre dieu que le fétiche qu’ils ont eux-mêmes sculpté, c’est le parfum des croyances premières et flétries, mais qu’on retrouve toujours à certaines places de ses écrits ; c’est ce christianisme ressouvenu qu’il tient peut-être de sa mère et qui revient de temps en temps et comme malgré lui, dans sa voix : D’où vient, qu’après avoir dormi sous les platanes, Après avoir sur l’herbe épanché les flacons, Puis être revenus, Ô brunes courtisanes, En rapportant chez nous les fleurs de vos balcons, La tristesse nous prend comme fait la duègne Qui de la jeune Inès s’en vient prendre la main, Et que nous n’arrivons jamais au lendemain Sans qu’aux pensers d’hier tout notre cœur ne saigne ? […] L’autre jour encore, il publiait des vers adressés à un païen de la forme, dans lesquels les qualités exclusivement solides du rythme étaient mises en saillie avec luxe.
Ce n’est pas non plus, assurément, indigence de souffle et de vigueur ; mais c’est que naturellement il conçoit son sujet sous la forme où il est concentré davantage, et que l’ambition de son talent doit être la concentration : « Les longs ouvrages me font peur », disait La Fontaine, cet homme unique, qui avait en lui la divinité du détail. […] Mais dans la seconde partie, la forme change tout à coup. […] La sœur Saint-Gatien, un peu plus âgée qu’elle et choisie, selon l’usage des couvents, pour offrir à Éliane, sous la forme d’une amitié sanctifiée, l’image de son auge gardien, le frère céleste qui doit veiller sur elle, la sœur Saint-Gatien est la voix de la vocation religieuse contre laquelle Christian rencontré a élevé la voix de l’amour. Cette correspondance entre les deux jeunes filles, cette correspondance qui dure trop peu et qui, si elle avait été la forme intégrale du roman, en eût certainement fait un chef-d’œuvre, est d’un maître en observation ou en divination humaine.
Il n’y a plus de choix : l’idée impose la forme et l’emporte. […] Dans toutes ces figures, on détourne une construction, une forme de phrase de son usage propre ; on la substitue à celle qui équivaudrait proprement à la pensée. […] Aussi est-ce la forme la plus fréquente de l’antithèse : le choc des mots fait éclater le contraste des idées : Enfant, on me disait que les voix sibyllines Promettaient l’avenir aux murs des sept collines, Qu’aux pieds de Rome, enfin, mourrait le temps dompté, Que son astre immortel n’était qu’à son aurore….
Pour rendre intelligibles au vulgaire les hautes théories philosophiques, on est obligé de les dépouiller de leur forme véritable, de les assujettir à l’étroite mesure du bon sens, de les fausser. […] Quant aux écrits sociaux et philosophiques, où la forme est moins exigeante qu’en littérature, les ouvriers y déploient souvent une intelligence supérieure à celle de la plupart des lettrés. […] La science et la philosophie doivent conserver leur haute indépendance, c’est-à-dire ne poursuivre que le vrai dans toute son objectivité, sans s’embarrasser d’aucune forme populaire ou mondaine.
Nous disons que la lecture forme le goût. […] Nous disons que la lecture forme, développe, perfectionne cette faculté, et il est bien évident qu’on ne peut développer et perfectionner que ce qui existe en germe. […] En propres termes à ceci : que la lecture ne forme ni ne modifie le style.
Cette forme de serment est analogue à celle que les anciens vassaux germains prêtaient à leur chef, au rapport de Tacite ; ils juraient de se dévouer à sa gloire . […] Dans l’acte de la mancipation les stipulations se représentèrent sous la forme des infestucations ou investitures, ce qui était la même chose. […] Ces deux dernières formes, convenant également aux gouvernements des âges civilisés, peuvent sans peine se changer l’une pour l’autre.
Ils reprochent volontiers à la critique objective que son « dogmatisme » n’est qu’une forme qu’elle donne à ses « préférences personnelles ». […] Je veux dire par là qu’en poésie comme ailleurs, la forme sera toujours une partie considérable et constitutive de l’art. Or, elle n’existe évidemment comme forme qu’autant qu’elle est, non point du tout pensée ou conçue, mais effectivement « perçue » comme forme. […] Aussi toute leur idée y est ; la forme est pleine, bourrée et garnie de choses jusqu’à la faire craquer. » Est-ce ou non la rhétorique ? […] Histoire, visions, croyances, dogmes, mythes, symboles, emblèmes, la forme humaine presque seule exprimait tout ce qui peut être exprimé par elle.
