Les ombres de Racine et de la Champmeslé hantent le logis de l’Amazone, où Anatole France, comme Gourmont, Rodin, et tant d’illustres personnages leur disputent les attraits de la postérité. Et n’est-ce pas ici que le comte de Clermont-Tonnerre10 enleva sa maîtresse à Racine ? Profitons-en pour rappeler l’épigramme : À la plus tendre amour elle fut destinée Qui prit longtemps Racine dans son cœur Puis par un insigne malheur Le Tonnerre est venu qui l’a déracinée. […] Et jusque dans « votre ardeur à conquérir un tendre objet fragile » votre désir « se nuance de fierté, de beauté, comme on voit chez Racine » car Edith vous l’a permis. […] Comme Racine, dont il était le parent, comme beaucoup d’écrivains, d’un talent doux, affectueux, tendre, dit encore Sainte-Beuve à qui il faut toujours revenir, M. de Fontanes avait tout à côté l’épigramme facile, acérée ; chez lui, la goutte de miel lent et pur était gardée d’un aiguillon très vigilant.
Racine l’admirait à ce titre. […] III Si Racine admirait la Magicienne, La Motte n’en faisait pas de même.
Aujourd’hui, selon notre habitude de ne caractériser les littérateurs que par leur chef-d’œuvre, nous allons vous introduire dans le théâtre allemand par l’analyse du Faust de Goethe, drame qui contient, dans l’imagination d’un poète aussi philosophe que Voltaire, aussi mélodieux que Racine, aussi observateur que Molière, aussi mystique que Dante, tout le génie de la littérature allemande et tout le caractère du peuple allemand. […] Racine lui-même, qu’on appelle tendre, a-t-il soupiré ainsi dans Esther ?
morte avant la première ride sur son beau visage et sur son esprit ; la duchesse de Maillé, âme sérieuse, qui faisait penser en l’écoutant ; son amie inséparable la duchesse de La Rochefoucauld, d’une trempe aussi forte, mais plus souple de conversation ; la princesse de Belgiojoso, belle et tragique comme la Cinci du Guide, éloquente et patricienne comme une héroïne du moyen âge de Rome ou de Milan ; mademoiselle Rachel, ressuscitant Corneille devant Hugo et Racine devant Chateaubriand ; Liszt, ce Beethoven du clavier, jetant sa poésie à gerbes de notes dans l’oreille et dans l’imagination d’un auditoire ivre de sons ; Vigny, rêveur comme son génie trop haut entre ciel et terre ; Sainte-Beuve, caprice flottant et charmant que tout le monde se flattait d’avoir fixé et qui ne se fixait pour personne ; Émile Deschamps, écrivain exquis, improvisateur léger quand il était debout, poète pathétique quand il s’asseyait, véritable pendant en homme de madame de Girardin en femme, seul capable de donner la réplique aux femmes de cour, aux femmes d’esprit comme aux hommes de génie ; M. de Fresnes, modeste comme le silence, mais roulant déjà à des hauteurs où l’art et la politique se confondent dans son jeune front de la politique et de l’art ; Ballanche, le dieu Terme de ce salon ; Aimé Martin, son compatriote de Lyon et son ami, qui y conduisait sa femme, veuve de Bernardin de Saint-Pierre et modèle de l’immortelle Virginie : il était là le plus cher de mes amis, un de ces amis qui vous comprennent tout entier et dont le souvenir est une providence que vous invoquez après leur disparition d’ici-bas dans le ciel ; Ampère, dont nous avons essayé d’esquisser le portrait multiple à coté de Ballanche, dans le même cadre ; Brifaut, esprit gâté par des succès précoces et par des femmes de cour, qui était devenu morose et grondeur contre le siècle, mais dont les épigrammes émoussées amusaient et ne blessaient pas ; M. de Latouche, esprit républicain qui exhumait André Chénier, esprit grec en France, et qui jouait, dans sa retraite de la Vallée-aux-Loups, tantôt avec Anacréon, tantôt avec Harmodius, tantôt avec Béranger, tantôt avec Chateaubriand, insoucieux de tout, hormis de renommée, mais incapable de dompter le monstre, c’est-à-dire la gloire ; enfin, une ou deux fois, le prince Louis-Napoléon, entre deux fortunes, esprit qui ne se révélait qu’en énigmes et qui offrait avec bon goût l’hommage d’un neveu de Napoléon à Chateaubriand, l’antinapoléonien converti par popularité : L’oppresseur, l’opprimé n’ont pas que même asile ; moi-même enfin, de temps en temps, quand le hasard me ramenait à Paris. […] De Périclès et de Socrate chez Aspasie, de Michel-Ange et de Raphaël chez Vittoria Colonna, de l’Arioste et du Tasse chez Éléonore d’Est, de Pétrarque chez Laure de Sade, de Bossuet et de Racine chez madame de Rambouillet, de Voltaire chez madame du Deffant ou chez madame du Châtelet, de J.
