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1516. (1903) La renaissance classique pp. -

À travers les douleurs, le chrétien marche à la gloire comme le héros antique.

1517. (1891) Enquête sur l’évolution littéraire

— Celles, continua Maeterlinck, qui auront noté les joies et les douleurs des sentiments éternels : Homère… — Mais il m’assomme, Homère ! […] Dans vos champs j’ai récolté la brune Douleur. Cette Douleur, je l’ai gardée pour moi seul. Cette Douleur, je l’ai fécondée. […] D’autres, au contraire, aimeront mieux connaître, encore que leur savoir leur amène un accroissement de douleur.

1518. (1932) Le clavecin de Diderot

Par la faute de son chenapan de fils, il avait, d’ailleurs, vite succombé à la douleur de voir, après quarante années de pain polka, la valse des écus. […] Ainsi, au fait d’avoir eu quelques côtes coupées et aux douleurs qui suivirent cette opération, dois-je d’avoir été à jamais débarrassé d’un cauchemar qui lancina si grand nombre de mes nuits.

1519. (1905) Propos littéraires. Troisième série

C’est le Byron des Magyares, un Byron qui, certes, n’a pas l’abondance, la richesse, le magnifique déploiement d’imagination du Byron anglais, mais un Byron plus concentré et plus intense, dont le cri de douleur ou de désespoir, quelquefois le sourire bref, furtif, charmant et souffrant encore, ont une sincérité, une profondeur, un je ne sais quoi exprimant toute l’âme, dont souvent Byron, avec sa rhétorique, reste assez loin. […] viens aider la douleur à déshabiller ton enfant fatigué. […] Sachons supporter cette douleur. » Son influence sur la foule, comme celle de tous les hommes intelligents, fut nulle.

1520. (1892) Essais sur la littérature contemporaine

Que les blessures de l’amour-propre ou celles mêmes de la passion trahie, que la douleur physique et la souffrance morale peuvent rendre un homme difficile à vivre, chagrin, mélancolique, misanthrope, insociable : elles ne le rendent pas pessimiste. […] Si la douleur est réelle, le plaisir ne l’est-il pas aussi ? […] Et quand nous voyons ce que la douleur ou la maladie peuvent faire du plus courageux, du plus intelligent, et du plus puissant d’entre nous, — un accès de goutte ou une colique obscurcir l’esprit le plus lucide et anéantir la volonté la plus ferme, — n’est-ce pas alors que nous comprenons la vanité des distinctions humaines ? […] Faustus, qui vient de mourir sur la Terre, se réveille et renaît dans un monde supérieur, où la vie, semblable encore à celle qu’il vivait hier, mais plus noble et plus pure, s’entretient d’elle-même et non, comme ici-bas, de la douleur, de l’esclavage, et de la mort des autres.