Rodolphe Darzens Victor Margueritte fit preuve d’une grande précocité en publiant, à dix-sept ans, un recueil de vers, Brins de lilas (1883), et l’année suivante, la Chanson de la mer, toutes poésies où la perfection de la forme et la science du rythme s’allient à l’élévation des pensées et au charme des expressions. […] Henri de Régnier ; et si les allées rectilignes en leur sévère majesté en imposent d’abord par leur charme un peu triste, la lumière des aubes et des crépuscules s’y joue à souhait et dans le même décor fait alterner de changeantes images qui sont toute la vie et l’âme du poète, projetée hors de lui et lui apparaissant par un mirage dont il n’est pas dupe sous les formes multiples de son rêve.
Claudius Popelin n’avait pas sur les signes une bien décisive autorité, mais il était poète ; seul, il prouverait le beau sonnet d’une si pure forme classique : La très sévère loi du flux et du reflux S’impose inéluctable, et le lierre s’enroule Aux colonnes….. […] Pierre de Bouchaud Somme toute, c’est l’artiste qui a dominé chez lui et lui a dicté ses moindres pensées, en poésie, où les mots : gloire, patrie, amour, bonheur, souffrance (toute la vie), reviennent sans cesse sous sa plume, sauvés de la vulgarité par le charme d’une langue nerveuse, colorée, et par de beaux élans d’enthousiasme, transformés par la magie d’un talent sensitif, fécond, impressionnable, précisément parce qu’il provient d’une nature artiste, revêtus enfin du majestueux vêtement d’un style imagé, toujours respectueux de la forme.
Bien qu’il se soucie plus de l’idée, de la pensée, que de la forme dans laquelle elle tombe, ce de quoi on ne saurait trop le louer, son vers est naturellement harmonieux et élégant. […] Émile Faguet Joseph d’Arimathée n’est pas précisément un drame, c’est une étude psychologique très attentive et très fine sur l’état d’esprit des premiers adeptes d’une religion et sur la manière dont un sentiment religieux se forme et se développe peu à peu dans les âmes… J’ai déjà dit qu’il n’est point du tout dramatique, et qu’il ne pourra jamais, au théâtre, soutenir et retenir l’intérêt d’un public un peu nombreux ; mais, comme étude psychologique, Joseph d’Arimathée est excellent… Il s’y trouve de grandes, de profondes beautés.
Corneille, inventeur des deux principales formes du poème dramatique, donne le premier modèle de la tragédie. — § III. […] Cette singulière beauté du théâtre ne se forme que lentement : c’est le dernier, c’est peut-être le plus beau développement littéraire d’une grande nation. […] Le seul plaisir qu’on y pût prendre, celui d’y retrouver l’imitation des formes du théâtre ancien, ne pouvait guère toucher le public. […] Corneille, inventeur des deux principales formes du poème dramatique, donne le premier modèle de la tragédie. […] Il a créé toutes les formes du poème dramatique.
Mais si tous deux ont réalisé sous forme d’autobiographie leur chef-d’œuvre le plus vivant c’est après avoir tenté d’autres destinées littéraires. […] Et cela c’est la forme même de la fatalité qui s’établit. […] Le bétail mugissant et pacifique forme la basse, il étale l’idée reçue dans sa tranquille innocence. […] Dans le premier, l’amour inassouvissable sous les formes de l’amour terrestre et de l’amour mystique. […] Toute la première Tentation est nourrie de psychologie sous forme théologique.
Il y a deux formes de raisonnement : 1˚ la forme investigative ou interrogative qu’emploie l’homme qui ne sait pas et qui veut s’instruire ; 2˚ la forme démonstrative ou affirmative qu’emploie l’homme qui sait ou croit savoir, et qui veut instruire les autres. […] Comment la forme d’une cellule du foie nous montrerait-elle qu’il s’y fait du sucre ? Comment la forme d’un élément musculaire nous ferait-elle connaître la contraction musculaire ? […] Mais que peut nous dire la forme du foie, du pancréas, sur les fonctions de ces organes ? […] Que peut nous apprendre la forme du cerveau et des nerfs sur leurs fonctions ?
