Ce fut l’âge d’or de ses écrivains. […] Dans ses ineffables Mémoires d’un Bourgeois de Paris, il a consacré une page à l’honnête typographe, comme il l’appelle, avec une suffisance de patron satisfait et cette familiarité flatteuse qui donne une petite tape sur la joue ou sur le ventre, selon le sexe et l’âge.
Chateaubriand, qui en était un très fastueux, Chateaubriand, vieux d’âge et plus vieux encore de mépris, avait eu, un jour, la sombre fantaisie d’écrire, par mépris des choses contemporaines, la vie du trappiste Rancé, et son livre avait été sa Trappe, à lui, d’où il nous disait qu’il fallait mourir. […] C’était un esprit et une âme d’un charme robuste, dans un corps qui, bien loin d’être rachitique et malingre, avait le défaut opposé, — l’embonpoint un peu trop développé des Bourbons de ces derniers âges… Dans un portrait où elle s’est sabrée plus qu’elle ne s’y est peinte, elle s’est comparée « à une boule », avec l’insouciance de la force qui fait bon marché de la beauté, et ce feu de gaieté gauloise — car c’est une gauloise, Madame Louise !
Si nous l’interrogions sur le sens du beau tel que le possédèrent les âges successifs l’enquête serait immense. […] Nourri du dix-septième siècle français, cet âge de froide étiquette et de servilisme intellectuel, Voltaire et son temps, au nom de Corneille, excommunient Shakespeare, qui écrase cependant le tragique français de toute la souveraineté de son génie.
tant de conseils et si peu de fruit dans l’adolescence et dans l’âge viril ? […] Ici le philosophe s’est complu à nous peindre d’une manière belle et touchante les premiers âges du monde. […] Les peuples et leurs chefs se doivent un respect mutuel ; et, Faites ce que je vous dis, car tel est mon bon plaisir, serait la phrase la plus méprisante qu’un monarque pût adresser à ses sujets, si ce n’était pas une vieille formule de l’aristocratie transmise d’âge en âge, depuis les temps barbares de la monarchie, jusqu’à ses temps policés. […] C’est au commencement de la troisième année de son exil, à l’âge d’environ quarante ans, qu’il entreprit de consoler Polybe de la mort d’un frère, perte récente dont il était profondément affligé. […] On représenta au jeune homme qu’il avait pris avec son antagoniste un ton décidé qui ne convenait pas à son âge, un ton violent qui ne convenait à personne.
Le hasard du génie y pourvoira… Un bel âge littéraire complet, ou du moins une vraie gloire de poëte du premier ordre, serait un bonheur et un coup de fortune pour tous ceux de valeur qui l’auraient précédé.
Lucien Muhlfeld Le bon poète, notre ami Ferdinand Hérold, n’abandonne pas l’artificiel des moyens âges.
Édouard Fournier Il échapperait à notre temps, s’il était resté ce que son âge, — il naquit en 1785, — voulait qu’il fût d’abord : un arrière-classique, un poète de l’Empire, rimant des Odes sur la Guerre de Prusse, sur la Campagne de 1807 et des tragédies telles qu’Ulysse et Pallas, fils d’Évandre ; mais il lui appartient, par la part qu’il prit au mouvement rénovateur, avec sa pièce de Marie Stuart assez fièrement imitée de celle de Schiller et surtout avec son brillant Voyage en Grèce, l’œuvre la plus sincère, la plus vraie de couleur et la plus éclatante qui ait été inspirée chez nous par la guerre des Hellènes.
Chrysopolis, capitale de l’empire du Couchant, est, depuis de longs jours, assiégée par les Barbares ; le peuple demande qu’on se rende, et peut-être l’empereur Héklésias, affaibli par l’âge et les travaux, aurait-il cédé, si sa fille Hérakléa n’était là, sans cesse, pour le rappeler à l’effort et à la résistance.
Il le composa avant d’avoir embrassé l’Etat Ecclésiastique, où il n’entra qu’à l’âge de 46 ans.
Cela est de son âge, il l’a tant vue, qu’il croit sérieusement, comme son ami Boucher, qu’il n’a plus rien à y voir.
« Nous avons élevé cet enfant pour le roi », écrivait sa mère au ministre de la guerre en 1814 ; elle demandait l’admission de son fils dans les gendarmes de la Maison rouge ; il y entra avec brevet de lieutenant le 1er juin 1814, à l’âge de dix-sept ans. […] Étant demeuré quatre années sans avancement, il se fit réformer pour cause de délicatesse de santé, le 22 avril 1827, à l’âge de trente ans. […] Il a compris quelques-uns des grands problèmes de notre âge et se les est posés dans leur étendue. […] Une pensée de la jeunesse réalisée par l’âge mûr. » J’ai épuisé non pas tout ce que j’avais à dire, mais ce qu’il y a d’essentiel dans ma manière propre déconsidérer l’homme et le poète et de les juger. […] Il en est très peu que le feu divin illumine durant toute une longue carrière, ou chez qui il se change du moins et se distribue en chaleur égale et bienfaisante pour donner aux divers âges humains toutes leurs moissons.