1521. (1910) Études littéraires : dix-huitième siècle

Le chaos c’était le bonheur. « Tout était insensible dans cet état : le chagrin, la douleur, le crime, tout le mal physique, tout le mal moral y était inconnu… La matière contenait en son sein les semences de tous les crimes et de toutes les misères que nous voyons ; mais ces germes n’ont été féconds, pernicieux et funestes qu’après la formation du monde. […] A défaut de la poésie qui est l’expression des plus beaux rêves de l’homme, Fontenelle ne comprend pas même celle qui est l’expression de sa vie réelle dans la simplicité touchante de ses douleurs et de ses joies, et plus que le Silène de Virgile, il ne goûterait les paysans de La Fontaine. — Que lui reste-t-il ? […] « Pour moi, je revenais tout émue de ma petite expédition ; mais je dis agréablement émue : cette dignité de sentiments que je venais de montrer à mon infidèle ; cette honte et cette humiliation que je laissais dans son cœur ; cet étonnement où il devait être de la noblesse de mon procédé ; enfin cette supériorité que mon âme venait de prendre sur la sienne, supériorité plus attendrissante que fâcheuse… tout cela me chatouillait intérieurement d’un sentiment doux et flatteur… Voilà qui était fait : il ne lui était plus possible, à mon avis, d’aimer Mlle Walthon d’aussi bon cœur qu’il l’aurait fait ; je le défiais d’avoir la paix avec lui-même… et c’étaient là les petites pensées qui m’occupaient… et je ne saurais vous dire le charme qu’elles avaient pour moi, ni combien elles tempéraient ma douleur. » Fort bien, Marianne, vous n’aimez point, voilà qui est clair ; mais, d’abord, vous prenez le vrai chemin pour être aimée, et du reste, vous êtes une petite personne clairvoyante, très ferme, très sûre de soi, très forte, et qui le sait, et qui s’en félicite très complaisamment, et qui trouve dans ce sentiment tous les réconforts du monde ; et c’est plaisir de voir avec quelle gratitude envers vous-même vous vous regardez dans votre miroir. […] Pour un homme qui a pris l’habitude d’étendre sa pensée au moins jusqu’aux frontières, cela devient une vive impatience, une insupportable douleur à savoir qu’il y a des malheureux dans le pays et qu’il serait facile qu’il n’y en eût pas.

1522. (1765) Articles de l’Encyclopédie pp. 11-15754

Nous sommes émus, nous sommes affectés, nous sommes agités ; ainsi nous sentons, & de plus nous nous appercevons que nous sentons ; & c’est ce qui nous fait donner des noms aux différentes especes de sensations particulieres, & ensuite aux sensations générales de plaisir & de douleur. Mais il n’y a point un être réel qui soit le plaisir, ni un autre qui soit la douleur. […] pour la douleur, ai ai, ha ! […] Une aiguille est telle què si la pointe de cette aiguille est enfoncée dans ma peau, j’aurai un sentiment de douleur : mais ce sentiment ne sera qu’en moi, & nullement dans l’aiguille.

1523. (1922) Gustave Flaubert

C’est l’histoire du malheur immérité, sans remède, et que l’artiste doit exposer implacablement comme une protestation contre l’ordre des choses. « Ayant montré toutes ces douleurs cachées, toutes ces plaies fardées par les faux rires et les costumes de parade, après avoir soulevé le manteau de la prostitution et du mensonge, faire demander au lecteur : À qui la faute ? […] Et le lendemain il reçut la réponse, qui est déjà une lettre de reproches « d’une douleur résignée ». […] Mourons dans la neige, dans la blanche douleur de notre désir, au murmure des torrents de l’esprit et la figure tournée vers le soleil. » Mais si Madame Bovary n’est pas une rupture de Flaubert avec son passé, est-elle davantage, comme lui-même l’a laissé entendre, une rupture de Flaubert avec la littérature personnelle, un passage du personnel à l’objectif ? […] « Les appétits de la chair, les convoitises d’argent et les mélancolies de la passion, tout se confondit dans une même souffrance, et au lieu d’en détourner sa pensée, elle l’y attachait davantage, l’excitant à la douleur et en cherchant partout les occasions… Elle s’irritait d’un plat mal servi ou d’une porte entrebâillée, gémissait du velours qu’elle n’avait pas, du bonheur qui lui manquait, de ses rêves trop hauts, de sa maison trop étroite. » C’est ainsi que Mme Bovary a pu, à force de réalité, dépasser la réalité pour devenir un type, au même degré que Sancho et Tartuffe. […] Là cependant était tout l’intérêt du drame : un peu moins de vulgarité dans ses manières, et Charles Bovary mourant, foudroyé par la douleur, restait dans le souvenir du lecteur comme le martyr du foyer domestique, comme un ami dont on se souvient toujours. » Remarquable spécimen du critique intelligent qui veut indiquer à l’auteur ce qu’il aurait fait à sa place !