Héritier de la culture latine, il allait prendre contact avec la forme romaine de la beauté. […] Quand on y regarde de près, c’est la même éducation classique, celle de Cicéron et du Conciones, qui produit Cousin et Taine, la forme oratoire vide et la forme oratoire pleine : la baudruche et le marbre ont ici des lignes pareilles. […] Car Taine ne fait qu’un avec son style de matière vivante et de forme oratoire. […] Je ne m’occupe ici que du troisième fait, et dans sa forme plutôt que dans sa matière, cette forme que rappelle le titre donné par M. […] Les problèmes qui ont opposé les Éléates et les Ioniens, Platon et Aristote, désignent beaucoup plus certainement les formes éternelles de la philosophie que l’épopée d’Homère ou le drame de Sophocle ne figurent les formes éternelles de l’art.
Ce qui manqué à ces romans, c’est la forme, c’est-à-dire l’enveloppe conservatrice. […] Miss Kemble n’a employé que deux formes de langage, la prose et le vers blanc. […] En la dégageant des ambages oratoires, je la présente sous une forme presque scientifique. […] Avant d’arriver à cette forme définitive, elles ont dû subir, dans le cerveau, ou sur le papier, bien des métamorphoses laborieuses. […] Envisagé de cette sorte, Volupté n’a plus rien d’obscur ni de mystérieux : c’est dans l’ordre humain et dans l’ordre littéraire une œuvre inévitable et prévue ; c’est, sous la forme du récit, l’expression plus familière et plus vive, plus abondante et plus accessible, des idées révélées déjà sous la forme dialectique et sous la forme lyrique.
Là, comme un Ange assis, jeune, triste et charmant, Une forme céleste apparut vaguement. […] Là, dans l’intérieur de sa tête brûlée, se forme et s’accroît quelque chose de pareil à un volcan. […] On forme un cercle de charbons ardents ; on saisit un scorpion avec des pinces et on le pose au centre. […] « Puisse cette forme ne pas être renversée par l’assemblée qui la jugera dans six mois ! […] « Une idée qui est l’examen de l’âme devait avoir dans sa forme l’unité la plus complète, la simplicité la plus sévère.
Ajoutez la tension continue de la forme. […] Il forme, avec deux autres, un trio dominant dans le vocabulaire de Taine. […] Fond et forme, il sent son époque. […] J’eusse voulu donner quelque idée toute sa netteté, de sa vivacité logique et aussi de sa forme. […] Il aimait que son âme fût « la capacité de toute forme ».
On y sent une pensée subtile et vaste, heureuse de s’introniser en cette forme légère et délicatement ciselée. […] A cela s’ajoute une absolue maîtrise de la forme verbale. […] C’est là qu’une phalange de jeunes écrivains cherchèrent ce qu’il leur fallait : une nouvelle forme, un nouveau style, un nouvel idéal ! […] Néanmoins il est possible de relever certaines spécialités de forme : avant tout, économie des mots. […] Aussi, lorsque celle-ci adopte une forme, elle doit en être sûre.
Quant aux formes absolument originales, beaucoup dérivent directement du latin ou du grec, et sont instaurées suivant les règles admises. […] Enfin, la plupart de ces néologismes consistent simplement à doter de formes actives ou passives les épithètes dépourvues de l’une ou de l’autre ; ils créent aussi le verbe qui nantira d’un pouvoir actif l’état marqué par un substantif ou par un adjectif.
Rendre sensible cette unité, telle devait être la pensée de celui qui au bout d’un siècle venait offrir à un public français un livre si éloigné par la singularité de sa forme des idées de ses contemporains. Il ne pouvait atteindre ce but qu’en supprimant, abrégeant ou transposant les passages qui en reproduisaient d’autres sous une forme moins heureuse, ou qui semblaient appelés ailleurs par la liaison des idées.
