Il est au moins probable que c’est ainsi qu’a été composée l’ouverture de Don Juan.
La peinture, dans chacune de ces villes ou de ces nations, prit non seulement le caractère du chef d’école, mais elle prit le caractère de l’école et du peuple où elle fut cultivée par ces grands hommes du pinceau : Titanesque avec Michel-Ange, plus païen que chrétien dans ses œuvres, et qui semble avoir fait poser des Titans devant lui ; Tantôt mythologique, tantôt biblique, tantôt évangélique, toujours divine avec Raphaël, selon qu’il fait poser devant sa palette des Psychés, des saintes familles, des philosophes de l’école d’Athènes, le Dieu-homme se transfigurant dans les rayons de sa divinité devant ses disciples, des Vierges-mères adorant d’un double amour le Dieu de l’avenir dans l’enfant allaité par leur chaste sein ; Païenne avec les Carrache, décorateurs indifférents de l’Olympe ou du Paradis ; Pastorale et simple avec le Corrége, qui peint, dans les anges, l’enfance divinisée, et dont le pinceau a la mollesse et la grâce des bucoliques virgiliennes ; Souveraine et orientale avec Titien, qui règne à Venise pendant une vie de quatre-vingt-quinze ans sur la peinture comme sur son empire, roi de la couleur qu’il fond et nuance sur sa toile comme le soleil la fond et la nuance sur toute la nature ; Pensive et philosophique à Milan avec Léonard de Vinci, qui fait de la Cène de Jésus-Christ et de ses disciples un festin de Socrate discourant avec Platon des choses éternelles ; quelquefois voluptueux, mais avec le déboire et l’amertume de la coupe d’ivresse, comme dans Joconde, cette figure tant de fois répétée par lui du plaisir cuisant ; Monacale et mystique avec Vélasquez et Murillo en Espagne, faisant leurs tableaux, à l’image de leur pays, avec des chevaliers et des moines sur la terre et des houris célestes dans leur paradis chrétien ; Éblouissante avec Rubens, moins peintre que décorateur sublime, Michel-Ange flamand, romancier historique qui fait de l’histoire avec de la fable, et qui descend de l’Empyrée des dieux à la cour des princes et de la cour des princes au Calvaire de la descente de croix, avec la souplesse et l’indifférence d’un génie exubérant, mais universel ; Profonde et sobre avec Van-Dyck, qui peint la pensée à travers les traits ; Familière avec les mille peintres d’intérieur, ou de paysage, ou de marine, hollandais ; artistes bourgeois qui, pour une bourgeoisie riche et sédentaire, font de l’art un mobilier de la méditation ; Enfin mobile et capricieuse en France, comme le génie divers et fantastique de cette nation du mouvement : Pieuse avec Lesueur ; Grave et réfléchie avec Philippe de Champagne ; Rêveuse avec Poussin ; Lumineuse avec Claude Lorrain ; Fastueuse et vide avec Lebrun, ce décorateur de l’orgueil de Louis XIV ; Légère et licencieuse avec les Vanloo, les Wateau, les Boucher, sous Louis XV ; Correcte, romaine et guindée comme un squelette en attitude avec David, sous la République ; Militaire, triomphale, éclatante et monotone, alignée comme les uniformes d’une armée en revue, sous l’Empire ; Renaissante, luxuriante, variée comme la liberté, sous la Restauration ; tentant tous les genres, inventant des genres nouveaux, se pliant à tous les caprices de l’individualité, et non plus aux ordres d’un monarque ou d’un pontife ; Corrégienne avec Prud’hon ; Michelangelesque avec Géricault dans sa Méduse ; Raphaëlesque avec Ingres ; Flamande avec éclectisme et avec idéal dans Meyssonnier ; Sévère et poussinesque dans le paysage réfléchi avec Paul Huet ; Hollandaise avec le soleil d’Italie sous le pinceau trempé de rayons de Gudin ; Bolonaise avec Giroux, qui semble un fils des Carrache ; Idéale et expressive avec Ary Scheffer ; Italienne, espagnole, hollandaise, vénitienne, française de toutes les dates avec vingt autres maîtres d’écoles indépendantes, mais transcendantes ; Vaste manufacture de chefs-d’œuvre d’où le génie de la peinture moderne, émancipée de l’imitation, inonde la France et déborde sur l’Europe et sur l’Amérique ; magnifique époque où la liberté, conquise au moins par l’art, fait ce que n’a pu faire l’autorité ; république du génie qui se gouverne par son libre arbitre, qui se donne des lois par son propre goût, et qui se rémunère par son immense et glorieux travail.