1524. (1892) Portraits d’écrivains. Première série pp. -328

Et il n’y a aucun rapport entre ses déceptions de femme incomprise ou ses douleurs de femme trahie et les réalités matérielles de l’adultère. […] Ou faut-il un accompagnement à la douleur d’une mère qui songe à son enfant morte ? […] « Joie de rue, douleur de maison !  […] Ce type de fanatique, Mme Autheman, la femme fatale qui sème sur son passage la douleur et la mort, fait se jeter les hommes sous les rails des chemins de fer, enlève les filles à leurs mères, et leur verse des breuvages suspects, c’est un monstre à faire peur aux gens, une de ces visions de cauchemar que nos naturalistes ont pieusement recueillies dans l’héritage du romantisme.

1525. (1911) Nos directions

Ils dirent encore : « Celui-ci chantera son rêve, et celui-là sa vie ; celui-ci sa chimère, celui-là sa simple douleur ; cet autre la nature, et cet autre les hommes. […] Le poète nous les montra dans leurs occupations quotidiennes, dans leurs joies ordinaires, dans leurs naturelles douleurs. […] On l’a vu prince dans Giselle, svelte, fier, éperdu de noble douleur, rugissant.

1526. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome III pp. -

Quelle eût été sa douleur, s’il avoit assez vécu pour voir l’Harduinisme, ce monstre qu’il combattit toujours, le braver encore & reparoître dans l’Histoire du nouveau testament : ouvrage semblable au premier pour le plan les systêmes & l’audace, puisqu’il attaque le mystère de l’incarnation divine ; mais si différent pour tout le reste, pour les graces & l’élégance, pour l’élévation & la chaleur du stile. […] Scheiner eut la satifaction d’avoir rempli sa vengeance, il eut aussi la douleur de voir les vrais philosophes soulevés contre l’inquisition. […] « Cet homme, d’une simplicité merveilleuse, & compagnon du saint, lui maniant les épaules à cause du mal qu’il y sentoit, passa la main par son capuce & toucha la plaie par hasard ; ce qui causa au saint homme une grande douleur.

1527. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Gabriel Naudé »

L’arrêt du parlement de Paris qui ordonnait la vente de la bibliothèque du cardinal lui arracha un cri de douleur et presque d’éloquence.

1528. (1859) Cours familier de littérature. VIII « XLVIe entretien. Examen critique de l’Histoire de l’Empire, par M. Thiers (3e partie) » pp. 249-336

Lannes reçut avec une sorte de satisfaction convulsive les étreintes de son maître, et exprima sa douleur sans y mêler aucune parole amère.

1529. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CIVe entretien. Aristote. Traduction complète par M. Barthélemy Saint-Hilaire (2e partie) » pp. 97-191

Les besoins du corps, ses passions, ses faiblesses, ses plaisirs et ses douleurs sont comme autant de clous par lesquels l’âme lui est rivée ; c’est par le corps qu’elle est entraînée dans ces régions inférieures et obscures où elle est en proie au vice et à l’erreur.

1530. (1865) Cours familier de littérature. XX « CXXe entretien. Conversations de Goethe, par Eckermann (2e partie) » pp. 315-400

Il la vit s’écrouler avec douleur, mais avec l’impassibilité apparente d’un dieu qui voit brûler son temple et qui songe à le rebâtir promptement.

1531. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 avril 1885. »

La description wagnérienne est aussi un moyen à d’autres objets ; le Maître a vu que l’émotion n’était jamais en nous homogène, ni constante ; sans cesse, en nos douleurs les plus vives, des idées surviennent, tel souci étranger ; et, par des thèmes presque matériels, descriptifs, Wagner a coupé la musique lyrique, pour faire comprendre que l’idée reparaît, coupe l’émotion.