On aurait cru en le voyant qu’on avait changé d’époque et qu’on était introduit dans la société d’un de ces deux ou trois hommes naturellement immortels, dont Louis XIV était le centre, et qui se trouvaient chez lui comme chez eux, à son niveau, quoique sans s’élever ou sans s’abaisser du leur : — La Bruyère, — Boileau, — La Rochefoucauld, — Racine, — et surtout Molière ; — il portait son génie si simplement qu’il ne le sentait pas. […] Vivre à ma fantaisie, travailler selon mon goût et à ma guise, ne rien faire de sérieux, m’endormir sur l’avenir que je me fais beau, penser à vous en vous sachant heureuses, avoir pour maîtresse la Julie de Rousseau, La Fontaine et Molière pour amis, Racine pour maître, le cimetière du Père Lachaise pour promenade !
J’en ai vu qui trouvaient admirable l’entrée de l’Œdipe Roi, parce que le premier vers renferme une jolie antithèse et peut se traduire par un vers de Racine. […] Je suis sûr que Racine, qui croyait, lui, avait dans son salon des images païennes.
Quinault, par la molle harmonie dont il fit preuve dans ses drames lyriques, ne fut peut-être pas inutile à Racine, le futur auteur des chœurs d’Esther et d’Athalie. […] Racine, à ses débuts, fut peut-être jeté dans la voie où il devait trouver la gloire par le succès de son ode sur le mariage du roi et le traité des Pyrénées ; Casimir Delavigne, Pierre Lebrun (poetæ minores) réussirent, presque au sortir de l’enfance ; dans des poèmes ayant une origine semblable, qui leur valurent des encouragements précieux à cet âge.
Rousseau (avril 1715), me mande que toute la jeunesse est déclarée contre le divin poète, et que si l’Académie française prenait quelque parti, la pluralité serait certainement pour M. de La Motte contre Mme Dacier. » Le xviiie siècle fut puni de cette partialité ; en perdant tout sentiment homérique, il perdit aussi celui de la grande et généreuse poésie ; il crut, en fait de vers, posséder deux chefs-d’œuvre, La Henriade et La Pucelle ; il faudra désormais attendre jusqu’à Bernardin de Saint-Pierre, André Chénier et Chateaubriand pour retrouver quelque chose de cette religion antique que Mme Dacier avait défendue jusqu’à l’extrémité, et la dernière du siècle de Racine, de Bossuet et de Fénelon.
Mon cher ami, si vous ne faisiez que des vers comme Racine, si vous n’étiez pas bon par excellence comme vous l’êtes, je vous admirerais, mais vous ne posséderiez pas toutes mes pensées comme aujourd’hui, et mes vœux pour votre bonheur ne seraient pas si constamment attachés à mon admiration pour votre beau génie.
C’est là qu’il recevait Boileau et Racine lorsque ceux-ci faisaient quelque voyage de ce côté à la suite du roi ; et, à l’époque de la mort de La Fontaine, Boileau rappelait à Maucroix le souvenir de ces visites dans une lettre touchante et plus sensible qu’on ne l’attendrait du sévère critique : … Le loisir que je me suis trouvé aujourd’hui à Auteuil m’a comme transporté à Reims, où je me suis imaginé que je vous entretenais dans votre jardin, et que je vous revoyais encore, comme autrefois, avec tous ces chers amis que nous avons perdus, et qui ont disparu velut somnium surgentis.
Celui-ci fait là à Raphaël un reproche qui rappelle certaines critiques adressées de nos jours à Racine pour avoir, dans Esther et même dans Athalie, adouci un peu trop et diminué les types juifs : un ton général d’harmonie, un esprit d’humanité et de christianisme qui brille sur l’ensemble, leur a fait sacrifier peut-être, au poète comme au peintre, certains traits crus et saillants.