Il achevait un âge, il jouissait de ce qui avait agité les autres ; sa poésie ressemblait aux beaux soirs d’été ; les lignes du paysage y sont les mêmes que pendant le jour ; mais l’éclat de la coupole éblouissante s’est émoussé ; les plantes rafraîchies se relèvent, et le soleil calme au bord du ciel enveloppe harmonieusement dans un réseau de rayons roses les bois et les prairies que tout à l’heure il brûlait de sa clarté. […] Nous avons retrouvé l’accent libre de l’émotion pleine, et nous avons reconnu une voix d’homme dans ces vers sur Locksley Hall : Sa joue était pâle et plus mince qu’il ne fallait pour son âge ; — et ses yeux, avec une attention muette, étaient suspendus à tous mes mouvements. […] L’âge venu, on la réclame. […] Il est doux de sortir de notre civilisation savante, de remonter vers l’âge et les mœurs primitives, d’écouter le paisible discours qui coule abondamment et lentement comme un fleuve sur une pente unie. […] Arthur, « le roi irréprochable », a assemblé « cette glorieuse compagnie, la fleur des hommes, pour servir de modèle au vaste monde, et pour être le beau commencement d’un âge.
Un vrai poète homérique en ce temps-ci ; un poète né, comme les hommes de Deucalion, d’un caillou de la Crau ; un poète primitif dans notre âge de décadence ; un poète grec à Avignon ; un poète qui crée une langue d’un idiome comme Pétrarque a créé l’italien ; un poète qui d’un patois vulgaire fait un langage classique d’images et d’harmonie ravissant l’imagination et l’oreille ; un poète qui joue sur la guimbarde de son village des symphonies de Mozart et de Beethoven ; un poète de vingt-cinq ans qui, du premier jet, laisse couler de sa veine, à flots purs et mélodieux, une épopée agreste où les scènes descriptives de l’Odyssée d’Homère et les scènes innocemment passionnées du Daphnis et Chloé de Longus, mêlées aux saintetés et aux tristesses du christianisme, sont chantées avec la grâce de Longus et avec la majestueuse simplicité de l’aveugle de Chio, est-ce là un miracle ? […] Mon habitude des patois latins parlés uniquement par moi jusqu’à l’âge de douze ans, dans les montagnes de mon pays, me rendait ce bel idiome intelligible. […] Son père mourut avant l’âge ; le jeune homme se hâta de revenir à la maison pour aider sa mère et son frère à gouverner les étables, à faire les huiles et à cultiver les champs. […] « Je chante une fille de Provence et les amours de jeune âge à travers la Crau, vers le bord de la mer, dans les grands champs de blé… Bien que son front ne resplendît que de sa fraîcheur, bien qu’elle n’eût ni diadème d’or, ni mantelet de soie tissé à Damas, je veux qu’elle soit élevée en honneur comme une reine et célébrée avec amour par notre pauvre langue dédaignée ; car ce n’est que pour vous que je chante, ô pâtres des collines de Provence, et pour vous autres, habitants rustiques de nos mas. » (Les mas sont les fermes isolées des plaines d’Arles et de la Crau.) […] Si elle était à Arles, les filles de son âge se cacheraient en pleurant, car après elle on a brisé le moule !
La génération suivante croit que cet homme dont on parle avec tant de haine ou tant d’amour était quelque géant d’un autre âge dépassant la taille humaine. […] Sa personne répondait à son caractère : il était d’un âge déjà mûr, de taille moyenne, d’épaisse corpulence, à figure fine d’expression, quoique un peu lourde de joues. […] Il avait passé sa jeunesse dans les camps ; il passait son âge mûr dans sa douce retraite, qui servait de halte et d’asile à tous les parents, et là il savourait l’amour d’une cousine adorée et adorable qu’il avait épousée tard et qu’il possédait avec délices, comme les bonheurs longtemps suspendus. […] Sans doute son frère est un merveilleux jouteur de plume ; nous avons nous-même subi l’éblouissement de son style dans la première jeunesse, à cet âge où l’on reçoit sur parole les admirations et les cultes de famille, et où l’audace du paradoxe passe pour l’intrépidité de la raison. […] Il portait gravement, mais légèrement, son âge de soixante à soixante-dix ans.
(Il touchait en 1829, quand il mourut par accident, à l’âge de quatre-vingt-trois ans, douze mille francs d’intérêt.) […] À soixante-dix ans, rencontrant inopinément un ami d’enfance, il s’entretint avec lui, sans aucune hésitation, dans l’idiome de son pays, où il n’était pas retourné depuis l’âge de quatorze ans ! […] … « Quand Honoré fut d’âge à comprendre et à apprécier son père, c’était un beau vieillard, fort énergique encore, aux manières courtoises, parlant peu et rarement de lui, indulgent pour la jeunesse qui lui était sympathique, laissant à tous une liberté qu’il voulait pour lui, d’un jugement sain et droit, malgré ses excentricités, d’une humeur si égale et d’un caractère si doux qu’il rendait heureux tous ceux qui l’entouraient. […] Sa dernière et plus cruelle épreuve fut, à l’âge de soixante-douze ans, de survivre à son glorieux fils et de l’assister dans ses derniers moments ; elle pria pour lui à son lit de mort, soutenue par la foi religieuse qui remplaçait toutes ses espérances terrestres par celles du ciel. […] Cette sévérité comprima les tendres expansions d’Honoré, à qui l’âge et la gravité de son père inspiraient aussi la réserve.