XI C’est dans cette famille des Bonaparte, réfugiés pour la plupart à Rome, et protégeant les arts afin de prolonger au moins ses règnes éphémères sur les peuples, en régnant sur les talents, que Léopold Robert passait ses soirées à Rome : on lui avait commandé quelques tableaux.
Cet oracle a deux sens au moins, ce qui est peu pour un oracle.
Servant n’eût pourtant pas dû ignorer, au moins, en regard, les Anthologies de MM.
Au contraire, chez les cinq écrivains que nous lui avons associes dans ce livre, et chez lesquels la sensibilité prédominait, ou tout au moins n’était pas soumise à un trop dur contrôle, la carrière et l’œuvre se tiennent.
Ainsi Perrault, malgré toutes les plaisanteries dont son adversaire l’accabloit, comptoit au moins quelques suffrages.
Mais, depuis qu’une étude plus approfondie nous a permis de mesurer, au moins par des fragments, les grandeurs de l’intelligence de saint Thomas d’Aquin, nous sommes resté convaincu que, si ce génie universel avait pu s’émanciper de la théologie scolastique et de la mauvaise latinité, il aurait donné, longtemps avant le Dante, un Dante, supérieur encore, à l’Italie.
Le tyran qui les épie à leur insu, et qui, les perçant à la fois du même glaive, confond dans un même ruisseau leur sang sur la terre et dans un même soupir leur première et leur dernière respiration d’amour ; Le ciel qui les châtie avec une sévérité morale, mais avec un reste de divine compassion, dans un autre monde, et qui leur laisse au moins, à travers leur expiation rigoureuse, l’éternelle consolation de ne faire qu’un dans la douleur, comme ils n’ont fait qu’un dans la faute ; La pitié du poète ému qui les interroge et qui les envie (on le reconnaît à son accent) tout en les plaignant ; Le principal coupable, l’amant, qui se tait, qui sanglote de honte et de douleur d’avoir causé la mort et la damnation de celle qu’il a perdue par trop d’amour ; la femme qui répond et qui raconte seule pour tous les deux, en prenant tout sur elle, par cette supériorité d’amour et de dévouement qui est l’héroïsme de la femme dans la passion ; Le récit lui-même, qui est simple, court, naïf comme la confession de deux enfants ; Le cri de vengeance qui éclate à la fin de ce cœur d’amante contre ce Caïn qui a frappé dans ses bras celui qu’elle aime ; Cette tendre délicatesse de sentiment avec laquelle Francesca s’abstient de prononcer directement le nom de son amant, de peur de le faire rougir devant ces deux étrangers, ou de peur que ce nom trop cher ne fasse éclater en sanglots son propre cœur à elle si elle le prononce, disant toujours lui, celui-ci, celui dont mon âme ne sera jamais « désunie » ; Enfin la nature du supplice lui-même, qui emporte dans un tourbillon glacé de vent les deux coupables, mais qui les emporte encore enlacés dans les bras l’un de l’autre, se faisant l’amère et éternelle confidence de leur repentir, buvant leurs larmes, mais y retrouvant au fond quelque arrière-goutte de leur joie ici-bas, flottant dans le froid et dans les ténèbres, mais se complaisant encore à parler de leur passé, et laissant le lecteur indécis si un tel enfer ne vaut pas le ciel… Quoi de plus dans un récit d’amour ?