1532. (1857) Cours familier de littérature. IV « XXIe Entretien. Le 16 juillet 1857, ou œuvres et caractère de Béranger » pp. 161-252

Il devinait tout parce qu’il sentait tout : une grandeur ou une douleur de la patrie, un tambour battant la charge à des grenadiers sur quelque champ de bataille de la République ou de l’Empire, un tocsin du 14 juillet appelant les citoyens à l’assaut de la Bastille, un coup de canon de Waterloo mutilant les débris des derniers bataillons décimés de Moscou ou de Leipsick, un adieu funèbre de César vaincu à ses légions anéanties dans une cour de Fontainebleau ; le déchirement d’un dernier drapeau tricolore qui déchirait, avec ce même lambeau, l’orgueil et le cœur d’un million de vétérans humiliés ; un soupir du Prométhée impérial enchaîné sur son rocher, apporté par le vent à travers l’Océan du rivage de Sainte-Hélène ; un bruit de pas des bataillons étrangers sur le sol de la patrie, un murmure encore sourd du peuple contre la moindre atteinte à sa révolution ; un gémissement de proscrit de 1815, le bruit d’un coup de feu d’un peloton de soldats dans l’allée de l’Observatoire, dans la plaine de Grenelle, à Toulouse, à Nîmes, à Lyon, balle sous laquelle tombait un maréchal, un colonel ou un sergent des vieilles bandes françaises ; une plainte de prisonnier dans le cachot, un cri de faim dans la chaumière, de souffrance dans la mansarde, une agonie du blessé dans un lit d’hôpital ; une mère pressant ses trois enfants contre sa mamelle épuisée près de son mari mort sur son grabat, sans suaire, dans un grenier ; un sanglot étouffé de veuve dont le fisc emporte la chèvre nourricière ; une voix d’enfant aux pieds nus sur la neige, collant ses mains roidies aux grilles du palais du riche pour y respirer de loin l’haleine du feu de ses festins : tout cela retentissait dans l’âme de Béranger, comme si un autre Asmodée avait découvert à ses yeux les toits des capitales ou le chaume des huttes.

1533. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome I « Bibliotheque d’un homme de goût. — Chapitre I. Des poëtes anciens. » pp. 2-93

Il est vrai que sa gaieté surprend d’autant plus, qu’il étoit accablé d’infirmités & de douleurs ; mais elle ne se soutient pas toujours.

1534. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Granier de Cassagnac » pp. 277-345

Je me trompe : il y en a une autre, aussi grande à sa façon que celle de Bonaparte l’était à la sienne ; il y a Madame Royale de France, la fille de Louis XVI, que Napoléon lui-même admirait, cette femme surnaturelle de force et de douleur, et cependant impopulaire, à qui nous en avons trop fait, sans doute, pour pouvoir jamais lui pardonner !

1535. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « III — Bossuet et la France moderne »

Le grand homme, l’« aigle de Meaux », le « dernier Père de l’Église », dans un mouvement d’éloquence vraiment digne de servir de modèle à l’éternel jésuitisme, feignant de confondre l’œuvre des dragons avec celle de la divinité, célébrant les immenses bienfaits du règne de Louis XIV, lorsque les hurlements de douleurs des torturés s’élèvent par tout le royaume !

1536. (1932) Les deux sources de la morale et de la religion « Remarques finales. Mécanique et mystique »

On prétend qu’il existe chez la femme des mécanismes spéciaux d’oubli pour les douleurs de l’accouchement : un souvenir trop complet l’empêcherait de vouloir recommencer.

1537. (1911) Lyrisme, épopée, drame. Une loi de l’histoire littéraire expliquée par l’évolution générale « Appendices » pp. 235-309

Quand je lis un poète lyrique, pour peu que j’aie vécu une douleur semblable à la sienne, il m’exprime moi-même et m’ennoblit par le seul moyen de quelques signes silencieux.