Et alors la psychologie de l’âge disparaît presque entière sous celle de l’amour. […] C’est que le roman, pour l’âge classique, n’est pas précisément un genre. […] Tout ce avec quoi l’on joue m’était désormais interdit, vu mon âge, mais chacun de ces soldats de plomb, de ces tramways, parce qu’ils étaient petits, par cela seul me devenaient chers. […] La jeunesse, pour l’art, est l’âge de la vie, non l’âge du plaisir. […] Beaunier dit que l’âge heureux c’est cinquante ans, quand la vie est faite et qu’il n’y a plus qu’à en jouir.
J’ai su lire à l’âge de cinq ans, et depuis ce temps je puis dire, comme Apelles : Nulla dies sine linea. […] A vrai dire, je n’ai guère changé d’idée, et mon âge mûr approuve l’admiration de ma jeunesse. […] Elle prétendait par un spirituel paradoxe, qui pourrait bien être vrai comme la plupart des paradoxes, que le plus bel âge de la femme était soixante ans. […] c’est, la fleur de l’âge. » M. […] Comme certains acteurs qui continuent, malgré leur âge, les rôles d’amoureux, il ne pouvait jouer que les jeunes premiers.
Tel en est le début : Echappé des périls d’une ardente jeunesse, Et parvenu dans l’âge où regne la sagesse, Je m’étois résolu d’écouter la Raison, Et d’être sage au moins dans l’arriere saison.
Les destructions des hommes sont d’ailleurs plus violentes et plus complètes que celles des âges ; les seconds minent, les premiers renversent.
Ces génies abondants, qui ne sont pourtant plus les divins vieillards et les aveugles fabuleux, lisent, comparent, imitent, comme tous ceux de leur âge ; cela ne les empêche pas de créer, comme aux âges naissants. […] Tout ceci est pour dire que, comme Shakspeare et Cervantes, comme trois ou quatre génies supérieurs dans la suite des âges, Molière est peintre de la nature humaine au fond, sans acception ni préoccupation de culte, de dogme fixe, d’interprétation formelle ; qu’en s’attaquant à la société de son temps, il a représenté la vie qui est partout celle du grand nombre, et qu’au sein de mœurs déterminées qu’il châtiait au vif, il s’est trouvé avoir écrit pour tous les hommes. […] Mais il ne faudrait pas croire qu’il y eût dans son existence intérieure deux parts successives comme dans celle de beaucoup de moralistes et satiriques éminents : une première part active et plus ou moins fervente ; puis, cette chaleur faiblissant par l’excès ou par l’âge, une observation âcre, mordante, désabusée enfin, qui revient sur les motifs, les scrute et les raille. […] Cette disposition de Molière à observer durant des heures et à se tenir en silence s’accrut avec l’âge, avec l’expérience et les chagrins de la vie ; elle frappait singulièrement Boileau qui appelait son ami le Contemplateur. « Vous connoissez l’homme, dit Élise dans la Critique de l’École des Femmes, et sa paresse naturelle à soutenir la conversation. […] Il est infiniment probable qu’il a songé dans Arnolphe, dans Alceste, à son âge, à sa situation, à sa jalousie, et que sous le travestissement d’Argan il donne cours à son antipathie personnelle contre la Faculté.
Dès l’âge de cinq ans, l’enfant eut un instituteur particulier, qui, deux fois par jour, après son travail, le conduisait dans le cabinet de son grand-père de Motz. […] Comme écrivain de marque, M. de Maistre ne se produisit qu’après l’âge de quarante ans. […] Et s’il n’y a rien de nouveau en lui, comment se fait-il que, sur ses drapeaux, la plus novatrice des sectes religieuses de notre âge ait pu inscrire à son heure tant de paroles prophétiques, à lui empruntées, pour manifeste et pour devise ? […] examinez bien ; vous verrez que, depuis l’âge de la maturité, il n’y a plus de véritable joie pour lui. Dans l’enfance, dans l’adolescence, on a devant soi l’avenir et les illusions ; mais, à mon âge, que reste-t-il ?
L’aveugle intolérance pourra seule méconnaître leur valeur et les considérer uniquement comme une préparation à l’âge réaliste qui commence. […] Son âge héroïque : le conte et la fable. — Le roman antique. […] Chaque âge et chaque estomac en exigent de différents. […] En somme, c’est le dernier chanteur des beaux âges chevaleresques, le dernier ménestrel. […] Je ne sais si aucun sera, comme lui, lu et aimé de tous sans distinction de sexe ni d’âge.