IX Mais, s’il y avait encore des murs entre la nature et moi, au moins il y avait au-delà de ces murs l’horizon champêtre et pittoresque dont j’ai parlé tout à l’heure.
À noter d’ailleurs que cet acte, gratuit pour la plupart, présente au moins l’intérêt d’aider à croire à la possibilité de n’en prendre à rien.
Les peintres se jettent dans cette mitologie, ils perdent le goût des événements naturels de la vie ; et il ne sort plus de leurs pinceaux que des scènes indécentes, folles, extravagantes, idéales, ou tout au moins vuides d’intérêt.
Ce poète nous donne donc aujourd’hui un très grand spectacle, qui est d’avoir triomphé de son vivant, sans avoir fait la moindre concession aux exigences plus au moins légitimes de ses contemporains. […] Au moins tous ceux que vous venez de me citer ont été d’accord avec eux-mêmes ; mais Victor Hugo ne me semble pas être quelqu’un, tant il est multiple dans sa fantaisie. […] Dans les commencements de nos relations, madame de Girardin me faisait un peu peur, et je me souviens de l’avoir dit à madame Allan, qui me répondit : « J’ai été comme vous ; je craignais qu’elle n’eût trop d’esprit, mais depuis j’ai reconnu qu’elle avait au moins autant de cœur. » Je répétai ce mot plus tard à madame de Girardin. « Voilà, me dit-elle, l’éloge le plus agréable qu’on puisse faire de moi. » — Existe-t-il un portrait ressemblant de madame de Girardin parvenue à sa maturité ?
Cependant Molière arriva, et, ayant demandé qu’on lui payât au moins les frais qu’on lui avait fait faire pour venir, je ne pus jamais l’obtenir, quoiqu’il y eût beaucoup de justice ; mais M. le prince de Conti avait trouvé bon de s’opiniâtrer à cette bagatelle. […] — Pardonnez-moi, messieurs, leur répondit le fuyard, tant soit peu étonné de la rencontre ; j’ai oublié d’épouser votre sœur, et j’y retourne avec vous pour terminer cette affaire. » Il est assez plaisant que le séduisant Gramont, que Tallemant, dans ses Historiettes, représente d’ailleurs comme fort « décrié pour la bravoure », ait eu ainsi au moins deux points de ressemblance avec le mari de Dorimène. […] « L’arrêt qui imposait la lecture d’une page entière, dit Louis Racine, était l’arrêt de mort. » Cette plaisanterie était toute naturelle de la part de Boileau et de Molière ; mais il était au moins très étrange que Racine y prît part, lui qui, au dire même de son fils, avait été comblé de bienfaits par Chapelain71. […] Ce n’est donc qu’après que le sonnet est entièrement lu, et conséquemment après que le parterre a eu le temps d’exprimer ce qu’il en pense, qu’Alceste en fait véritablement la critique ; jusque-là on doit être au moins dans l’incertitude sur l’avis de l’auteur, puisque le sonnet est approuvé par l’homme modéré de la pièce.
Pourtant la différence de méridien fait couler dans ses veines un sang plus impétueux et, quand il traduit son désir, c’est en des termes qui de deux tons au moins montent Fortunio : « J’ai dix-neuf ans et je voudrais vous protéger, me dévouer pour vous » : voilà bien Fortunio. […] Encore serait-ce une question de savoir lequel des deux réagit le plus énergiquement sur l’autre et si l’autorité d’un seul venant s’affirmer à ce public avec la marque du génie, ne le mâterait pas d’un despotisme au moins égal à celui dont il s’impose à ses fournisseurs attitrés…..