1538. (1880) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Première série pp. 1-336

On m’aurait mis en poudre, on m’aurait mis en cendre… Plutôt que…… Et les grands vers pompeux, ce n’est ni dans Mithridate ni dans Athalie qu’ils frapperont les oreilles attentives ; c’est dans Horace, et c’est dans Cinna : Impatients désirs d’une illustre vengeance, À qui la mort d’un père a donné la naissance, Enfants impétueux de mon ressentiment, Que ma douleur confuse embrasse aveuglément. […] Il ne souffrait que de la douleur de ne pouvoir conquérir les sympathies du maître. […] Il s’étonnait avec douleur qu’on osât dire que les rois tiennent leur autorité du peuple.

1539. (1882) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Deuxième série pp. 1-334

Prenons un autre exemple encore : « Madeleine avait sacrifié au monde tous les dons qu’elle avait reçus de la nature ; elle en fait dans sa pénitence un sacrifice à Jésus-Christ, sa douleur n’excepte rien, et la compensation est universelle. […] Transcrivons un dernier passage : « Accoutumés que sont les grands à tout ce que les sens ont de plus doux et de plus riant, la plus légère douleur déconcerte toute leur félicité et leur est insoutenable. […] monsieur, il faut que je m’arrête ici, je sens que mon cœur se remplit de peine… et je suis trop fâché de vous avoir déplu une fois pour m’y exposer davantage… Monsieur, ayez la bonté de révoquer un ordre injurieux à un censeur que vous estimez, et qui va m’être ruineux, à moi à qui je ne pense pas que vous veuillez du mal, que vous portiez de la haine… Monsieur, ne me ruinez pas, … ne me perdez pas135… Je suis avec douleur et avec respect, etc. […] Les bras en tombaient aux vrais philosophes, de douleur et d’étonnement. […] On en sent la moitié lorsqu’ils s’en vont, et, quoique absents, ils ne sont pas entièrement perdus ; … s’ils viennent à mourir, la douleur tombe sur ce reste d’existence perdue et qui est bien moindre que le total.

1540. (1856) À travers la critique. Figaro pp. 4-2

Mais on comprend, après avoir lu ces périodes, fermes comme l’âme d’un stoïque, patiemment sculptées comme des sanglots lapidaires sur un cœur de marbre, l’empressement de la douleur à fermer précipitamment une tombe. […] La première fois que j’eus la douleur de me rencontrer avec Gérard de Nerval, c’était à la sortie du Gymnase, le soir de Flaminio.

1541. (1902) La politique comparée de Montesquieu, Rousseau et Voltaire

En vérité, Madame, vous voilà la première personne de l’Univers… » Il revient sur ces deux idées la même année, un peu plus tard : « J’ai le cœur navré de douleur de voir qu’il il y a de mes compatriotes parmi ces fous de Confédérés.

1542. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Alexis Piron »

Il l’aimait effectivement, et je viens de le voir dans la plus grande affliction et abîmé dans une véritable douleur.

1543. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « M. de Rémusat (passé et présent, mélanges) »

Peut-être l’imagination seule opére-t-elle ce prestige, l’imagination qui sait tout embellir, la douleur qu’elle adoucit, comme le plaisir qu’elle relève…. » Doué de la sorte et sentant comme il sentait, il était impossible qu’il contînt sa chanson aux simples sujets d’amour ou de table et à la camaraderie de collége ; les intérêts de gloire, de patrie, les événements publics, devaient y retentir aussi, et, en un mot, lui qui chantait depuis 1812, devait naturellement, inévitablement, entrevoir et pressentir dans ses refrains les mêmes horizons que découvrait vers le même temps Béranger.

1544. (1859) Cours familier de littérature. VIII « XLIVe entretien. Examen critique de l’Histoire de l’Empire, par M. Thiers » pp. 81-176

Fox, refusa d’y adhérer, mais avec douleur.

1545. (1879) À propos de « l’Assommoir »

Mais la maternité et la douleur lui ont rendu le sentiment du bien.