Jeune homme, qui vous destinez aux lettres et qui en attendez douceur et honneur, écoutez de la bouche de quelqu’un qui les connaît bien et qui les a pratiquées et aimées depuis près de cinquante ans, — écoutez et retenez en votre cœur ces conseils et cette moralité : Soyez appliqué dès votre tendre enfance aux livres et aux études ; passez votre tendre jeunesse dans l’etude encore et dans la mélancolie de rêves à demi-étouffés ; adonnez-vous dans la solitude à exprimer naïvement et hardiment ce que vous ressentez, et ambitionnez, au prix de votre douleur, de doter, s’il se peut, la poésie de votre pays de quelque veine intime, encore inexplorée ; — recherchez les plus nobles amitiés, et portez-y la bienveillance et la sincérité d’une âme ouverte et désireuse avant tout d’admirer ; versez dans la critique, émule et sœur de votre poésie, vos effusions, votre sympathie et le plus pur de votre substance ; louez, servez de votre parole, déjà écoutée, les talents nouveaux, d’abord si combattus, et ne commencez à vous retirer d’eux que du jour où eux-mêmes se retirent de la droite voie et manquent à leurs promesses ; restez alors modéré et réservé envers eux ; mettez une distance convenable, respectueuse, des années entières de réflexion et d’intervalle entre vos jeunes espérances et vos derniers regrets ; — variez sans cesse vos études, cultivez en tous sens votre intelligence, ne la cantonnez ni dans un parti, ni dans une école, ni dans une seule idée ; ouvrez-lui des jours sur tous les horizons ; portez-vous avec une sorte d’inquiétude amicale et généreuse vers tout ce qui est moins connu, vers tout ce qui mérite de l’être, et consacrez-y une curiosité exacte et en même temps émue ; — ayez de la conscience et du sérieux en tout ; évitez la vanterie et jusqu’à l’ombre du charlatanisme ; — devant les grands amours-propres tyranniques et dévorants qui croient que tout leur est dû, gardez constamment la seconde ligne : maintenez votre indépendance et votre humble dignité ; prêtez-vous pour un temps, s’il le faut, mais ne vous aliénez pas ; — n’approchez des personnages le plus en renom et le plus en crédit de votre temps, de ceux qui ont en main le pouvoir, qu’avec une modestie décente et digne ; acceptez peu, ne demandez rien ; tenez-vous à votre place, content d’observer ; mais payez quelquefois par les bonnes grâces de l’esprit ce que la fortune injuste vous a refusé de rendre sous une autre forme plus commode et moins délicate ; — voyez la société et ce qu’on appelle le monde pour en faire profiter les lettres ; cultivez les lettres en vue du monde, et en tâchant de leur donner le tour et l’agrément sans lequel elles ne vivent pas ; cédez parfois, si le cœur vous en dit, si une douce violence vous y oblige, à une complaisance aimable et de bon goût, jamais à l’intérêt ni au grossier trafic des amours-propres ; restez judicieux et clairvoyant jusque dans vos faiblesses, et si vous ne dites pas tout le vrai, n’écrivez jamais le faux ; — que la fatigue n’aille à aucun moment vous saisir ; ne vous croyez jamais arrivé ; à l’âge où d’autres se reposent, redoublez de courage et d’ardeur ; recommencez comme un débutant, courez une seconde et une troisième carrière, renouvelez-vous ; donnez au public, jour par jour, le résultat clair et manifeste de vos lectures, de vos comparaisons amassées, de vos jugements plus mûris et plus vrais ; faites que la vérité elle-même profite de la perte de vos illusions ; ne craignez pas de vous prodiguer ainsi et de livrer la mesure de votre force aux confrères du même métier qui savent le poids continu d’une œuvre fréquente, en apparence si légère… Et tout cela pour qu’approchant du terme, du but final où l’estime publique est la seule couronne, les jours où l’on parlera de vous avec le moins de passion et de haine, et où l’on se croira très clément et indulgent, dans une feuille tirée à des milliers d’exemplaires et qui s’adresse à tout un peuple de lecteurs qui ne vous ont pas lu, qui ne vous liront jamais, qui ne vous connaissent que de nom, vous serviez à défrayer les gaietés et, pour dire le mot, les gamineries d’un loustic libéral appelé Taxile Delord.
Nourri de la lecture des Anciens, dont il paroît s'être pénétré ; appuyé sur les principes invariables de la nature, qui sont ceux du vrai & du beau ; toujours armé du flambeau de la raison, l'Auteur parcourt d'un pas noble & ferme les différens âges du Génie Littéraire de la France, découvre les causes qui l'ont retenu long-temps captif dans les chaînes de l'ignorance & du mauvais goût, & nous montre par quels secours il en a triomphé.
C’est parce que, selon nous, ce livre, œuvre naïve avant tout, représente avec quelque fidélité l’âge qui l’a produit que nous le redonnons au public en 1833 tel qu’il a été fait en 1821.
Ouarhambâné, célibataire, homme dans la force de l’âge.
Quarante ans est un âge terrible. […] Quarante ans est un âge implacable. […] non, français de cet âge d’attente ! […] non, Français de cet âge d’attente ! […] non, Français de cet âge d’attente !