Un méridional, un Grec, est naturellement vif d’esprit, bon et beau parleur ; les lois ne se sont pas encore multipliées, enchevêtrées en un Code et en un fatras ; il les sait en gros ; les plaideurs les lui citent ; d’ailleurs, l’usage lui permet d’écouter son instinct, son bon sens, son émotion, ses passions, au moins autant que le droit strict et les arguments légaux. — S’il est riche, il est imprésario. […] Le règlement des jeux les oblige à jurer, en descendant dans l’arène, qu’ils se sont exercés au moins dix mois de suite sans interruption et avec le plus grand soin ; mais ils font bien davantage ; leur entraînement dure des années entières et jusque dans l’âge mûr ; ils suivent un régime ; ils mangent beaucoup, et à certaines heures ; ils endurcissent leurs muscles par l’usage du strigile et de l’eau froide ; ils s’abstiennent de plaisirs et d’excitations ; ils se condamnent à la continence.
Or, il nous semble que, pour montrer clairement les liens qui unissaient les salons à la science, il eût été raisonnable de définir nettement le caractère de la science philosophique à la fin du dernier siècle ; étant donné deux termes dont l’un commande au second, la pensée prise en soi et la société vivante, il y a au moins de la puérilité à parler de l’obéissance du second terme sans avoir décomposé, c’est-à-dire expliqué, le premier. […] Il est au moins permis de discuter cette opinion, et dès que cette opinion est discutée, il n’est plus nécessaire d’attribuer à notre temps la raison suprême, la souveraine clairvoyance. […] Guizot ; et nous devons avouer qu’il a trouvé pour le louer des formes qui, à défaut de nouveauté, ont au moins le mérite de l’emphase.
Il le restera, au moins pour son amour incontestable du rare et du beau, même lorsque les « chauves-souris » se seront envolées, même lorsque les « odeurs suaves » se seront évaporées, même lorsque se seront flétris les « hortensias bleus », même si ses futurs mémoires ne prouvent que trop qu’il était de la « race irritable » genus irritabile vatum. […] Or, ces deux opinions peuvent sembler au moins discutables, mais, pour Dumas fils, elles veulent dire : « Comment, quand il y a un Dumas, un Hugo oserait-il aviser de toucher au théâtre et au roman, d’écrire un Hernani ou une Notre-Dame de Paris ? […] Tel fut au moins le sentiment en cours durant le dix-septième et le dix-huitième siècle, et c’est d’alors que datent les jardins particuliers qui furent la parure de l’ancien Paris, et dont les derniers vestiges sont en train de disparaître.
Tout au moins faudra-t-il s’efforcer de reconquérir de haute lutte cette opinion égarée ; il faudra se défendre vigoureusement contre les attaques spécieuses, argumenter, opposer preuves à preuves, raisonnements à raisonnements et produire au grand jour ceux qui militent en faveur de la conception du monde qui seule va de pair avec les intérêts de la vie et comporte la possibilité de l’idéal entrevu. […] Or, voici quarante années au moins que le nôtre porte au front le sceau de son indigence. […] Comme notre globe, avance-t-elle au moins dans l’espace en tournant sur elle-même ?
Mais ce qui prouve que cet idiome était déjà formé et usité, sinon à la cour tout allemande de Charlemagne, au moins dans ses États, c’est que, suivant Éginhart, ce prince ajouta dans l’usage vulgaire les noms des mois de l’année, pris de sa langue maternelle, c’est-à-dire pris de la langue allemande. […] Écoutez : « Dans les contrées germaniques, un certain comte, riche et puissant, et, ce qui me semble un prodige dans cette classe d’hommes, d’une bonne conscience et d’une vie innocente, au moins selon le jugement humain, mourut il y a près de dix ans. […] Y a-t-il là une nouvelle époque pour l’esprit humain, au moins dans les arts ingénieux de l’imagination et du goût ? […] Qu’il me confie au moins la garde de mon château. […] De là ces manuscrits sur vélin, en longs caractères, et tout parsemés de vignettes et d’ornements, qui supposent, sinon beaucoup de goût, au moins une grande patience.
Je veux six gaillards au moins !
Qui de nous, s’il a un peu réfléchi, n’a pas voulu, à certaines heures de lassitude et de rêve, être chartreux, bénédictin, carme, feuillant, ou tout au moins « compagnon de la vie nouvelle » ? […] Quiconque travaillait dans l’érotisme était sûr d’obtenir une pension, de devenir au moins sous-bibliothécaire, précepteur du prince, et de mourir dans la peau d’un personnage très officiel. […] Il s’agit de la guérir ou tout au moins de l’atténuer.
