… Individuel comme les plus individuels de ce temps romantique, pour parler comme parlera l’histoire, bien plus près, par sa nature de talent, de Crabbe et de Wordsworth que d’André Chénier, Sainte-Beuve ne semblait pas alors avoir été créé pour faire étude de la muse antique, car c’est à elle qu’il devait revenir un jour, avec une intelligence qui est un hommage. […] » à une pâtissière en fonctions, n’a pas été créé et mis au monde pour écrire comme il faudrait à des princesses.
Révolutionnaire en ceci qu’elle n’était pas assez chrétienne, cette maison qui devait, comme toute famille royale, parmi les peuples chrétiens, représenter l’essence de la société, c’est-à-dire la famille, la tua au contraire, la famille, et par Henri IV, et par Louis XIV, et par Monsieur le Régent, et par Louis XV ; et, par le massacre sans cesse renouvelé de l’adultère et des bâtardises, elle créa le monstre de l’individualisme dans l’État, comme le Protestantisme avait créé le monstre de l’individualisme dans les doctrines.
Quand les sociétés n’ont plus la flamme qui crée les grandes œuvres et l’intérêt palpitant qui s’y attache longtemps avec une passion, qui est au génie ce qu’un cœur tendre est à un grand cœur, l’amour de l’archéologie, ce touche-à-tout des vieillards redevenus enfants, s’empare de ces esprits qui baissent, et on joue aux bagatelles de l’histoire, aux curiosités, aux minuties. […] Si donc on veut de cette femme un ensemble, si on la tire du demi-jour des mémoires et du profil fuyant qu’elle y découpe, c’est apparemment dans un intérêt, sinon d’histoire, au moins d’imagination et de nature humaine ; c’est pour lui faire tomber la lumière d’aplomb et de face sur la tête et sur le visage, et il faut alors que le peintre crée, par sa peinture, l’intérêt que son modèle n’a pas !
Il n’a pas le montant du talent, le ragoût enragé de l’apprêt, de l’art de tout ce qui crée la vie et l’illusion dans le mensonge humain. […] — des théâtres du Moyen Âge, qui exaltaient l’amour des choses saintes et resserraient l’union du peuple dans la communauté d’une même foi, et il n’a oublié qu’une seule chose : c’est que le théâtre, au Moyen Âge, avec ses Mystères et ses Légendes, n’était que la conséquence d’un état de sentiments et de mœurs qu’aujourd’hui il faudrait créer pour sauver la France et pour laquelle ni lui, Michelet, ni personne parmi ceux qui se targuent de la régénérer, n’apporte un moyen de salut nouveau, absolu, infaillible, et dont la Libre Pensée puisse dire : « Ceci est à moi, car je l’ai trouvé !
On est forcé de se défendre, et la défense même crée de nouveaux périls et de plus grands. […] Quand nous avons vu récemment se produire, au sein des Chambres britanniques, une si bonne et si enthousiaste disposition vers le Saint-Père, les hommes d’État, les hommes à vue longue, avaient-ils l’instinct de la situation que leur créerait immédiatement une entente profonde avec Rome ?
C’est que la race alliée à la fortune crée des êtres plus complexes, des êtres de sentiment et de plaisir et, par conséquent, de souffrance. […] Il nous touche par la douleur, par les destinées qu’il nourrit, par les conditions qu’il mélange, par les antagonismes qu’il crée.
Sir Robert Peel 113 disait, en 1806, que les progrès de la mécanique avaient créé une race d’hommes supplémentaire. […] Ils vivent d’échanges et de contrats ; mais ces transactions individuelles supposent l’existence d’une association, bien loin qu’elles la créent.
On se créa des Dieux ; on imagina des Héros peu différents de ces Dieux mêmes. […] L’Historien est le portraitiste asservi à des traits & à un local donnés ; le Romancier est le peintre qui crée le local & les traits qu’il veut rendre.
Cet intérêt qui manquait d’abord au sujet, le talent le lui imprime, et il le crée pour ceux qui viennent après lui.
Libéraux de fait et de nature, même quand leurs opinions inclinaient en arrière, gens de caprice et d’indépendance, ils avaient en eux une sympathie toute créée et préexistante avec le mouvement futur de la société.
Ces pauvres gens, impuissants à créer, prétendent à l’esprit, et ils n’ont point d’esprit.