D’autres, qui lui ont cédé aussi, sont demeurés attachés, par leur âge ou leur éducation, aux idées qu’il dévastait. […] … » Ou bien : « Ages sacrés, âges primitifs de l’humanité, qui pourra vous comprendre ! […] Les fidèles de la petite Église feront ainsi refleurir d’âge en âge ce que l’esprit humain a produit de plus pur, de plus beau, de plus désintéressé, de plus incertain et de plus discutable. […] L’âme humaine, cette fleur de la création, dont chaque âge doit augmenter l’éclat et le parfum, en sera-t-elle plus belle ? […] Il a lu, au même âge que ceux qui en ont subi le dangereux ascendant, les livres de M.
Baron avait un ajustement recherché pour son âge, puisque je lis : C’est un étrange fait du soin que vous prenez, À me venir toujours jeter mon âge au nez, Et qu’il faille qu’en moi sans cesse je vous voie blâmer l’ajustement […] Baron prenait un ton doux, affable, caressant, puisque je lis : Éh ! […] Le lieu de la scène. — Bien choisi ; où peut-on amener des originaux de tout âge, de tout sexe, plus naturellement que chez une coquette du grand monde ? […] finissez, ou je vous siffle. — À votre aise, mon cher parterre ; si votre grand-papa vous entendait, il vous trouverait bien bambin pour votre âge. […] Je ne veux pas trahir son secret en vous disant au juste son âge, mais il n’est pas de la dernière édition, et l’amant de Lucile a tout au plus trente ans ; pourquoi gâter un rôle dont les meilleurs acteurs ont senti toutes les difficultés, même à la fleur de leur âge ? […] quand la gloire les attendait peut-être au premier rôle propre à leur âge, pour couronner leurs vieux jours d’une palme méritée.
Je ne suivrai pas, il faut vous le redire, un ordre chronologique des auteurs qui se sont succédé dans les différents âges, mais un ordre analytique des conditions par lesquelles leurs ouvrages se sont perfectionnés. […] La lointaine renommée de ces temps la rend maîtresse des ressorts qu’elle met en jeu ; les crédulités, les superstitions des âges de chevalerie lui fournissent les nombreuses chimères dont elle vous effraie ou vous amuse. […] « Parlez : ce fait remonte au berceau de l’histoire ; « Mais le temps d’âge en âge en transmit la mémoire. […] La pureté des airs, la fraîcheur des bois, le murmure des sources vives, la vue et les soupirs des nymphes errantes sous les ombrages, tendent le piège le plus insidieux au penchant de son âge pour la volupté. […] « Que diras-tu de voir, dans leur âge tombées, « Les comètes se fondre en mes feux absorbées ?
C’était l’âge de Bonaparte et de Victor Hugo à cette date. […] — Quand l’âge est venu, un grand poète l’a dit, il ne faut revoir ni les opinions ni les femmes qu’on aimait à vingt ans. […] Singulier phénomène, Roqueplan était, pour toujours et sans circonstances atténuantes, condamné à la jeunesse, — eût-il atteint l’âge d’un patriarche. — Déjazet est un des plus frappants exemples de cette anomalie : ayant plus que l’âge d’une grand-mère, elle ravit tout le monde dans les rôles de pages et de chérubins d’amour. […] C’est pour notre âge mûr une vraie satisfaction que de n’avoir rien à réformer des admirations de notre jeunesse. […] Quoique dès lors elle eût passé l’âge qu’on appelle jeunesse pour les autres femmes, elle était de la plus étonnante beauté.
Un jeune homme de vingt ans rencontre une femme plus âgée que lui, et dont le mari a trois fois son âge. […] C’est aussi cette faute qu’ont commise nos illustres, lorsqu’ils nous ont répété et expliqué dans les Mémoires de leur âge mûr ce qu’ils nous avaient si bien dit dans leur jeunesse. […] En outre, est-il bien sage de trop se fier à ces preux d’un autre âge, à ces disciples avérés des Soirées de Saint-Pétersbourg, qui d’une main saluent la croix et l’oriflamme, et de l’autre écrivent des romans licencieux ? […] Nous avons, comme Sganarelle, changé tout cela, et les grandes imaginations de notre époque ressemblent à ces tempéraments malsains dont les humeurs âcres achèvent de s’aigrir avec l’âge, et finissent par devenir mortelles. […] La personne qui les a inspirés est nécessairement arrivée à cet âge qui commande le respect et où la couronne de roses poétiques ne trouve plus à se poser que sur un front de grand’mère.
Cette jeune femme était en effet charmante, sensée, fine, discrète et au-dessus de son âge.
que du moins les poëtes le sachent : quels que soient les ravissements et les prudences de l’âge mûr, c’est d’eux encore que nous nous préoccupons le plus.
Vulson, [Marc de la Colombiere] né à Grenoble, mort dans un âge avancé, en 1658 ; Auteur inconnu à presque tous nos Lexicographes, & qui ne méritoit nullement cet oubli pour les services qu'il a rendus à notre Histoire.