Voici comment s’exprime ce vil rimeur, au sujet du Britannicus de Racine : Je me tais sur l’économie (le plan de la pièce), Étant ici juge et partie ; Car j’ai fait aussi ce sujet, D’un autre, ignorant le projet, Et je suis quasi près de croire, Mais peut-être m’en fais-je accroire, Que je l’ai tout au moins traité Avec moins d’uniformité ; Que, plus libre dans ma carrière, J’ai plus varié la matière ; Qu’avecque plus de passion, De véhémence et d’action, J’ai su pousser le caractère Et de Néron et de sa mère ; Qu’en chaque acte, comme on a fait, Je ne finis pas mon sujet. […] Thiriot : « Compte à jamais, au moins, sur ma reconnaissance, est un vers faible et plat, s’il est seul, comme le seraient beaucoup de vers de Racine ; mais « … Tantum series juncturaque pollet, « Tantum de medio sumptis accedit honoris, « Que ces vers plats se rebondissent du voisinage des autres ! « Compte à jamais au moins sur ma reconnaissance, « Sur la foi, sur les vœux qui sont en ma puissance, « Sur tous les sentiments du plus juste retour, « S’il en est, après tout, qui tiennent lieu d’amour. » Je n’examine point ici si le vers Compte à jamais au moins sur ma reconnaissance se rebondit beaucoup du remplissage qui l’avoisine, de ces expressions lâches et communes, du plus juste retour, la foi et les vœux, après tout : c’est une Américaine qui parle, et son style n’est ni oriental ni occidental ; une Française du Nord pourrait s’exprimer ainsi ; mais ce n’est pas de cela qu’il s’agit, c’est du principe qui est juste et vrai : un vers s’embellit de ceux qui l’environnent : par quelle aveugle partialité Voltaire isole-t-il les vers de Racine, pour se donner le plaisir de les trouver faibles et plats ? […] Cela s’appelle, je crois, faire le cruel et le bel-esprit tout à la fois : la confidente lui demande au moins le secret, elle invoque ses serments ; mais il répond très lestement : Ma bouche a fait le serment, mon cœur n’a point juré.
Sachons au moins tout de suite, pour mieux saisir le caractère de l’art, que la nature est sans cesse primitive et son progrès toujours continu, que le monde est à chaque instant nouveau et qu’il se développe sans hiatus, à la façon d’un rouleau qu’on déplie. […] Alors il serait permis de lui décerner des éloges…, tout au moins de choisir, pour qualifier ses livres, des épithètes irrévocables. — Mais non. […] Ce qui pèse sur nous c’est la nécessité de les refaire288… Il faudrait au moins qu’ils fussent contingents289, gratuits, accomplis au hasard, avec une sorte de générosité dédaigneuse ; il faudrait qu’ils parussent par l’âme concédés, plutôt que voulus, abandonnés avec superbe aux exigences de la vie ainsi qu’un don qu’on eût pu aussi bien refuser290.
non pas compatissante à nos peines, mais au moins spectatrice !
Quand il a composé un ouvrage, il le garde au moins deux ans en portefeuille.
« Il faut laisser, dit-il, à celui qui se trompe si désastreusement, sa grandeur, qui ajoute encore à la grandeur de la leçon, et qui, pour les victimes, laisse au moins le dédommagement de la gloire. » Non !
C’est le moment que choisirent les ennemis naturels d’Alexandre pour s’élever contre sa mémoire et pour tourner contre lui des rancunes et des reproches égaux au moins à l’immensité de sa gloire.
J’étais déjà sorti ; je lui dis : « En entrant, j’avais l’intention de faire une prière à Votre Excellence ; je voulais lui demander de vouloir bien honorer mon journal au moins d’un article.