Il parle, il est vrai, la meilleure des langues, et comme un roi qui méritait d’avoir Pellisson pour secrétaire et Racine pour lecteur.
Pour des hommes d’école tels que Gui Patin, la poésie française qui allait se renouveler et atteindre à sa perfection par Despréaux, par Racine et La Fontaine, existait peu ; la poésie latine, si florissante au xvie siècle, n’avait pas cessé de régner.
Boivin jeune traduisait la pièce de Rollin en vers français, et dans le premier moment on disait que la traduction était de Racine.
Louis Paris, frère du précédent, parlant sévèrement de Boileau, dans ses utiles études sur les Mystères, écrira tout couramment : « On ne nous accusera pas d’irrévérence quand nous dirons que le législateur du Parnasse, l’ami de Racine et de Quinault, n’avait pas lu le théâtre qu’il condamnait…..
Il faut admirer ce que nous avons et ce qui nous manque ; il faut faire autrement que nos ancêtres et louer ce que nos ancêtres ont fait. » Et après quelques exemples saillants empruntés à l’art du Moyen-Age et à celui de la Renaissance, si originaux chacun dans son genre et si caractérisés, passant à l’art tout littéraire et spirituel du xviie siècle, il continue en ces termes : « Ouvrez maintenant un volume de Racine ou cette Princesse de Clèves, et vous y verrez la noblesse, la mesure, la délicatesse charmante, la simplicité et la perfection du style qu’une littérature naissante pouvait seule avoir, et que la vie de salon, les mœurs de Cour et les sentiments aristocratiques pouvaient seuls donner.
Mais avec cela les romans de Loti m’envahissent et m’oppriment plus qu’un drame de Shakespeare, plus qu’une tragédie de Racine, plus qu’un roman de Balzac… Et c’est pour cela que je suis inquiet.
Comparez ensemble les grands artistes du nord et ceux du midi, par exemple, pour prendre peu de noms et les plus frappants, d’un côté Shakespeare et Goethe, de l’autre, Le Tasse et Racine, vous trouverez que, tandis que chez les seconds l’assimilation des qualités antiques est complète, elle n’est jamais que très partielle chez les autres.
Ne nous faisons aucune illusion à cet égard ; il y a deux siècles de Louis XIV : l’un noble, majestueux, magnifique, sage et réglé jusqu’à la rigueur, décent jusqu’à la solennité, représenté par le roi en personne, par ses orateurs et ses poètes en titre, par Bossuet, Racine, Despréaux ; il y a un autre siècle qui coule dessous, pour ainsi dire, comme un fleuve coulerait sous un large pont, et qui va de l’une à l’autre régence, de celle de la reine mère à celle de Philippe d’Orléans.
Mme la duchesse de Bourgogne m’a dit qu’elle ne réussirait pas, que c’était une pièce fort froide, que Racine s’en était repenti, que j’étais la seule qui l’estimait, et mille autres choses qui m’ont fait pénétrer, par la connaissance que j’ai de cette cour-là, que son personnage lui déplaît.
Nos trois illustres maîtres, en s’épargnant ce retour sur un théâtre où ils avaient tant donné, mais où ils avaient à terminer encore, ont fait, selon moi, comme Turenne s’il avait manqué ses deux dernières campagnes, ou comme Racine s’il s’était retranché Esther et Athalie.
Racine rejetait tout, excepté deux ou trois scènes des Choéphores, amnistiées par une note en marge de son exemplaire d’Eschyle.
Victor Hugo et Lamartine sont des classiques, étudiés plutôt par curiosité que par sympathie, aussi éloignés de nous que Shakspeare et Racine, restes admirables et vénérables d’un âge qui fut grand et qui n’est plus.
Des disciples de Racine et de Boileau ont pris des rangs glorieux au-dessous de ces grands maîtres ; et c’est bien assez rendre hommage aux meilleurs écrivains en prose du xviie siècle, que de laisser indécise la question de savoir si ceux de l’âge suivant ne les ont point surpassés. […] Dans son mémoire sur les Élections au scrutin, et pour en égayer apparemment l’aridité, il trouve moyen de remarquer qu’en 1672, époque si brillante du grand règne, l’Académie ne comptait parmi ses membres ni Boileau, ni La Fontaine, ni Racine, qui avait fait Andromaque et Britannicus, ni enfin Molière, qui n’en fut jamais. […] Racine et Boileau, ou même Voltaire et Chénier à part, il goûtait plus, on le conçoit, la prose française que les vers.