Chacun des trois volumes des précédentes éditions représentait la manière de l’auteur à trois moments, et pour ainsi dire à trois âges différents ; car, sa méthode consistant à amender son esprit plutôt qu’à retravailler ses livres, et, comme il l’a dit ailleurs, à corriger un ouvrage dans un autre ouvrage, on conçoit que chacun des écrits qu’il publie peut, et c’est là sans doute leur seul mérite, offrir une physionomie particulière à ceux qui ont du goût pour certaines études de langue et de style, et qui aiment à relever, dans les œuvres d’un écrivain, les dates de sa pensée.
Il arrive même que lorsque nous apprenons une langue étrangere après que nous sommes parvenus à un certain âge, nous ne rapportions point immediatement à leur idée les mots de cette langue étrangere, mais bien aux mots de notre langue naturelle, qui sont associés avec ces idées là.
C’était un enfant par l’esprit et par la faiblesse plus encore que par l’âge. […] Ils sont doux, tristes et tièdes, comme une première mélancolie de l’âme, avant l’âge des désespoirs passionnés : Ce qui m’estoit plaisant Ores m’est peine dure ; Le jour le plus luisant M’est nuit noire et obscure, .......... […] Les dames du palais le découvrirent un soir, à l’heure du coucher, caché sous le lit de la reine ; il en fut expulsé avec indignation, mais on n’attribua cette témérité qu’à l’étourderie de son âge et de son caractère. […] Cette beauté seulement, qui n’était pas encore accomplie par l’âge, manquait de cette virilité que donnent les années.
Mais ni l’âge mûr de Perrault, ni sa vieillesse, ne s’en repentirent. […] A l’âge de soixante-trois ans, elle entra vaillamment en lice contre un adversaire qui avait pour lui la jeunesse et la mode. […] Ce qu’on dit de certains visages virils dès la jeunesse, qui, dans l’âge mûr, paraissent encore jeunes, est vrai du style des Éloges ; il ne paraît pas avoir son âge.
Ce qui est vieux doit rester vieux ; comme tel, il est respectable ; rien de plus choquant que de voir l’homme d’un autre âge dissimuler ses allures et prendre les modes des jeunes gens. […] Si l’on considère l’âge des élèves, en moyenne de dix-huit à vingt-quatre ans, on peut trouver qu’une telle réserve est presque exagérée. […] Ces messieurs, plus sages que moi, me faisaient remarquer combien ce régime d’immobilité, à l’âge que j’avais, était préjudiciable à ma santé. […] On voit poindre, en effet, un âge où l’homme n’attachera plus beaucoup d’intérêt à son passé.
Les temps modernes antérieurs à notre âge présentent presque toujours le même spectacle. […] Ces codes absolus, audacieuses synthèses qui prétendaient prévoir le génie et l’emprisonner d’avance dans leurs hautaines prescriptions, ne pouvaient résister à la marée montante des chefs-d’œuvre de tous les âges. […] Le premier réconcilia l’esprit moderne avec le christianisme de la tradition, en nous montrant autour de sa tête pâle l’auréole divine de la beauté ; la seconde apprit aux lettrés de notre âge à retrouver dans la société, dans les arts, dans toute la création, le sentiment religieux, ce christianisme de la raison, non moins immortel que l’autre. […] Cousin est l’hôte des Allemands ; mais il est avant tout l’élève et le compatriote de Descartes ; il est ou sera l’adorateur de toutes les beautés du xviie siècle, de cet âge qui, dans son spiritualisme sévère, arrête la vie aux limites de l’intelligence, ne voit dans la nature que l’homme, et dans l’homme que la pensée22.
Le métaphysicien Malebranche, dans sa jeunesse et avant d’avoir trouvé sa vocation, avait voulu s’appliquer à l’histoire ecclésiastique ; il commença par lire Eusèbe et d’autres chroniqueurs : « Mais les faits, dit Fontenelle, ne se liaient point dans sa tête les uns aux autres ; ils ne faisaient que s’effacer mutuellement. » Au contraire, prenez un pur historien, Tillemont : tout enfant, dès l’âge de douze ans, il ne peut se détacher de Tite-Live ; dès qu’il l’a ouvert, il ne peut se résoudre à le fermer qu’il n’en ait lu tout un livre. […] — Dans l’âge suivant, au xve siècle, dit Gray à la suite du passage que j’ai précédemment cité, je vois que Froissart était lu avec grand plaisir par tous ceux qui savaient lire, et sur le même pied que le Roi Arthur, Sire Tristram et l’Archevêque Turpin ; non pas qu’on le prît pour un romancier auteur de fables, mais bien parce qu’on les prenait, eux tous, pour de vrais et authentiques historiens ; tant il était alors de peu de conséquence pour un homme, de se mettre en peine d’écrire la vérité ! […] J’ai vu le modèle qui n’attend plus que le marbre : Froissart encore jeune, et à cet âge où le poète en lui pouvait plaire, y est représenté assis, non plus en quête et questionnant, mais tel qu’il devait être, lorsque, rentré dans sa ville natale, il recueillait ses souvenirs et les couchait par écrit pendant des heures de méditation légère29.