Donner sur une scène française — ou, tout au moins, sur une scène de langue française — une des œuvres les plus hardies et les plus originales du hardi novateur ; la monter avec un soin jaloux des moindres détails de la mise en scène et de l’interprétation vivante ; commencer à mettre les chanteurs français, enclins à parader dans le style italien, aux prises avec la musique d’action ; obliger les chœurs à prendre part à la comédie, à y jouer franchement un rôle : ce n’est pas seulement plaire aux connaisseurs désintéressés, c’est aussi hâter l’avènement d’un art de sincérité, de liberté, d’émotion et de logique.
Mais la musique, « l’âme du drame », est, elle, tout entière de la période de la plus parfaite maturité du maître, et d’un seul jet ; celui qui l’écrivait avait écrit — et entendu —Tristan et les Maîtres Chanteurs ; il était dans la plénitude de sa puissance d’orchestration ; et si la question de préférence est discutable, on peut au moins affirmer que jamais Wagner n’a été plus grandiose que dans la Gœtterdaemmerung.
Cela serait trop logique d’ôter à mademoiselle Mars son héritage, s’il y avait en effet à son ombre, une beauté naissante, un sourire, une grâce, une promesse, quelque chose qui lui ressemblât, seulement en intelligence, ou quelque belle douée de sa voix, ou bien ornée de cet esprit si fin, ou tout au moins en passe de conquérir un peu de sa popularité européenne ; mais non, il n’y a rien pour la remplacer ; il y a quelques petites filles qui la copient (Va-t’en voir s’ils viennent, Jean), il y en a qui pleurent la comédie, d’autres qui la chantent, pas une qui la joue, et pas une qui la comprenne !
Quand elle en fut à ces vers où Minerve supplie Jupiter de permettre à Ulysse d’aborder enfin dans sa patrie : « Ulysse, dont l’unique désir est de revoir au moins s’élever de loin la fumée de la maison où il est né et où il voudrait mourir !
Il savait se posséder dans sa colère, et, dans les déplaisirs qui lui survenaient ; il n’en paraissait rien au dehors ; au moins, s’il lui arrivait de témoigner son chagrin par quelque geste ou par quelques paroles, il ne manquait pas de se retirer aussitôt, pour ne rien faire qui fût contre la bienséance. […] Il voudrait bien au moins que je ne visse point que l’idée contraire, celle de l’indépendance absolue de la science, présente certains dangers ; car alors il triompherait aisément de ma simplicité. […] Maurice Spronck nous le montre « non content d’avoir construit des univers fantaisistes à côté du nôtre, s’ingéniant encore à détruire le réel, tout au moins à le modifier autant qu’il le pourra dans le sens de ses principes », déclarant que « la femme est naturelle, donc abominable », élucubrant avec un goût singulier une théorie du maquillage auquel il désigne pour objet « non pas de corriger les rides d’un visage flétri et de le faire rivaliser avec la jeunesse, mais de donner à la beauté le charme de l’extraordinaire, l’attrait des choses contre nature ». […] Ils emporteront une illusion, un désir, tout au moins une curiosité.
Nous pouvons regretter, par exemple, que le xviieº siècle, malgré toutes ses richesses d’art et ses beautés littéraires, ait, comme le disait Boileau à Brossette, « coupé la gorge à la poésie », ou tout au moins étroitement muré le lyrisme dans des règles étouffantes. […] Au moins devrait-elle reconnaître son erreur, lorsque les années sont venues fortifier un talent qui produit avec entêtement et qui se grandit à mesure.
On présumerait qu’au moins Aristophane veut défendre l’honneur du beau sexe ; mais l’athénien n’est pas si galant : ses injures surpassent toutes les imputations de son rival. […] N’est-il pas à propos de recourir à quelques préliminaires, en vous disant, comme l’honnête Elmire du Tartuffe, « Au moins je vais toucher une étrange matière ; « Ne vous scandalisez en aucune manière.