Guillaume Guizot, a exposé et combattu en forme cette méthode dans deux articles très remarquables ; je ne m’engagerai pas ici dans la discussion générale de la doctrine, ce qui exigerait des développements hors de mesure : je me bornerai, dans le cas particulier de Tite-Live, à faire voir ce qu’elle a, selon moi, d’excessif, d’artificiel et de conjectural ; le genre et le degré d’objection que j’y fais se comprendront mieux : Que sait-on de Tite-Live, de sa personne et de sa vie ? […] J’admets volontiers (et, dans les nombreuses études critiques et biographiques auxquelles je me suis livré, j’ai eu plus d’une fois l’occasion de le pressentir et de le reconnaître) que chaque génie, chaque talent distingué a une forme, un procédé général intérieur qu’il applique ensuite à tout. […] Taine peut répondre que, quand on déclare la guerre à une école puissante, on la fait comme on l’entend, et que, quel que soit le tour de sa forme, il n’a rien sacrifié du fond des questions. […] L’emploi de leur vie est d’arranger des phrases, et ils tournent toujours leurs pensées dans le moule grammatical ou logique, bien plus occupés des formes que du fond. […] Il s’en croyait assuré par le seul sentiment de possession intime, et il reproduit cette conviction fondamentale sous mille formes.
Grâce à cette liberté d’allure qu’il a eue à toutes les époques, et qu’on lui a concédée en tant que genre sans conséquence, le roman a prospéré, fleuri, fructifié, et il s’est vu capable, presque dès sa naissance, de prendre toutes les formes, — sentimentale, pastorale, poétique, chevaleresque, historique, ironique, satirique, allégorique, descriptive, morale, passionnée. La forme philosophique et raisonneuse est aussi l’une des siennes, et je ne saurais la proscrire. […] Mais la forme manque, le rythme fait défaut, l’effusion est absente ; et en effet il a annoncé son livre non comme une légende, mais comme une histoire. […] Pourvue d’un triste mari, et n’ayant pu enlever Raoul à Sibylle, elle a pris pour amant Gandrax, le savant, l’homme de mérite, athée, il est vrai (à propos, je ne croyais pas que ce personnage d’athée proprement dit existât encore sous cette forme, à la Wolmar), — mais, à part cela, le caractère le plus droit, le plus probe, une personnalité marquante et originale, tout à fait distinguée. […] En présence de cette forme d’art ingénieuse, délicate, mais ici outrée visiblement et plus que jamais infidèle à l’entière vérité, je dirai encore à l’auteur : « N’étalez point les laideurs, les plaies, je le veux bien ; ne nous montrez point, comme d’autres, la pointe du scalpel, encore toute souillée de sang et de sanie : à la bonne heure, et je vous en rends grâces.
La race d’élite et privilégiée entre toutes qui, dès l’origine de son installation dans la péninsule hellénique, se personnifie dans Hercule, dompteur des monstres, dans Apollon, vainqueur de Python, et qui sut de bonne heure réaliser l’idée de royauté et de justice, puis l’idée de cité et de liberté, est celle qui imprima à la guerre sa plus noble forme, la plus héroïque, la plus généreuse, depuis Achille, — ou, pour partir de l’histoire, depuis Miltiade et Léonidas jusqu’à Philopœmen. […] Qu’était-ce au juste que ce premier ouvrage de Jomini dans sa première forme, dans sa première édition ? […] Cette première édition du Traité de Jomini, d’ailleurs, est pleine encore de tâtonnements dans la forme. […] On n’arrive pas du premier coup à la forme la plus simple. Cette forme définitive, Jomini ne l’a donnée à son Traité qu’à la quatrième édition en trois volumes (1847) ; mais la première édition, commencée en 1805, continuée en 1806 et les années suivantes, était compléte en 1809 ; elle renfermait tout ce qu’il y avait d’original y compris le premier volume des Campagnes des Français depuis 1792, que l’auteur a bien fait de détacher ensuite pour en former une série à part, tout historique, l’Histoire critique et militaire des guerres de la Révolution (15 vol.).