Je me suis permis d’exposer ce détail qui laisse voir en une sorte de conflit deux noms célèbres, ou du moins j’ai voulu l’indiquer en renvoyant aux vraies sources, aux Mémoires de la guerre de la succession, pour qu’on ne dise pas en deux mots que Villars a miné et supplanté Catinat à l’armée du Rhin, tandis que réellement Catinat, quelque respect que l’on doive à son caractère, s’y mina lui-même par une inaction et une circonspection excessive qu’il n’avait sans doute pas toujours eue à ce degré, mais qui s’était accrue avec l’âge, au point de devenir elle-même un danger. « Il y a des temps où les Fabius sont de bon usage, et des temps où les Marcellus sont nécessaires. » Le mot est de M. des Alleurs, un des amis de Villars, lequel l’accepte volontiers et s’en décore. […] Faut-il que les raisons de cour, les protections, certains emplois déjà occupés, le grand âge, de longs mais froids services… Il s’embrouille dans sa phrase (ce qui lui arrive quelquefois quand les phrases sont longues), et il ne l’achève pas ; mais il suit très bien sa pensée, et il veut dire ce qu’il redit souvent encore ailleurs en des termes que je résume ainsi : « Les hommes à la guerre sont rares ; avec mes défauts, je crois en être un ; essayez de moi. » Villars, à la tête d’un détachement considérable et par le fait général en chef, investi de la confiance du roi, ne songe qu’à la justifier. […] Depuis l’âge de onze ans, Sire, je n’ai d’autre application que de vous bien servir ; mais le 14 de ce mois, ce n’a pas été inutilement.
Boissonade, qu’on a perdu en 1857 à l’âge de 83 ans, ce doyen des hellénistes français, n’était pas seulement un savant des plus distingués, un esprit sagace et fin : c’était un caractère original. […] savoir le grec, ce n’est pas comme on pourrait se l’imaginer, comprendre le sens des auteurs, de certains auteurs, en gros, vaille que vaille (ce qui est déjà beaucoup), et les traduire à peu près ; savoir le grec, c’est la chose du monde la plus rare, la plus difficile, — j’en puis parler pour l’avoir tenté maintes fois et y avoir toujours échoué ; — c’est comprendre non pas seulement les mots, mais toutes les formes de la langue la plus complète, la plus savante, la plus nuancée, en distinguer les dialectes, les âges, en sentir le ton et l’accent, — cette accentuation variable et mobile, sans l’entente de laquelle on reste plus ou moins barbare ; — c’est avoir la tête assez ferme pour saisir chez des auteurs tels qu’un Thucydide le jeu de groupes entiers d’expressions qui n’en font qu’une seule dans la phrase et qui se comportent et se gouvernent comme un seul mot ; c’est, tout en embrassant l’ensemble du discours, jouir à chaque instant de ces contrastes continuels et de ces ingénieuses symétries qui en opposent et en balancent les membres ; c’est ne pas rester indifférent non plus à l’intention, à la signification légère de cette quantité de particules intraduisibles, mais non pas insaisissables, qui parsèment le dialogue et qui lui donnent avec un air de laisser aller toute sa finesse, son ironie et sa grâce ; c’est chez les lyriques, dans les chœurs des tragédies ou dans les odes de Pindare, deviner et suivre le fil délié d’une pensée sous des métaphores continues les plus imprévues et les plus diverses, sous des figures à dépayser les imaginations les plus hardies ; c’est, entre toutes les délicatesses des rhythmes, démêler ceux qui, au premier coup d’œil, semblent les mêmes, et qui pourtant diffèrent ; c’est reconnaître, par exemple, à la simple oreille, dans l’hexamètre pastoral de Théocrite autre chose, une autre allure, une autre légèreté que dans l’hexamètre plus grave des poètes épiques… Que vous dirais-je encore ? […] Il avait été et était resté fort galant ; il dut être très-sensible aux pertes de l’âge et souffrir dans sa fierté de ce qui lui manquait pour avoir des succès complets en vieillissant. il l’a remarqué de Solon et des anciens sages : pourquoi ne le remarquerait-on pas de lui ?
Dans tous ces écrits, dans le texte, les préfaces, les moindres notes, dans tout ce qui sort de la plume de M. de Lescure, on sent l’âme, le cœur, la sève, un bouillonnement d’esprit et de noble ambition ; l’âge lui en retirera assez, et, loin de le blâmer de ce trop de vivacité et de ferveur, je suis tenté plutôt de lui appliquer le mot de Chateaubriand : « Laissons l’écume blanchir au frein du jeune coursier. » Aujourd’hui il a rencontré sur son chemin, dans le cours de son ardente recherche en tous sens, le Journal manuscrit de Mathieu Marais, et il nous le donne avec des suites de lettres de ce même avocat curieux et savant. […] Né en octobre 1665, à Paris, sur la paroisse Saint-Eustache, rue du Bouloi, mort à l’âge de soixante-douze ans, en juin 1737, même paroisse, même rue et peut-être même logis, Mathieu Marais est une de ces figures secondaires, mais non vulgaires et nullement effacées, qui peuvent servir à personnifier une génération et toute une classe d’esprits. […] Cette belle personne de l’âge de seize ans, qu’il se choisit pour se récréer la vue et pour s’entretenir avec elle lorsqu’il demeurerait seul, plutôt que pour aucun usage auquel il la pût appliquer, en ferait le principal ornement.