Et l’on ne sait comment le nom de Racine tombe dans la conversation. […] Tu as vanté dans le feuilleton du Moniteur, le talent de Maubant et de Racine. Gautier. — C’est vrai, Maubant est plein de talent… Mais voilà, mon ministre a l’idée idiote de croire aux chefs-d’œuvre… J’ai bien été forcé de rendre compte d’Andromaque… Au reste, Racine, qui faisait des vers comme un porc, je n’en ai pas dit un mot élogieux de cet être !
De même qu’il n’y a point d’opinion extravagante ou absurde que n’ait soutenue quelque philosophe, de même il n’y en a pas de scandaleuse ou d’attentatoire au génie qui ne se puisse autoriser du nom de quelque critique. » Et pour prouver que les grands hommes ne peuvent attendre plus de justice de leurs pairs, il nous montre Rabelais insulté par Ronsard, et Corneille préférant publiquement Boursault à Racine. […] Ni le charme de Cléopâtre, ni la douceur de Saint François-d’Assise, ni la poésie de Racine ne se laisseront réduire en formules et, si ces objets relèvent de la science, c’est d’une science mêlée d’art, intuitive, inquiète et toujours inachevée.
Racine. […] Et il ne faut pas oublier que Shakspeare est à peu près seul dans son temps, tandis qu’après Corneille vient Racine, qui pourrait suffire à la gloire poétique d’une nation. […] Racine parle celle de Louis XIV et des femmes qui étaient l’ornement de sa cour. […] Ainsi que Racine, il est épris de la beauté antique, et il l’imite ; mais, comme Racine, il reste toujours original.. […] Ces beaux jardins avaient vu se promener Corneille et madame de Sévigné, Molière, Bossuet, Boileau, Racine, dans la compagnie du grand Condé.
Tous ceux qui ont dit : le jargon de Molière, ont eu raison ; il est d’une époque où la langue n’était pas encore complètement formée ; et, comme Regnard, qui vient après lui, ressemble beaucoup, par son élégance achevée, à Racine, Molière, par la façon pittoresque et rocailleuse dont il lui arrive de dire les choses, ressemble à Corneille ; il en a la rudesse, les formes oratoires, les traits sublimes : il en a aussi le forcé et le prétentieux. […] Ce terme si simple est, quand on le médite, infiniment plus compréhensif que tout ce qu’ont écrit sur la nature féminine les moralistes français, qui sont cependant, de tous les hommes de toutes les littératures, ceux qui ont le plus étudié, le plus creusé ce sujet : La Rochefoucauld, La Bruyère, Racine. […] Et ce ne sont pas des hypothèses ; il existe une lettre de Racine, alors très jeune, où tout cela est expliqué nettement et d’une façon précise36. […] Il n’a encore entrepris aucune guerre injuste, il donne une vive impulsion à l’administration, aux plaisirs de la cour, où les héros sont Lauzun, Guiche, Vardes, les femmes, les nièces de Mazarin ; on n’y voit plus les frondeurs du commencement du règne, et les frondeurs de la fin n’ont pas encore paru ; La Bruyère est encore inconnu, Saint-Simon n’est pas même né, car il ne naîtra qu’en 1665 ; toute cette cour brillante dont Racine a été le vrai poète, et dont madame de Sévigné était, à ce moment, l’historiographe aimable, disait en voyant Tartuffe : « C’est la dévotion poussée à un excès possible. » Personne ne pouvait croire que Molière eût voulu faire contre la cabale des dévots une comédie si terrible ; personne n’aurait voulu se passionner pour ou contre un bourgeois de Paris, qui imagine, pour faire son salut, de livrer à ce bon monsieur Tartuffe son bien, son fils, sa fille et jusqu’à sa femme. […] La tragédie nous fournit quelques lumières indirectes ; mais de la façon qu’elle a été conçue en France, peignant les passions sous leurs traits les plus généraux, choisissant ses héros dans l’antiquité la plus reculée, et, alors même qu’elle ne se prive point de les faire parler à la moderne, réduite cependant par la nécessité de respecter son sujet à ne point souffrir une invasion trop manifeste et trop entière du moderne dans l’antique, vivant d’ailleurs par nature dans un monde de personnages et de sentiments idéaux, astreinte, à ce titre, à des traditions rigoureuses et à des vertus de convention que les dernières années du xviiie siècle ont à peine osé atteindre, elle a bien pu recevoir l’empreinte du changement des idées de Corneille à Racine, de Racine à Voltaire et à M.