Le botaniste nous laisse considérer dans une plante les feuilles et les fleurs tout ensemble, les sinuosités de sa forme, les nuances de ses couleurs, la diversité des herbes qui l’environnent, la figure du sol où elle croît. Parmi les accidents qui la distinguent de son espèce, il dégage la forme commune qui la range dans son espèce, et ne considère en elle qu’une qualité et qu’un nom. […] En géométrie, on met au bout du théorème : « C’est là ce qu’il fallait démontrer » ; dans nos apologues, nous mettrons en tête du précepte : « Voilà ce que la fable devait prouver. » Notre oeuvre prendra ainsi une forme mathématique, et montrera, jusque dans ses dehors, l’austérité solennelle de notre dessein. […] Après l’avoir opposée à la science, qui forme la fable didactique, il faut l’opposer à la nature que copie la fable primitive. […] Nous répéterons donc la même pensée sous toutes sortes de formes ; nous la reprendrons après l’avoir quittée ; nous la reproduirons encore une fois hors de sa place naturelle ; nous la répandrons partout, faute de savoir la concentrer.
Il enseigne à la poésie que le monde et la vie lui appartiennent, et que des plus familières comme des attristantes réalités elle peut sortir en ses plus belles formes. […] Mais dans la Harangue aux États d’Orléans (1560) et dans le Mémoire au Roi sur le But de la guerre et de la paix (1568), ses ordinaires remontrances en faveur de la paix et de la tolérance ont revêtu une forme singulièrement forte ; vigueur de raisonnement, mouvement pathétique, expression saisissante, toutes les parties d’un grand orateur se trouvent dans ces deux pièces. […] Le pamphlet fut alors une des formes principales de la littérature. […] Les catholiques ne demeuraient pas en reste d’injures et de pamphlets : mais leurs passions ne trouvèrent point d’interprète qui les fit vivre dans une forme littéraire. […] Autour de ces idées fondamentales, il groupa une théorie générale des formes diverses du gouvernement, de fortes études sur les progrès et les révolutions des États, des réflexions curieuses sur l’adaptation des institutions politiques aux climats, enfin de très libérales doctrines sur l’impôt et l’égale répartition des charges publiques : si bien que ce livre, sans éloquence, sans passion, pesant, peu attrayant, fonda chez nous la science politique, et ouvrit les voies non seulement à Bossuet pour la théorie de la royauté française, mais à Montesquieu pour les principes d’une philosophie de l’histoire.
Desjardins cesse d’être théorique et ennuyeux, pour devenir pratique et dangereux : « Nous travaillerons dans le sens de la démocratie libérale… Le protectionnisme et toutes les formes du socialisme d’état nous le combattrons… Une société de secours moral se formera ; ce sera le commencement d’une période militante ; ce que fera cette Société, je ne suis ni capable ni digne de l’exprimer. […] Son mysticisme, traduit par un sens extérieur presque insignifiant, mais symbolique à plusieurs puissances, affecte une forme artistique d’une remarquable pureté, et dont la traduction par Baudelaire des Histoires extraordinaires est l’évident prototype. […] IV. — Pottecher et l’occultisme La Peine de l’Esprit, malgré sa forme dialoguée, est un roman, et un très bon roman, et très nouveau de pensée, de coupure et de tenue. […] Mais des détails et de la forme il ne m’importe. […] Pour n’être pas le livre d’un littérateur, ce n’est pas un livre de forme banale ; quant au fond de la doctrine qu’il inclut, c’est la codification logique des principes féodaux ; mais d’une féodalité moderne, rationnelle, paradoxale et amusante.
Avez-vous jamais réfléchi à ce que c’était que ces hommes de la Chambre de 1815, dont en général les montres s’étaient arrêtées subitement au 18 Brumaire, et qui, après quinze ans d’isolement, de colère ou de bouderie à l’écart, se virent un jour appelés à l’exercice d’un gouvernement nouveau et à remettre en vigueur les formes parlementaires et délibératives ? […] Elle est déjà bien ancienne, elle l’est, presque autant que le monde, mais longtemps elle a été limitée à un petit nombre de cas, ou bien elle prenait une autre forme. Du temps de la monarchie et de la Cour, elle se confondait avec la maladie du courtisan disgracié ou de la perte de la faveur ; depuis l’émancipation de la société et la participation plus ou moins directe d’un grand nombre à l’exercice du pouvoir, la maladie, dans sa forme simple, s’est fort répandue, et il y a des moments où elle a le caractère d’une épidémie. […] En effet, le pouvoir, considéré au point de vue moral, et sous sa forme la plus générale, consiste à ne pas s’appartenir un seul moment, à faire de grandes choses peut-être, mais à être envahi aussi par les petites, à n’avoir pas une minute à soi dès le réveil : tel est le plaisir. […] Mais qu’il tombe : le soir même de la disgrâce, m’assure-t-on, subitement, rudement, avec une brutalité dont je n’ai jamais été témoin, le vide se fait autour de lui ; quand je dis le soir, ce n’est peut-être que le lendemain ; car je ne puis supposer que, pour la forme, quelques politesses au moins n’arrivent pas ; puis, la cérémonie faite, il ne reste que les amis.