Les genres créés par le xviie siècle, maximes et portraits, sont des appareils enregistreurs de l’observation psychologique.
Encore moins connut-il l’idée nouvelle, créée par la science grecque, base de toute philosophie et que la science moderne a hautement confirmée, l’exclusion des dieux capricieux auxquels la naïve croyance des vieux âges attribuait le gouvernement de l’univers.
Quand le marquis de Mirabeau, cet écrivain à l’emporte-pièce, dont la gloire posthume sera de nous avoir diminué son énorme fils, inventait ce mot méprisant de « s’enversailler « pour la noblesse de son temps, qui courait avec une si sublime niaiserie se précipiter dans ce magnifique piège de Versailles, dans les toiles de pourpre tendues par la Royauté à ces lions héraldiques, trop amoureux de sa grandeur, le marquis de Mirabeau protestait au nom de la vraie société française, que la Féodalité avait créée, il faut bien le dire du fond de toutes nos ingratitudes, qu’elle avait épanouie, et qu’une civilisation différente allait diminuer en l’agglomérant.
ce livre, qui a la prétention d’être une revendication historique et une justice tard rendue, mais enfin rendue, à un homme dont Mazarin et Louis XIV ont confisqué la gloire, — le mot me paraît vif venant d’une plume si rassise, — n’est, par le fait, rien de plus que l’exposition, inconsciente et inconséquente, des faveurs dont Lionne fut l’objet de la part de Mazarin et de Louis XIV qui, bien loin de confisquer sa gloire, lui en créèrent une dans la leur.
Si, comme je le crois, l’histoire des patois, ces langues roulantes qui ont précédé les langues assises et sont à ces dernières ce que sont les tentes et les quatre piquets des premiers âges aux palais des civilisations, si l’histoire des patois est un magnifique sujet à traiter en philologie, il en est un plus beau encore, c’est l’histoire des proverbes, car les patois ont été créés plus particulièrement par les besoins généraux des hommes, et les proverbes par l’intelligence individuelle de l’humanité !
Les uns, par exemple, à la langue, que Villon a maniée en maître créateur, car il la créait en la maniant, cette langue qui n’était qu’à l’état de larve quand il écrivait ; les autres, à telle ou telle spéciale inspiration qui prend le cœur ou la pensée.
Girard et comme Thucydide, cette poétique ne crée qu’un art insuffisant aux besoins de pensée, de sentiment et d’émotion des sociétés qui n’en sont plus à la civilisation de Périclès, ce ne sera plus un avantage d’être si Grec.
Comme le sculpteur qui finit par adorer sa statue, il aimait et respectait le Vauvenargues qu’il avait créé, et qui lui appartenait aussi bien que L’Orphelin de la Chine.
Ce fils d’un placide ministre protestant qui fut le plus audacieux des marins et peut-être de toutes les âmes qui aient été créées impassibles, était faible de corps jusqu’à l’infirmité, et les portraits que nous avons de lui avec ses cheveux longs et plats, les plans de ses joues vieillies avant l’âge, et son air de simple ecclésiastique de campagne, disent à qui sait que c’est là Nelson, toute la profondeur du cratère qu’il y avait en cet homme d’apparence si peu volcanique.
Je n’ai point à raconter ici les résistances héroïques, au point de vue divin tout autant qu’au point de vue humain, de la Papauté contre des hommes de l’acharnement des Frédéric II, des Philippe le Bel, des Henri VII et des Louis de Bavière, des Visconti, des antipapes, ni à dérouler les résultats de ces luttes glorieuses de la Papauté, qui profitèrent même à la liberté de l’Italie que la Papauté s’efforça toujours d’affranchir du joug étranger et des interventions impériales, et qui créa contre elles ce gouvernement des municipalités italiennes, sorti si généreusement du sien !
Ce fils d’un placide ministre protestant, qui fut le plus audacieux des marins et peut-être de toutes les âmes qui aient été créées impassibles, était faible de corps jusqu’à l’infirmité, et les portraits que nous avons de lui, avec ses cheveux longs et plats, les plans de ses joues vieillies avant l’âge, et son air de simple ecclésiastique de campagne, disent, à qui sait que c’est là Nelson, toute la profondeur du cratère qu’il y avait en cet homme d’apparence si peu volcanique.