Il a forgé dans les ateliers de Marot, de Ronsard et de Malherbe le vers de La Fontaine, de Molière et de Racine. […] Molière a épuisé la comédie pour quarante ans, au moins ; Racine la tragédie pour un siècle ; La Fontaine la fable pour toujours. […] Balzac mettait debout une passion, lui donnait un nom propre et la lançait, emportée d’un mouvement terrible, à travers le monde ; Taine dressait une faculté maîtresse, lui donnait le nom de Corneille, Swift ou Racine, et ramenait tout Racine ou tout Swift à la démarche et au développement logique de cette faculté. […] On y voit que Stendhal, vers 1800, aime beaucoup Racine. […] Il y pleure toutes les larmes de Racine.
Delille ou Racine, par des formes de vers.
Telles sont les grâces de Louis le Grand, grâces semblables aux influences du plus beau des astres, et qui me donnent droit de dire avec plus de justice, à l’honneur du roi, que Tertullien n’écrit pour flatter les princes de l’Afrique : l’État et le ciel ont le même sort, et doivent leur bonheur à deux soleils… À ces mots, le voisin de Racine dut se pencher vers lui et lui rappeler à l’oreille la harangue de maître Petit-Jean : Quand je vois le soleil, et quand je vois la lune… Et le voisin de La Bruyère reçu l’année d’auparavant et avec un si éloquent discours, put lui dire : « Ah !
Et il lui cite l’exemple de Voltaire ; ne croyez pas que ce soit comme une preuve éclatante et rare de la gloire littéraire ; il le lui cite pour lui montrer le néant de cette gloire contestée et troublée des grands écrivains : « Je songe quelquefois à Voltaire, dont le goût est si vif, si brillant, si étendu, et que je vois méprisé tous les jours par des hommes qui ne sont pas dignes de lire, je ne dis pas sa Henriade, mais les préfaces de ses tragédies. » Racine, Molière, « qui sont pourtant des hommes excellents », n’ont pas été plus heureux pendant leur vie ; ils n’ont pas joui plus paisiblement de la renommée due à leurs œuvres : « Et croyez-vous que la plupart des gens de lettres n’en eussent pas cherché une autre, si leur condition l’eût permis ?
Mme du Deffand, au reste, était tout à fait de cet avis ; depuis surtout que Mlle de Lespinasse avait fait défection et s’était retirée d’auprès d’elle, emmenant à sa suite quelques-uns des coryphées de l’école encyclopédiste, elle était très opposée à tout ce qui ressemblait à des intérêts de parti philosophique ou littéraire : et comme Voltaire, dont c’était le malin plaisir, essayait de provoquer Walpole, de l’amener, par pique et par agacerie, à une discussion en règle sur le mérite de Racine et de Shakespeare, comme de plus il paraissait d’humeur à chicaner les deux dames au sujet de La Bletterie qu’elles protégeaient et qu’il n’aimait pas, Mme de Choiseul écrivait encore à sa vieille amie : Je crois que nous ferons bien de le laisser tranquille ; car, pour moi, je ne veux pas entrer dans une dispute littéraire : je ne me sens pas en état de tenir tête à Voltaire.
Un roi qui a Racine pour lecteur eut, à la rigueur, ménager ses yeux.
C’est pour la langue comme une fille de Racine et du premier Lamartine.