Séailles forme des élèves, tout simplement. […] C’est toujours la nutrition ou plutôt le développement d’un organe par l’atrophie d’un autre qui forme le secret de ces anomalies. […] Les religions sont les formes abrégées et populaires de cette participation ; là est leur sainteté. […] « La conscience est peut-être une forme secondaire de l’existence. […] Si cet esprit est une forme littéraire et gouverne un âge entier, l’écrivain est un Racine.
Si d’ailleurs je leur ai conservé leur forme de Leçons, c’est que ces corrections n’en ont pas modifié le plan primitif. […] Il s’offre à nous d’abord sous la forme de L’Épopée ou de la Chanson de geste : Roland, Aliscans, Renaud de Montauban ; et sous cette forme, vous le savez, c’est presque de l’histoire. […] Mais si ce n’est ni hasard, ni succession fortuite, comment les formes se sont-elles succédé ? […] Sur la question de forme, en effet, et sur le prix qu’il y attachait, comment les Précieux l’eussent-ils pu contredire ? […] Et, en général, il n’est qu’une âme, une forme particulière d’esprit pour faire tel ou tel chef-d’œuvre.
Dans les Dialogues sur le commandement, la grâce et le naturel des idées de Maurois s’accordent à la forme dialoguée. […] » On examine et on situe ; mais c’est devant la signification d’un anonyme agencement de formes que l’on avait d’abord réagi. […] » Or la forme du Camarade infidèle est une forme où le « drame » domine, et où la part faite au « tableau » se ramène presque à ces indications scéniques telles que les transforma Bernard Shaw, telles aussi que nous les retrouvons dans Jean Barois. […] N’ont-ils pas reçu tous deux en partage cette forme du naturel qui le plus rarement se rencontre : le naturel des idées ? […] L’arbre qui pousse, c’est qu’il se rappelle ; il remonte du plus profond de lui-même vers sa forme antique, il va l’atteindre.
Et je sais bien qu’il y a des formes plus héroïques et plus fulgurantes de l’amour des Lettres. […] La forme épistolaire, qui n’était pas naturelle à l’auteur, a certainement gâté Delphine. […] Son christianisme d’imagination et de beauté couronne une sensibilité et confirme une raison chrétiennes, qui avait pris forme et vie après Rousseau. […] Mais elle n’a pas reçu sa forme littéraire. […] Seul des romantiques, il hait la nature sous toutes ses formes.
Les instruments y sont disposés avec goût ; il y a dans ce désordre qui les entasse une sorte de verve ; les effets de l’art y sont préparés à ravir, tout y est pour la forme et pour la couleur de la plus grande vérité. […] Je n’ignore pas que les modèles de Chardin, les natures inanimées qu’il imite ne changent ni de place, ni de couleur, ni de formes ; et qu’à perfection égale, un portrait de La Tour a plus de mérite qu’un morceau de genre de Chardin.
Il les présente ici sous une forme toute historique, il ajoute l’indication générale des caractères de l’âge des hommes, et trace ainsi une esquisse complète de l’histoire idéale indiquée dans les axiomes. […] Elle est plus ou moins sévère selon la forme du gouvernement.
C’est du christianisme qu’il a reçu sa forme définitive et ses tendances les plus irrésistibles. […] En effet, quand on nous parle de l’idéalisme de la forme, rien de plus clair. […] Autant il est légitime d’associer la forme et l’idéal, puisque ce sont choses de même nature, autant il l’est peu d’associer la forme, qui est une réalité sensible ou intelligible, avec l’expression, qui n’est autre chose que la notion abstraite et sans consistance d’un simple rapport. […] L’architecture garde ses formes, mais elle en perd le sens. […] De quoi se forme en effet le public ?