Voltaire, comme il l’appelle en ses Lettres inédites : « le plus prodigieusement bel esprit que la nature ait créé avec une vaste mémoire », est jugé avec une impartialité froide qui n’était pas du temps.
Quoiqu’il eût quelque part, sans doute, dans un angle de son cerveau, un pli où dormait cette vocation de savant que son amour pour l’Église n’a pas créée, l’Église n’en a pas moins été l’étincelle à la poudre qui a fait partir la vocation !
Comme le sculpteur qui finit par adorer sa statue, il aimait et respectait le Vauvenargues qu’il avait créé et qui lui appartenait aussi bien que L’Orphelin de la Chine.
Il le serait encore lorsque la Bible aurait été créée par le génie de l’homme seul, quand elle ne serait qu’un livre d’homme.
Théophile Gautier insulte lui-même son grand talent par coquetterie, à savoir : qu’avec de certains procédés, on peut créer des poètes, comme Vaucanson fabriquait des joueurs de flûte et des canards.
Poète-phénomène que ce Ronsard, dont la poésie jaillit avant que la langue, qui se forme lentement, fût formée, et qui, avant la lettre, créa la lettre, — la lettre de cette langue qu’à la distance d’une seule génération parla Mathurin Régnier, plus correcte alors et plus ferme, mais bien moins juvénilement inspirée !
Eugène Sue n’a pas créé les goûts, les erreurs, les passions du dix-neuvième siècle.
Je ne les crois pas faits pour combiner et créer cette chose sévèrement ajustée, — l’organisme d’un livre.
Or, précisément c’est ce que j’ai fait, moi, avec toute la conscience dont je suis capable, et, en fait d’aventures et d’événements créés par une imagination souveraine, voici exactement ce que j’ai trouvé : Écoutez : Le baron de Sigognac est le dernier descendant mâle de l’antique famille de ce nom, tombée du haut d’une splendeur historique dont les rayons remontaient aux croisades, dans une de ces ruines si profondes, qu’on peut les nommer une splendide pauvreté.
Quel oratorio à créer !
On sait qu’il était né dans cette ville où la plus étonnante des institutions avait créé une nature nouvelle ; où l’on était citoyen avant que d’être homme ; où le sexe le plus faible était grand ; où la loi n’avait laissé de besoins que ceux de la nature ; de passions que celle du bien public ; où les femmes n’étaient épouses et mères que pour l’État ; où il y avait des terres et point d’inégalité ; des monnaies et point de richesse ; où le peuple était souverain quoiqu’il y eût deux rois ; où les rois absolus dans les armées, étaient ailleurs soumis à une magistrature terrible ; où un sénat de vieillards servait de contrepoids au peuple et de conseil au prince ; où enfin tous les pouvoirs étaient balancés, et toutes vertus extrêmes.
Ils remarquent qu’au-dehors comme au-dedans, son ministère fut tout à la fois éclatant et terrible ; qu’il détruisit bien plus qu’il n’éleva ; que tandis qu’il combattait des rebelles en France, il soufflait la révolte en Allemagne, en Angleterre et en Espagne ; qu’il créa le premier, ou développa dans toute sa force, le système de politique qui veut immoler tous les États à un seul ; qu’enfin, il épouvanta l’Europe comme ses ennemis.
Elle ne peut, cela s’entend, ni créer ni détruire le talent ; mais elle peut le modifier. […] Mais c’est peu pour lui de se raidir contre les volontés d’une majorité tyrannique ; bien plus redoutables sont d’autres ennemis qu’il se crée fatalement : je songe aux auteurs qu’il a piqués ou rudoyés. […] Ce don de discernement est de ceux que l’éducation ne saurait créer, mais qu’elle peut perfectionner dans une mesure indéfinie. […] Renan et sous le drapeau du dilettantisme, ont depuis une vingtaine d’années sapé, miné, ruiné presque toutes les doctrines, littéraires ou autres, et ont ainsi réussi à créer une des plus belles anarchies d’idées et de volontés qui se soient jamais vues au bon pays de France. […] Honneur au véritable artiste qui sait créer et mettre aux prises des êtres de chair et de sang !