Oui, j’en conviens, on ne peut méconnaître que, malgré ses taches et ses nuages, le soleil luit… On ne saurait méconnaître que, malgré quantité de tragédies détestables et ennuyeuses, Corneille ne soit sublime quelquefois… On ne saurait méconnaître que, malgré des fadeurs, des concessions au goût du jour, Racine ne soit souverainement pathétique et touchant…, que Molière… Je m’arrête.
raillé pour sa nomination à l’Académie française dans une épigramme du poëte Roy, il eut le malheur encore de trouver parmi ses gens un serviteur trop prompt, qui se chargea de le venger moyennant bastonnade sur le dos du satirique : et qu’on n’aille point ici alléguer pour excuse l’indignité de l’homme châtié ; car ce qu’on inflige à Roy aujourd’hui, on le faisait hier à Voltaire, on en a menacé Racine et Boileau.
Elle fait de même chez Jean-Jacques : « Ne sachant que lire, j’ai repris l’Héloïse de Rousseau ; il y a des endroits fort bons, mais ils sont noyés dans un océan d’éloquence verbiageuse. » Sur Racine, sur Corneille, elle a des jugements sains et droits.
Quand on lit Racine, Voltaire, Montesquieu, on n’a pas trop l’idée de se demander s’ils étaient ou non robustes de corps et puissants d’organisation physique.
Et c’est alors qu’il y a tout lieu de dire vraiment avec lui : « Les maximes des hommes décèlent leur cœur. » Il n’avait rien publié encore lorsqu’il s’annonça à Voltaire par une lettre écrite de Nancy (avril 1743), dans laquelle il lui soumettait un jugement littéraire sur les mérites comparés de Corneille et de Racine.
» de Racine, dans les fureurs d’Hermione.
À la France, aucun, — si l’on excepte le jour où elle demanda à Racine une comédie sacrée pour Saint-Cyr ; à Louis XIV en particulier, elle rendit le service de le retirer des amours que l’âge eût pu rendre déshonorants ; elle coopéra tant qu’elle put à ce qu’elle considérait religieusement comme son salut.
On voit combien d’Antin prenait au sérieux un regard plus ou moins clément de Louis XIV ; rappelons-nous que Racine ne le prenait pas moins à cœur et qu’il en mourut.
Il était de ces âmes modérées et sensibles, qui, à travers des études lentes et patientes, et un goût d’enjouement social et de plaisanterie familière très prononcé, ont en elles une veine de tendresse, et qui, aux heures de rêverie, se nourrissent volontiers d’un passage d’Euripide, de Racine et de saint Augustin.
Figurez-vous-le, en effet, cet ambitieux navré, n’ayant que son rang dans ce monde de Versailles où l’on n’était classé que par la faveur du roi et où l’on mourait, comme Racine, du refus d’un coup d’œil, figurez-vous-le revenant de l’Œil-de-bœuf et se rejetant à ses Mémoires !
Là même, cependant, son vers pompeux ou négligé, empruntant de Racine l’élégance plutôt que l’audace, laissait voir le déclin de l’art sous le prestige même du succès.
Veuillent, en attendant les temps nouveaux, poètes et romanciers continuer l’ancien usage et anodin, de « plaire », comme disait Racine, aux honnêtes gens ! […] Comparez le texte de Racine dans l’édition que Racine a publiée et dans quelque réimpression d’aujourd’hui : comptez les différences. […] Il vint à délaisser les Grecs ; il essaya des Latins, des Français : et, dans Virgile et dans Racine, les fautes qu’il voyait le fâchaient : plus encore, celles qu’il soupçonnait. […] Une tragédie de Corneille ou de Racine, une comédie de Molière, se passent de toutes anecdotes explicatives et garderaient leur clarté, leur signification, leur valeur, si même nous n’avions aucun renseignement sur la personne do Corneille, ou de Racine, ou de Molière. […] Je voudrais que le romancier consentît que la règle, disait Molière et disait Racine, est de plaire.