On ne saurait la chercher dans une forme de poésie qui lui aurait été propre : il n’a rien inventé en ce genre, et la ballade, dont il use si bien, florissait avant lui depuis plus d’un siècle. […] Campaux essaye pourtant de déterminer en quoi consiste l’originalité de forme de Villon, puisqu’on veut qu’il ait été novateur : il croit la trouver dans le genre du testament. […] Ou je me trompe, ou c’est là pour l’inspiration, le cadre à la fois le plus large et le plus commode, la forme la plus piquante et la plus faite à souhait pour ainsi dire, celle qui lui permet d’accorder avec l’unité la variété de tons la plus grande, et le laisse le plus libre de ses allures. […] Nous savons, pour l’avoir mainte fois observé, combien l’invention est rare en poésie, combien la gent versifiante est moutonnière, et qu’une forme, une veine, une seule note, une fois trouvée, se copie et se répète ensuite à satiété jusqu’à ce qu’une autre ait succédé, qu’on épuise à son tour. […] Bien des poètes avant lui avaient employé cette forme : Où est Arthus ?
L’Antiquité grecque et latine avait trouvé dans tous les genres les belles formes, les moules admirables, des modèles qu’une fois ressaisis, on ne perdait plus de vue et qu’on révérait sans cesse. La haute source de l’admiration était là, perpétuelle et vive, et nulle part ailleurs ; et cependant l’inspiration moderne, quand elle naissait, trouvait moyen de se créer une forme à elle, une variété d’imitation qui avait son caractère et son originalité, mais qui, malgré tout, par quelque côté, devait aller se rejoindre à la grande tradition et offrir en soi des traits de ressemblance avec l’antique famille. […] Pour moi, je ne saurais l’en blâmer, et je le trouve bien français encore par le tribut qu’il paye, sous cette forme, à l’Antiquité. […] Nous sommes à l’ombre de l’école, ne l’oublions pas, à la suite de Quintilien ou de Longin ; on n’en était pas encore à la théorie purement romantique des génies sombres et orageux, au front pâli sous l’éclair, ni à la théorie tout historique et plus vraie de ces autres génies éprouvés et aguerris, que le malheur forme et achève. […] Il rentre dans la bonne voie lorsqu’il conseille quelques sobres imitations du grec, dont les façons de parler, dit-il, sont fort approchantes de notre langue vulgaire, plus approchantes même parfois que les formes latines : c’est la thèse que Henri Estienne a développée depuis.
Un honnête homme, né pour l’Almanach du Commerce, qui aura griffonné jusque-là à grand’peine quelques pages de statistique, s’emparera d’emblée du premier poème épique qui aura paru, et, s’il est en verve, déclarera gravement que l’auteur vient de renouveler la face et d’inventer la forme de la poésie française. […] Comme ils se seraient vite entendus dans un même culte, dans le sentiment de la forme chérie ! […] Et la poésie, la beauté sous toutes les formes, il la sentait : « Naturellement, l’âme se chante à elle-même tout ce qui est beau ou tout ce qui semble tel. « Elle ne se le chante pas toujours avec des vers ou des paroles mesurées, mais avec des expressions et des images où il y a un certain sens, un certain sentiment, une certaine forme et une certaine couleur qui ont une certaine harmonie l’une avec l’autre et chacune en soi. » Par l’attitude de sa pensée, il me fait l’effet d’une colonne antique, solitaire, jetée dans le moderne, et qui n’a jamais eu son temple. […] Sa pensée a la forme comme le fond, elle fait-image et apophthegme.