L’honnête et chétif Senancour, auteur du morne Obermann, vous apparaîtra, agité dans l’épuisement, sensible dans la langueur, méditant un ouvrage sur le Monde primitif, et bégayant des paroles insipides : — Si au moins il appartenait à ma destinée de ramener à des mœurs primordiales une contrée circonscrite et isolée ! […] Le célèbre président de Brosses n’a pas dédaigné de parler de ces « montagnes d’oignons blancs, ni plus ni moins hautes que les Pyrénées », qu’il avait vues à Bologne, et d’ajouter : « Ce qu’il y a de certain, c’est que les oignons de Bologne sont au moins les frères cadets des oignons d’Égypte. » Vous pourrez admirer au marché de Nice des oignons en aussi grande quantité, mais d’un rose tendre. […] Ces jeunes hommes avaient au moins la consolation de pouvoir mourir.
Ils sont incapables de peindre autre chose, je le veux bien ; mais pourquoi ne pas essayer au moins une fois ? […] Cela représente 7 200 nouvelles par an ; or, comme cela dure depuis quarante ans, cela fait au total 288 000 nouvelles. « J’ai horreur des personnalités, dit Pierre Veber ; je pourrais citer tel écrivain qui, depuis trente ans, écrit au moins quatre nouvelles par semaine ; il donne, en conséquence, 208 nouvelles par an ; il a donc à son compte 6 240 nouvelles, plus de 300 volumes. […] Il faudrait la relire six mois au moins après qu’on l’a écrite.
Eh bien, Sénèque, brisé par une vie triste et pénible qui durait au moins depuis trois ans, désolé de la mort de sa femme et d’un de ses enfants, aura atténué sa misère pour tempérer la douleur de sa mère, et l’aura exagérée pour exciter la commisération de l’empereur. […] Il ne faut point être loué par les calomniateurs des grands hommes, et il est au moins indifférent d’en être blâmé. […] Personne ne doutait de l’innocence des liaisons du philosophe avec Julie ; cependant, lorsque ce Suilius le traduisait comme corrupteur de la famille impériale, le peuple, le sénat, le prince entendirent une fausse accusation qui diffamait au moins également et César et le philosophe.
Ce qui distingue d’abord les Symbolistes des Parnassiens de jadis, c’est leur ambition, tout au moins, d’écrire de grandes oeuvres. […] Que Tout se sache seul, au moins, pour qu’il se tue ! […] Il résulte de là qu’il fallait, pour qu’il y eût poésie, au moins un couple de deux vers.
J’ai vraiment bien mieux à faire, madame : je chasse, je joue, je me divertis du matin jusqu’au soir avec mes frères et nos enfants, et je vous avouerai tout naïvement que je n’ai jamais été plus heureux, et dans une compagnie qui me plaise davantage. » Il a toutefois des regrets pour celle de Paris ; il envoie de loin en loin des retours de pensée à Mmes de Mirepoix et du Châtel, aux présidents Hénault et de Montesquieu, à Formont, à d’Alembert : « J’enrage, écrit-il (à Mme du Deffand toujours), d’être à cent lieues de vous, car je n’ai ni l’ambition ni la vanité de César : j’aime mieux être le dernier, et seulement souffert dans la plus excellente compagnie, que d’être le premier et le plus considéré dans la mauvaise, et même dans la commune ; mais si je n’ose dire que je suis ici dans le premier cas, je puis au moins vous assurer que je ne suis pas dans le second : j’y trouve avec qui parler, rire et raisonner autant et plus que ne s’étendent les pauvres facultés de mon entendement, et l’exercice que je prétends lui donner. » Ces regrets, on le sent bien, sont sincères, mais tempérés ; il n’a pas honte d’être provincial et de s’enfoncer de plus en plus dans la vie obscure : il envoie à Mme du Deffand des pâtés de Périgord, il en mange lui-même92 ; il va à la chasse malgré son asthme ; il a des procès ; quand ce ne sont pas les siens, ce sont ceux de ses frères et de sa famille.
alors il n’a guère qu’une manière de s’en tirer : qu’il n’ait pas un talent seul, mais qu’il les ait tous, au moins en germe.