C’est pourquoi Racine avait tort d’interdire à son fils l’emploi du verbe recruter dû à l’invention spontanée des sergents et Royer-Collard montrait une indignation peu légitime quand il répondait à ses collègues qui voulaient faire entrer baser dans le dictionnaire de l’Académie : « S’il entre, je sors. » Car ces deux verbes, composés suivant toutes les habitudes du français, sont, au seul point de vue linguistique, irréprochables, et, esthétiquement, beaucoup moins disgracieux que telles colonies de bizarres et rudes syllabes, grossièrement calquées sur le latin ou sur le grec, et qui ont toutes les faveurs des puristes et des pédants. […] Et l’on sent, au plaisir qu’il trouve à s’entretenir avec eux, qu’il ne s’est pas résolu sans regret à ne pas mettre, dans son xviie siècle, au même rang que Racine et que Boileau, Descartes et Malebranche, et même Gassendi. […] Faguet a assez de lettres pour estimer à son prix « la liberté souveraine » qu’ont eue un La Fontaine ou un Racine de s’exprimer en français. […] Pierre Lasserre, d’Homère à Racine, d’Anacréon au chevalier Bertin, c’est que Julie fasse, de ce qui lui est advenu sous les charmilles et que Corrège eût peint divinement, un événement théologique dont elle disserte du plus haut de sa tête. […] On dit bien que Mme Jean Racine ne lut de sa vie Andromaque non plus qu’Esther (ce fut pourtant dans un siècle où M.
Mlle de Scudéry, Mlle de La Fayette, Racine étudient quelques sentiments choisis, un seul même parfois : l’amour. […] Dante, prenant la main de Virgile, inaugura entre l’art moderne et l’art ancien une alliance que consacrèrent Raphaël et Racine, l’un initié par son père à la tradition des peintres ombriens, puis mis par les Florentins en possession de la forme antique ; l’autre élevé par les austères chrétiens de Port-Royal et par eux cependant nourri aux lettres grecques. […] Les classiques, obéissant à une loi d’optique longtemps incontestée, cherchaient, pour assurer la bonne perspective de leurs œuvres, le recul du temps, ou du moins, comme Racine pour Bajazet, de l’espace. […] Suit une définition anticipée de ce qui se nomme aujourd’hui le document : « En peignant un personnage de l’époque que j’ai choisie, j’ai fait entrer dans ma peinture un mot, une pensée, tirée des écrits de ce même personnage : non que ce mot et cette pensée fussent dignes d’être cités comme un modèle de beauté et de goût, mais parce qu’ils fixent les temps et les caractères150. » Alexandre Dumas ne parle pas autrement dans la préface de Caligula : « Les souvenirs imparfaits du collège étaient effacés ; la lecture des auteurs latins me parut insuffisante, et je partis pour l’Italie afin de voir Rome : car, ne pouvant étudier le cadavre, je voulais au moins visiter le tombeau. » Après y avoir passé deux mois, hantant, le jour, le Vatican et, la nuit, le Colisée, il s’aperçut qu’il n’avait vu « qu’une face du Janus antique ; face grave et sévère, qui était apparue à Corneille et à Racine et qui de sa bouche de bronze avait dicté à l’un les Horaces et à l’autre Britannicus ». […] Racine fut singulièrement loué d’avoir su intéresser avec une vieille femme et un jeune enfant, c’est-à-dire avec deux héros dont l’un n’a pas atteint, dont l’autre a dépassé l’âge de l’amour.
Si nous en voulions croire les historiens de la philosophie moderne — et aussi quelques historiens de la littérature française, — le Discours de la méthode ou les Méditations sur la Philosophie première auraient non seulement contenu en puissance, mais déterminé en fait toute la pensée du xviie siècle, et nous ne posséderions, semble-t-on dire, ni Pascal ni Molière, ni Bossuet ni Racine, si Descartes n’avait pas existé. […] M. Racine s’est fait assez admirer dans l’hôtel de Bourgogne. » Ces deux adverbes sont malheureux ! […] Il fallait être Molière pour tirer du Phormion les Fourberies de Scapin ; et Racine seul, en les imitant, pouvait surpasser Euripide ou « balancer » Sophocle ! […] Heureusement qu’un autre homme veillait, qui avait lui aussi, comme La Motte-Houdard, débuté par courir la carrière du bel esprit, un ennemi particulier de Racine et de Boileau, le Cydias des Caractères, le berger normand des épigrammes de Rousseau, mais l’auteur aussi des Entretiens sur la pluralité des mondes et de l’Histoire des oracles, Fontenelle, en un mot, le vrai maître, avec Bayle, et le vrai précurseur des Voltaire et des Montesquieu. […] Mathématiques, astronomie, physique et chimie, anatomie, physiologie, géologie, histoire naturelle, qu’est-ce que Boileau, qu’est-ce que Racine ont su de toutes ces sciences, ou, pour mieux dire, quelle curiosité semblent-ils en avoir eue ?