cela veut dire : pouvons-nous imaginer un monde où il y aurait des objets naturels remarquables affectant à peu près la forme des droites non-euclidiennes, et des corps naturels remarquables subissant fréquemment des mouvements à peu près pareils aux mouvements non-euclidiens ? […] Et alors une question se pose : ce continuum amorphe, que notre analyse a laissé subsister, n’est-il pas une forme imposée à notre sensibilité ? […] Sont-ils les caractères d’une forme imposée soit à notre sensibilité, soit à notre entendement ? […] Ainsi la définition que je viens de donner ne diffère pas essentiellement des définitions habituelles ; j’ai tenu seulement à lui donner une forme applicable non au continu mathématique, mais au continu physique, qui est seul susceptible de représentation et cependant à lui conserver toute sa précision. […] Un objet s’est déplacé devant mon œil, son image se formait d’abord au centre de la rétine ; elle se forme ensuite au bord ; la sensation ancienne m’était apportée par une fibre nerveuse aboutissant au centre de la rétine ; la sensation nouvelle m’est apportée par une autre fibre nerveuse partant du bord de la rétine ; ces deux sensations sont qualitativement différentes ; et sans cela comment pourrais-je les distinguer ?
Ce livre est celui que Lesage refera et recommencera dans la suite en cent façons sous une forme ou sous une autre, le tableau d’ensemble de la vie humaine, une revue animée de toutes les conditions, avec les intrigues, les vices, les ridicules propres à chacune. […] Gil Blas est au fond candide et assez honnête, crédule, vain, prenant aisément à l’hameçon, trompé d’abord sous toutes les formes, par un parasite de rencontre qui le loue, par un valet qui fait le dévot, par les femmes ; il est la dupe de ses défauts et quelquefois de ses qualités. […] L’un fait le Nestor, l’autre le Céladon ; ce sont deux formes du même amour-propre inhérent à tous les hommes. […] Il sait que l’humanité, en changeant d’état, ne fera que changer de forme de sottise. […] Montmesnil ne faisait que traduire sous une autre forme le même fonds comique, le même talent de famille.
Le type du cliché, c’est le proverbe, immuable et raide ; le lieu commun prend autant de formes qu’il y a de combinaisons possibles dans une langue pour énoncer une sottise ou une incontestable vérité. […] La sorte de style qui nous occupe serait donc une des formes de l’amnésie verbale élevée à la puissance littéraire. […] L’oreille est la baie favorite ; le Saint-Esprit entre toujours par l’oreille ; mais sous la forme de mots et de phrases qui s’inscrivent au cerveau tels qu’ils sont prononcés, tels qu’ils ont été entendus ; et ils en ressortiront un jour, identiques en sonorité et peut-être nuls en signification. […] C’est sans doute que leur obscurité fait leur grâce et leur force ; ils disent ce que l’écrivain ne sait pas dire, quoi qu’il sente ; ils font croire à celui qui en est ému que celui qui les profère abrège par un signe connu la longue litanie de ses émotions, tandis que celui qui les écrit revêt placidement son impuissance d’une forme dont il connaît, pour l’avoir éprouvée, la vertu communicative et tyrannique. […] Il y a donc deux classes de clichés, ceux qui représentent des images dont l’évolution, entièrement achevée, les a menés à l’abstraction pure ; et ceux dont la marche vers l’état abstrait s’est arrêtée à moitié chemin, — parce qu’ils n’avaient reçu à l’origine qu’un organisme inférieur et une forme médiocre, parce qu’ils manquaient d’énergie et de beauté.
Pourquoi son talent a-t-il pris cette forme plutôt qu’une autre ? […] Lemaître, qui vaut beaucoup par les idées qu’il exprime, vaut plus encore par la forme qu’il leur donne. […] Il lui plaît de rajeunir les formes vieillies de ce temps-là. […] Ses articles prennent d’eux-mêmes la forme du plaidoyer et surtout du réquisitoire. […] La perfection même de la forme n’est qu’un mérite secondaire.
Ses cheveux noirs et lisses dessinaient exactement la forme de son crâne. […] Quoiqu’un peu grêle de formes, il était fort bien pris dans sa taille. […] Aux contours arrondis des ameublements et des meubles qui dataient de la régence, on substitua les formes sévères et carrées préférées par les anciens. […] Au-dessus du cadavre est une épée dont la forme rappelle celles des gardes du roi, dont Paris avait fait partie. […] Il gagnait à être connu, et les amitiés qu’il a fait naître, qu’il a entretenues si longtemps, prouvent que chez lui le fond était solide, si la forme manquait d’attrait.