1546. (1891) Journal des Goncourt. Tome V (1872-1877) « Année 1875 » pp. 172-248

» Mercredi 17 mars On parlait, ce soir, des jeunes filles incurables de Notre-Dame des Sept Douleurs, de ces tronçons humains, de ces corps sur l’un desquels il y a cinquante-trois plaies à panser, tous les jours ; de ces malheureuses à la tête qui pousse, et qu’on est obligé d’enfermer et de contenir dans un cerceau.

1547. (1925) La fin de l’art

On voit que je ne touche même pas à la grande question : les animaux ont-ils conscience de leur douleur ?

1548. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre dixième. Le style, comme moyen d’expression et instrument de sympathie. »

     Le chant monotone des officiants, Les réponses du peuple au prêtre, Quelquefois inarticulées, quelquefois tonnantes, L’harmonieux tressaillement des vitraux, L’orgue éclatant comme cent trompettes, Les trois cloches bourdonnant comme des ruches de grosses abeilles, Tout cet orchestre sur lequel bondissait une gamme gigantesque Montant et descendant sans cesse d’une foule à un clocher, Assourdissaient sa mémoire, son imagination, sa douleur.

1549. (1881) La parole intérieure. Essai de psychologie descriptive « Chapitre III. Variétés vives de la parole intérieure »

va reposer ton vin. » Mais Anne répondit : « Je ne suis point ivre, mon seigneur ; … j’ai parlé dans l’excès de ma douleur, et j’ai répandu mon âme devant l’Eternel226. » L’éclat d’une passion légitime étonne ou scandalise, car il choque les bienséances ; on le blâme ou on l’excuse ; il ne fait pas rire.

1550. (1880) Goethe et Diderot « Gœthe »

C’est la philosophie de l’Orient, c’est la résignation pusillanime à tout ce qui est, c’est la jouissance ruminante de la vie ; et la vie, c’est l’ensemble des choses dans lequel la personnalité expire sans douleur.

1551. (1925) Portraits et souvenirs

Et il ajoute, après avoir décrit les arabesques de pierre fleurie, qui enlacent les colonnettes des mausolées : Aux reflets des vitraux, la tombe réjouie, Sous cette floraison toujours épanouie, D’un air doux et charmant sourit à la douleur. […] Elles pardonnent plus volontiers la douleur que le chagrin.

1552. (1891) Politiques et moralistes du dix-neuvième siècle. Première série

Car et leurs douleurs seraient des joies, et leurs sacrifices des jouissances, et leurs morts des triomphes, rapportés à cette fin. […] Ils y cherchaient ce qui y est : la peinture des douleurs et le rêve de bonheur d’une femme célèbre, et ils en suivaient les vicissitudes avec un intérêt passionné jusqu’à la catastrophe, toujours tragique. […] Quand Adolphe voit Ellénore s’éteindre, il est accablé, il pleure, et voilà qu’il sent confusément qu’il pleure sur lui-même : « Ma douleur était morne et solitaire ; je n’espérais point mourir avec Ellénore ; j’allais vivre sans elle… Déjà l’isolement m ! […] « Ô René ; car vous êtes René, moins la puissance d’imagination et ce grand regard d’artiste qui, à chaque instant, enveloppe le monde pour l’associer aux douleurs intimes, aux tortures secrètes, et pour les en parer, pour les en draper magnifiquement, et faire d’elles et de lui, tout ensemble, une majestueuse fête de deuil ; mais vous êtes un René plus pénétrant, plus sûr de sa science de lui-même, qu’on n’a pas besoin d’expliquer, qui s’explique lui-même avec une clairvoyance froide et infaillible ; — ô René, personne, depuis La Rochefoucauld, n’a connu comme vous les bassesses de notre nature si faible et si méprisable, les égoïsmes de l’amour, les restrictions mentales du dévoûment et jusqu’aux lâchetés de la pitié ; vous vous calomniez un peu, car qui peut se connaître sans se mépriser, et se mépriser sans colère, et être irrité sans quelque injustice ; mais vous nous éclairez tous par les vives lueurs que vous jetez sur le fond de vous-même ; vous nous avertissez en vous confessant ; vous trouvez l’art presque inconnu de ne point mêler d’orgueil au mépris que l’on sent pour soi ; et vous êtes sympathique, d’abord pour cette loyauté même, ensuite parce que c’est une histoire douloureuse que celle des êtres trop faibles pour soutenir les sentiments qu’ils inspirent, que, par suite, cette pitié que vous vous refusez, on vous l’accorde, et que l’on comprend et l’on plaint cette grande lassitude des êtres trop remués par des passions trop fortes pour eux qui remplit tout votre livre, comme les dernières pages de la Princesse de Clèves, du grand sentiment désolé de l’impuissance humaine. […] Ce sont les pleurs, les plaintes timides, les anéantissements dans la douleur, et surtout les longs silences de la voix et des yeux qui sont les armes, et redoutables, de pareilles femmes dans ce duel qui est l’amour.

