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605. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Lettres de la marquise Du Deffand. » pp. 412-431

C’est une dizaine d’années après, qu’elle sentit graduellement sa vue s’affaiblir, et qu’elle entrevit dans un avenir prochain l’horrible cécité. […] Je lus hier Othello, je viens de lire Henri VI ; je ne puis vous exprimer quel effet m’ont fait ces pièces, elles m’ont ressuscitée. » Elle aussi, à sa manière, elle a sa vue du fond comme Shakespeare, et sa lettre lxive est ce que j’appelle chez elle son monologue d’Hamlet. […] les deux traditions, celle qui la fait insensible, et celle qui la montre passionnée, doivent se combiner pour donner une vue complète.

606. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Œuvres de Frédéric le Grand. (Berlin, 1846-1850.) » pp. 144-164

Quant aux lettres de Frédéric, on leur a rendu plus de justice ; en lisant dans la correspondance de Voltaire celles que le roi lui adressait, entremêlées à celles qu’il recevait en retour, on trouve que non seulement elles soutiennent très bien le voisinage, mais qu’à égalité d’esprit, elles ont encore pour elles une supériorité de vue et de sens qui tient à la force de l’âme et du caractère. […] Darget, j’espère que l’édition sera faite et que tout sera dit… L’édition, à la fois protégée et clandestine, se fit donc ; mais il est curieux de voir comment M. de Choiseul s’y prit pour la falsifier, allant jusqu’à dresser de sa main le détail des corrections et modifications à y introduire : On ne peut le tolérer (ce recueil), écrivait-il encore à M. de Malesherbes, qu’en prenant les plus grandes précautions pour qu’il paraisse imprimé en pays étranger, et il ne faut pas perdre de vue cette considération, en exigeant des corrections. […] Il n’a rien, de ce côté, de bien brillant à première vue, ni de séduisant.

607. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Rulhière. » pp. 567-586

Cet écrit avait été demandé à Rulhière par le ministère pour venir en aide aux vues bienveillantes de Louis XVI en faveur des protestants ; il s’agissait de leur rendre simplement l’état civil. […] Homme de lettres, il était entré à l’Académie en 1787 avec un discours supérieur de vues et parfait d’élégance, qui lui avait valu un applaudissement unanime. […] « Les gens d’esprit se permettent quelquefois des bons mots, disait-il, mais il n’y a que les sots qui fassent des méchancetés. » Plus de quinze ans s’étaient écoulés depuis la mort de Rulhière, lorsqu’en 1806 Napoléon, ayant formé des desseins sur la Pologne et contre la Russie, crut utile à ses vues de faire publier l’ouvrage manuscrit qu’avait laissé Rulhière, et qui avait pour titre : Histoire de l’anarchie de Pologne et du démembrement de cette république.

608. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Paul-Louis Courier. — I. » pp. 322-340

La colonne Trajane est cependant à peu près telle que vous l’avez vue, et nos curieux, qui n’estiment que ce qu’on peut emporter et vendre, n’y font heureusement aucune attention40. […] Il renouvelle en toute occasion, à cette heure splendide, ce blasphème contre l’histoire qu’il a trop vue du fond du cul-de-sac sanglant de la Calabre : Oui, monsieur, écrivait-il à M.  […] La passion, pour la première fois, se mêla avec suite dans sa vue pratique des choses ; son humeur d’ailleurs le rendait tout propre à l’opposition.

609. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Boileau. » pp. 494-513

Les Montausier, les Huet, les Pellisson, les Scudéry en frémirent ; mais il suffit que Colbert comprît, qu’il distinguât entre tous le judicieux téméraire, qu’il se déridât à le lire et à l’entendre, et qu’au milieu de ses graves labeurs, la seule vue de Despréaux lui inspirât jusqu’à la fin de l’allégresse. […] On peut distinguer trois périodes dans la carrière poétique de Boileau : la première, qui s’étend jusqu’en 1667 à peu près, est celle du satirique pur, du jeune homme audacieux, chagrin, un peu étroit de vues, échappé du greffe et encore voisin de la basoche, occupé à rimer et à railler les sots rimeurs, à leur faire des niches dans ses hémistiches, et aussi à peindre avec relief et précision les ridicules extérieurs du quartier, à nommer bien haut les masques de sa connaissance : J’appelle un chat un chat, et Rolet un fripon. La seconde période, de 1669 à 1677, comprend le satirique encore, mais qui de plus en plus s’apaise, qui a des ménagements à garder d’ailleurs en s’établissant dans la gloire ; déjà sur un bon pied à la Cour ; qui devient plus sagement critique dans tous les sens, législateur du Parnasse en son Art poétique, et aussi plus philosophe dans sa vue agrandie de l’homme (Épître à Guilleragues), capable de délicieux loisir et des jouissances variées des champs (Épître à M. de Lamoignon), et dont l’imagination reposée et nullement refroidie sait combiner et inventer des tableaux désintéressés, d’une forme profonde dans leur badinage, et d’un ingénieux poussé à la perfection suprême, à l’art immortel.

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