Or, ce Roland est dans l’histoire comme s’il n’était point ; tel qu’il demeure en notre vénération enthousiaste, il a été créé tout entier par l’imagination populaire et par l’invention poétique, ces sœurs ! […] Comme 1789, je le répète, créa notre patrie politique, 1830 a créé notre patrie littéraire. […] Il est bien certain qu’il a créé le drame moderne qui n’a pas encore cessé d’être notre drame. […] L’éloquent roman de Georges Sand, c’est l’ode-amour, l’ode-passion, l’ode-utopie ; Balzac crée le roman-épopée, — confrontant la Comédie Humaine à la Divine Comédie. […] Mais si Auguste Vacquerie n’est plus, — mort trop tôt, puisqu’il créait encore et longtemps encore aurait pu créer, — Paul Meurice, bien qu’attristé par le vide de sa main qui ne serre plus la chère main amie, continue la vie d’intellectuel labeur et de pieux dévouement.
Il fut alors créé consul et décoré de la puissance tribunitienne pour cinq ans. […] Et l’écrivain ne sera-t-il pas conduit à fausser les traits, pour créer des ressemblances, et à subtiliser, pour expliquer les différences ? […] … Pourquoi n’es-tu pas un être créé sans âme ? […] Comme notre Corneille, il créa l’éloquence des vers, et fut puissant par elle. […] Dans ses pièces historiques, Shakspeare réussit à créer des situations neuves.
Je l’y ai vu à l’œuvre et il s’y donna tout entier, paternel envers les blessés et ponctuel au devoir qu’il s’était créé. […] Poictevin fut, si l’on peut dire, une sorte d’impressionniste, procédant par touches verbales, et, parti d’un goncourtisme exaspéré, il arriva à se créer un moyen d’expression personnel, infiniment délicat et infiniment scrupuleux. […] Pour l’écrire, Verhaeren s’est créé une langue originale par la variété de son vocabulaire qui ne proscrit ni le néologisme ni le terme technique, par les hardiesses de sa syntaxe qui ose des virtuosités singulièrement expressives. […] Ce don, qui fit de Verhaeren un grand poète créateur d’images et de rythmes, un évocateur d’une étrange puissance, il le mit au service de son fougueux et universel amour de la vie et c’est cette vitalité magnifique qui fait la beauté de ses poèmes, leur donne leur accent leur crée leur sortilège et leur incantation. […] Quoi qu’il en fût, Jarry avait créé un type, un type qui le dévora, dont il transporta dans la vie le parler, dont il adopta en parlant de lui-même le « nous » souverain.
Notre désir est plus fort que la vie. » Et ainsi la sensibilité, qui a créé la civilisation, la sauvera de la tyrannie du scientisme dogmatique. […] Avant cela même, on parlera des mines de houille comme de choses d’un autre âge et on plaindra les hommes qui étaient obligés d’avoir recours à des moyens si barbares, si lourds, pour créer de la force. […] » Il n’y a jamais eu et il n’y aura jamais de miracles que ceux créés par notre ignorance. […] Il ne faut pas croire que lorsqu’on a organisé une école supérieure, on a créé un centre de progrès. On a créé un centre de conservation, voilà tout.
Le fondement principal du despotisme était surtout cette sécurité avec laquelle tout ce qu’avait créé la révolution se reposait sur une domination née dans son sein, et se trouvait ainsi lié avec elle par l’intérêt privé, et non point par l’intérêt général. […] Elle n’est pourtant, si l’on peut ainsi parler, qu’un moyen artificiel de créer la vérité. […] Ils offrent à l’esprit matière à réfléchir longtemps, et, même en les rejetant, ils laissent admirer l’imagination forte et ingénieuse qui les a créés. […] Jamais sans doute la parole humaine n’a été aussi grande, et nous ne pensons pas que l’imagination puisse se créer un plus sublime spectacle. […] L’idée d’un renouvellement complet ne les effrayait pas, ils voyaient la chose comme facile, et le résultat comme heureux ; aucune hésitation ne les arrêtait ; l’objet de leurs vœux n’était pas seulement de modifier l’ordre existant, ils voulaient en créer un autre.