1553. (1904) Propos littéraires. Deuxième série

Elle fait tout le bien qu’elle peut ; mais elle s’aperçoit avec douleur qu’elle en peut très peu faire. […] Nous nous en voulons de ce qu’on fasse et de ce que nous nous fassions à nous-mêmes, avec des réalités pleines de douleurs et pleines de larmes, une matière d’art et de passe-temps voluptueux, rem fruendam oculis , sans, du reste, chercher aucunement le remède à tous ces maux. […] Lebas le disait avec autant de douleur que moi : « Classé 22e et dernier en thème grec.

1554. (1914) En lisant Molière. L’homme et son temps, l’écrivain et son œuvre pp. 1-315

Corrompant sans plaisir, amoureux de lui-même, Et pour s’aimer toujours voulant toujours qu’on l’aime, Regardant au soleil son ombre se mouvoir ; Dès qu’une source est pure et que l’on peut s’y voir Venant, comme Narcisse, y pencher son front blême Et cherchant la douleur pour s’en faire un miroir. […] Je renonce à la vanité De cette dureté farouche Que l’on appelle fermeté ; Et de quelque façon qu’on nomme Cette vive douleur dont je ressens les coups, Je veux bien l’étaler, ma fille, aux yeux de tous, Et dans le cœur d’un roi montrer le cœur d’un homme. […] On le voit bien à ce que s’il aime par méchanceté, comme nous venons de le voir, la vue de la douleur des autres le ramène aussi à l’amour.

1555. (1894) Critique de combat

Elle baptise une pauvre femme « une Notre-Dame des Sept Douleurs ». […] Et, dans toutes ces petitesses qui contrastent violemment avec sa grandeur intellectuelle, il reste un artiste implacable, transformant en littérature la souffrance des autres, montant en perles fines les larmes qu’il fait couler, faisant sur sa propre fille des expériences de douleur, ce qu’on pourrait appeler de la vivisection morale. […] Pour répondre aux besoins d’un public inquiet, troublé, fiévreux, il faut des œuvres où frissonne l’angoisse du moment actuel, où retentisse l’écho du combat engagé, où s’agitent les questions morales, philosophiques, sociales, dont tout homme qui pense est préoccupé ; où palpitent enfin la vie, les craintes, les espoirs, les doutes d’une société prête à enfanter dans la douleur un monde nouveau.

1556. (1867) Cours familier de littérature. XXIII « cxxxvie entretien. L’ami Fritz »

Réfléchissez à tout cela… Que vous n’ayez pas à vous repentir plus tard… et que nous n’ayons pas non plus la douleur de penser que vous êtes malheureux par notre faute.

1557. (1898) Émile Zola devant les jeunes (articles de La Plume) pp. 106-203

C’était la vie perpétuelle tentée encore, la vie qu’on ne se lasse pas de croire bonne, puisqu’on la vit avec tant d’acharnement, au milieu de l’injustice et de la douleur…… Et après tant de Rougon terribles, après tant de Macquart abominables, il en naissait encore un.