Minerve le retient par ses cheveux blonds, mais il laisse déborder au moins sa rage en paroles : « Misérable ivrogne !
Au moins, il me semble que vous écoutez avec beaucoup d’intérêt les leçons d’Antiochus
Courir aux succès de tribune au lieu des grands résultats d’opinion, jeter quelques imprécations retentissantes au parti du gouvernement, embarrasser les ministres dans toutes les questions, se coaliser avec tous les partis de la guerre ou de l’anarchie dans la chambre ; se faire applaudir par les factions au lieu de se faire estimer par la nation propriétaire et conservatrice ; ébranler, hors de saison, un gouvernement mal assis, mais qui couvrait momentanément au moins les intérêts les plus sacrés de l’ordre et de la paix ; menacer sans cesse de faire écrouler cette tente tricolore sur la tête de ceux qui s’y étaient abrités ; jouer le rôle d’agitateur au nom des royalistes conservateurs, de tribun populaire au nom des aristocraties, de provocateur de l’Europe au nom d’un pays si intéressé à la paix ; se coaliser tour à tour avec tous les éléments de perturbation qui fermentaient dans la chambre et dans la rue ; harceler le pilote au milieu des écueils et prendre ainsi la responsabilité des naufrages aux yeux d’un pays qui voulait à tout prix être sauvé ; former des alliances avec tel ministre ambitieux, pour l’aider à donner l’assaut à tel autre ministre ; renverser en commun un ministère, sans vouloir soutenir l’autre, et recommencer le lendemain avec tous les assaillants le même jeu contre le cabinet qu’on avait inauguré la veille ; être, en un mot, un instrument de désorganisation perpétuelle, se prêtant à tous les rivaux de pouvoir pour renverser leurs concurrents et triompher subalternement sur des décombres de gouvernement ; danger pour tous, secours pour personne ; condottiere de tribune toujours prêt à l’assaut, mais infidèle à la victoire ; faire du parti légitimiste un appoint de toutes les minorités, même de la minorité démagogique dans le parlement : voilà, selon moi, la direction ou plutôt voilà l’aberration imprimée à ce parti, moelle de la France, qui réduisait les royalistes à ce triste rôle d’être à la fois haïs par la démocratie pour leur supériorité sociale, haïs par les conservateurs industriels pour leur action subversive de tout gouvernement, haïs par les prolétaires honnêtes pour leur participation à tous les désordres qui tuent le travail et tarissent la vie avec le salaire.
Tout à coup le jeune ambitieux reconnut, dans les souvenirs dont sa tante l’avait si souvent bercé, les éléments de plusieurs conquêtes sociales, au moins aussi importantes que celles qu’il entreprenait à l’École de droit ; il la questionna sur les liens de parenté qui pouvaient encore se renouer.
Si ces personnages sont des abstractions et des symboles, au moins qu’ils le soient sans interruption !
Elle nous fait de jolies et spirituelles plaintes sur le niveau singulièrement descendu de la femme, depuis le temps que nous avons peint, sur son ennui de ne point trouver de femmes s’intéressant aux choses d’art, aux nouveautés de la littérature, ou ayant des curiosités, sinon viriles, au moins élevées ou rares.
. — Le miel de l’Hymète… il n’est bon que quand il est vieux… Alors il est dur, il faut le couper au couteau : Tenez, pendant le siège, nous avons fait la découverte d’une boîte oubliée… elle était au moins, depuis six ans, à la maison… ça été une vraie ressource.
Certes, nous ne demandons pas au romancier de nous représenter le « libre arbitre » ; mais au moins devrait-il, outre la force des appétits, nous montrer aussi la force des sentiments et des idées, — même celle des beaux sentiments et des belles idées, qui ne laissent pas d’en avoir une ; il devrait, en un mot, mettre en jeu ce qu’on a appelé les « idées-forces », qui n’excluent pas le déterminisme, mais qui le complètent, le rendent flexible et, en le rapprochant de la liberté, permettent la réalisation progressive de l’idéal moral et social.