Ajoutez toutes les complications et toutes les joies d’une intrigue italienne, la passion d’un amour vif et bien senti, cette gaieté surabondante d’un jeune poète, sûr de plaire, et qui pourtant avait tout à créer : la langue, les mœurs, l’esprit, l’art et les convenances de la comédie. […] Sganarelle est de tous les êtres créés par Molière, le plus populaire et le plus aimé. […] Chose singulière : Le Sicilien a été créé (en argot de coulisses) par Molière, le roi Louis XIV, mademoiselle de La Vallière, madame Henriette d’Angleterre, et par deux Noblet, Noblet aîné, le chanteur, Noblet cadet, le danseur. […] Non content de s’être représenté dans le rôle d’Alceste, il a créé le rôle, et avec quelle tristesse et quelle brusquerie il devait le jouer ! […] Je ne crois pas que même, en lui tenant compte de l’Henriette des Femmes savantes, Molière ait créé une femme plus charmante que cette belle et honnête Elmire.
Ces chocs, ces sanglots, ces hurlements, qu’est-ce qu’ils créent ? […] Pour lui, créer, penser, méditer, animer, Semer, détruire, faire, être, voir, c’est aimer153. […] De toi, de ta chair, du limon Dont l’esprit se revêt en devenant démon ; De ce corps qui, créé par la faute première, Ayant rejeté Dieu, résiste à la lumière ; De ta matière, hélas ! […] La suite exprime la plus haute idée de la sanction que l’on se soit faite, celle des Indiens, qui croient que l’être monte ou descend sur l’échelle universelle par son propre poids, que la vertu ou le vice renferment ainsi eux-mêmes leur récompense ou leur châtiment : L’être créé se meut dans la lumière immense.
Comme la géologie contemporaine a presque complétement renoncé à l’hypothèse des grandes vagues diluviennes, la sélection naturelle, si le principe sur lequel elle repose est vrai, doit aussi bannir à jamais l’idée que de nouveaux êtres organisés soient périodiquement créés, ou que des modifications profondes puissent se manifester soudainement dans leur structure. […] Si la réversibilité des caractères n’a pas empêché l’homme de créer d’innombrables races héréditaires dans le règne animal et dans le règne végétal, pourquoi mettrait-elle une entrave absolue aux procédés sélectifs de la nature ? […] On aurait pu s’attendre à ce que les plantes qui ont réussi à se naturaliser en une contrée quelconque fussent en général étroitement alliées aux indigènes ; car celles-ci sont communément regardées comme spécialement adaptées à leur propre patrie, et même comme créées pour elle ; mais l’expérience prouve tout le contraire. […] J’emploierai, donc ici endémique dans le sens propre ou spécial à la race sans considération des milieux, aborigène comme signifiant une espèce que l’on peut croire créée dans une localité, pour elle ou par elle, parce qu’on ne l’avait pas encore trouvée autre part lors de la première exploration de la contrée ; indigène, pour les espèces qui se sont acclimatées dans un pays et y vivent librement à l’état sauvage, mais ne lui sont pas exclusivement propres.
Du poète c’est le mystère ; Le luthier qui crée une voix Jette son instrument à terre, Foule aux pieds, brise comme un verre L’œuvre chantante de ses doigts ; Puis d’une main que l’art inspire, Rajustant ces fragments meurtris, Réveille le son et l’admire, Et trouve une voix à sa lyre, Plus sonore dans ses débris104 !
Vous autres poëtes, vous employez votre sensibilité à faire l’amour, à créer des êtres.
Le grand écrivain n’a pas pris dans la nature le détail expressif : il a créé l’expression par son choix volontaire, qui a exclu tous les autres détails identiques pour en recevoir un seul.
On pourra se créer, en un tel monde, des retraites fort tranquilles. « L’ère de la médiocrité en toute chose commence, disait naguère un penseur distingué 2.
Il n’a presque point eu, jusqu’ici, d’imitateur pour la cantate & pour l’allégorie ; deux sortes de poëmes qu’il a pour ainsi dire créés.
Traduire, c’est créer une seconde fois, & lutter sans cesse contre son original.
Finissons donc et disons à nos poëtes et à nos peintres, à nos poëtes : une seule partie de la figure ; cette partie exagérée par un module qui épuise toute la capacité de mon imagination ; un choix d’expression, un rythme, une harmonie correspondante ; et voilà le moyen de créer des êtres infinis, incommensurables, qui excéderont les limites de ma tête et qui seront à peine circonscrits dans l’enceinte de l’univers.