1558. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre septième »

S’il était quelqu’un parmi nous qui, après avoir « passé sa vie à penser » à une personne illustre, « à s’informer de ses grandes actions », eût tout à coup perdu ses bonnes grâces, je lui demanderais, comme au seul bon juge, si la douleur de Racine a été indigne de lui238.

1559. (1888) Journal des Goncourt. Tome III (1866-1870) « Année 1867 » pp. 99-182

5 septembre Monologue d’un bourgeois devant l’océan : « La mer est silencieuse et trop loin… Il y a vingt-cinq ans, la mer se retirait moins loin… l’espace est monotone, si on n’a pas le flot… et le flot, on ne l’a que deux heures avant et deux heures après : en tout quatre heures, c’est déjà quelque chose… Mais c’est monotone… du reste ça m’est parfaitement égal… » 8 septembre En voyant une méduse à moitié desséchée sur la plage, je me demandais si la mort dans les animalités végétantes de la vie inférieure ne serait rien qu’une insensible cessation de vivre, et si la douleur de la mort, montant l’échelle animale, et s’aggravant à chaque échelon de l’organisme et de l’intelligence, ne réserverait pas à l’homme seul, toute la cruauté et toute la souffrance de la conscience de mourir.

1560. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des pièces de théâtre — Préface de « Cromwell » (1827) »

Aussi ne connaissait-il guère l’infortune, hors des douleurs domestiques.

1561. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre VI : Difficultés de la théorie »

Ainsi que l’a remarqué Paley, elle ne produira donc jamais un organe ayant pour but de causer des douleurs à son propre possesseur ou de lui nuire en quoi que ce soit.

1562. (1845) Simples lettres sur l’art dramatique pp. 3-132

On ne ment pas, monsieur, quand on est depuis cinq mois sur un lit de douleur, les mains jointes devant un crucifix.

1563. (1881) La parole intérieure. Essai de psychologie descriptive « Chapitre II. La parole intérieure comparée à la parole interieure »

Voir par exemple la nouvelle de 1927 « La robe neuve » où l’héroïne essaie de conjurer son malaise et son sentiment d’infériorité dans une soirée mondaine, La Mort de la phalène, Seuil, Points, p. 166-167 : « Nous ressemblons tous à des mouches qui essayent de franchir le rebord de la soucoupe, se dit Mabel, elle se répétait cette phrase comme elle se serait signée, comme si elle essayait de trouver un charme qui annulât cette douleur, qui rendît supportable cette souffrance aiguë.

1564. (1890) Les romanciers d’aujourd’hui pp. -357

Cela est unique ; c’est l’expression même de cette forme rêvée par Barrès, « qui sait des alanguissements comme des caresses pour les douleurs, des chuchotements et des nostalgies pour les tendresses et des sursauts d’hosanna pour nos triomphes, cette beauté du verbe, plastique et idéale, et dont il est délicieux de se tourmenter. ». […] À son grand étonnement, quand il se mit à l’œuvre, il trouva en lui des accents pleins, énergiques et mâles, qu’il avait ignorés jusqu’alors, impression facile d’une âme civilisée par la douleur.

1565. (1765) Articles de l’Encyclopédie pp. 7172-17709

Les esprits animaux prennent une route déterminée pour chaque idée particuliere ; de sorte que lorsqu’on veut dans la suite exciter la même idée d’une maniere différente, on cause dans le cerveau un mouvement contraire à celui auquel il est accoutumé, & ce mouvement excite ou de la surprise ou de la risée, & quelquefois même de la douleur : c’est pourquoi chaque peuple différent trouve extraordinaire l’habillement ou le langage d’un autre peuple. […] Il est donc évident que crudescere exprime l’augmentation graduelle de la cruauté, & oegrescere l’augmentation graduelle de la douleur : & c’étoit apparemment d’après de pareilles observations que L.

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