Il y avait quatre enfants en bas âge ; elle était l’aînée, et elle se dit que c’était à elle de faire l’office de chef de famille, de s’occuper de ses frère et sœurs, de es élever : elle le fit si bien et avec tant de suite, que bientôt elle n’était connue dans le quartier que sous le nom de la petite mère. « Chacun était émerveillé de voir cette enfant en élever d’autres, et s’improviser mère à l’âge ou l’on est à peine une jeune fille. » La baronne Pasquier, épouse de notre illustre et respecté confrère, laquelle demeurait alors rue d’Anjou, eut l’idée de recourir à la jeune fille pour les bonnes œuvres qu’elle pratiquait. […] Mme Navier a commencé, dès l’âge de douze ans, ce ministère de veilleuse.
Les premières lettres nous le montrent à l’âge de vingt-six ans, partant pour son voyage d’Amérique où il allait, chargé par le Gouvernement français d’une mission, à l’effet d’étudier le système pénitentiaire, mais en réalité pour y observer la société, les lois, les mœurs, et rapporter les éléments du grand ouvrage qui a fondé sa réputation. […] Un jeune homme, à peu près du même âge qu’avait alors M. de Tocqueville, visite, à trente-trois ans d’intervalle, les mêmes contrées, le même empire transatlantique ; ce jeune homme a été élevé dans des conditions à peu près semblables à celles dans lesquelles l’avait été en son temps M. de Tocqueville, ou du moins il a été nourri dans un milieu fort approchant ; mais quelle manière différente d’aborder son sujet ! […] Quitter son pays à cet âge pour aller chercher fortune sur une terre étrangère, quelle misère !
On y apprend beaucoup de détails piquants de mœurs, et à connaître en somme (pourvu qu’on le lise avec contradiction) toute cette poésie du second âge. […] Les rapports qu’en son second volume, et à propos de Lucain, il établit entre les diverses poésies du second et du troisième âge des littératures, me semblent justes et constants. […] adressé à son livre, ou plutôt au critique des âges futurs, m’aurait été au cœur (à la place de M.
Chacun apporte ainsi dans sa jeunesse sa dose de foi, d’amour, de passion, d’enthousiasme ; chez quelques-uns, cette dose se renouvelle sans cesse ; je ne parle que de la portion de foi, d’amour, d’enthousiasme, qui ne réside pas essentiellement dans l’âme, dans la pensée, et qui a son auxiliaire dans l’humeur et dans le sang ; chez quelques-uns donc cette dose de chaleur de sang résiste au premier échec, au premier coup de tête, et se perpétue jusqu’à un âge plus ou moins avancé. […] C’est dans l’âge au-dessous de vingt ans que les meilleurs coups se ruent : c’est alors qu’il faut faire son emplette. » Il regrette le temps qu’il a perdu jeune à chasser les cailles et à hâter les vignerons (ce dut être pourtant un pauvre chasseur toujours et un compagnon peu rustique que Bayle, et il ne put guère jouir des champs que pendant la saison qu’il passa, affaibli de santé, aux bords de l’Ariége) ; il regrette même le temps qu’il a employé à étudier six ou sept heures par jour, parce qu’il n’observait aucun ordre, et qu’il étudiait sans cesse par anticipation. […] Si Bayle eût vécu au centre de la société lettrée de son âge, de cette société polie que M.
Un tel peuple est alors dans une disposition presque toujours insouciante ; le froid de l’âge semble atteindre la nation tout entière ; on en sait assez pour n’être pas étonné ; on n’a pas acquis assez de connaissances pour démêler avec certitude ce qui mérite l’estime ; beaucoup d’illusions sont détruites sans qu’aucune vérité soit établie ; on est retombé dans l’enfance par la vieillesse, dans l’incertitude par le raisonnement ; l’intérêt mutuel n’existe plus : on est dans cet état que le Dante appelait l’enfer des tièdes. […] Les gouvernements, dans les pays devenus libres, ont besoin, pour détruire les antiques erreurs, du ridicule qui en éloigne les jeunes gens, de la conviction qui en détache l’âge mûr ; ils ont besoin, pour fonder de nouveaux établissements, d’exciter la curiosité, l’espérance, l’enthousiasme, les sentiments créateurs enfin, qui ont donné naissance à tout ce qui existe, à tout ce qui dure ; et c’est dans l’art de parler et d’écrire que se trouvent les seuls moyens d’inspirer ces sentiments. […] L’homme a besoin de s’appuyer sur l’opinion de l’homme ; il n’ose se fier entièrement au sentiment de sa conscience ; il s’accuse de folie, s’il ne voit rien de semblable à lui ; et telle est la faiblesse de la nature humaine, telle est sa dépendance de la société, que l’homme pourrait presque se repentir de ses qualités comme de défauts involontaires, si l’opinion générale s’accordait à l’en blâmer : mais il a recours, dans son inquiétude, à ces livres, monuments des meilleurs et des plus nobles sentiments de tous les âges.