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297. (1919) L’énergie spirituelle. Essais et conférences « Chapitre VI. L’effort intellectuel »

Comment apprendre par cœur, quand ce n’est pas en vue d’un rappel instantané ? […] On obtient ainsi une vue schématique de l’ensemble. […] Le long de la démonstration vue ou entendue nous avons cueilli quelques suggestions, choisi des points de repère. […] Mais nous nous bornons à indiquer cette vue sans nous y arrêter. […] Ces deux vues sont aisément conciliables entre elles.

298. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Sully, ses Économies royales ou Mémoires. — III. (Fin.) » pp. 175-194

Toutes ces épreuves et contre-épreuves affermissent l’opinion du roi sur Rosny, et décident de son établissement qui croît à vue d’œil et s’étend de jour en jour. […] En matière de finances, de même que plus tard en artillerie et dans l’art des sièges, ne demandez pas à Rosny des inventions qui changent la science et la fassent avancer : il n’a pas de ces grandes vues générales, et souvent simples dans leur principe ; mais des inventions et des industries de détail, il en est plein ; il a toutes sortes d’expédients pour tirer parti des circonstances et pour rétablir les choses sur le meilleur pied et le plus solide. […] Tous les mois Rosny fait sa visite à l’armée à la tête de son convoi : il fait voiturer avec lui cent cinquante mille écus pour la montre ou solde ; cette vue réjouit les cœurs, « tous les capitaines et soldats criant tout haut qu’il paraissait bien maintenant que le roi avait mis en ses finances un gentilhomme d’illustre maison, qui était bon Français, bon soldat et en avait toujours fait le métier, puisqu’il servait si bien le roi et la France… ». […] Il lui reproche de manquer de vue, de conseil, et, dans de telles circonstances, de n’avoir songé qu’à sa situation privée, à ses charges et aux dédommagements qu’il pouvait exiger en se retirant : « Il est vrai, dit Richelieu, qu’on n’avait autre intention que de lui faire un pont d’or, que les grandes âmes souvent méprisent, lorsqu’en leur retraite ils peuvent eux-mêmes s’en faire un de gloire. » Richelieu eut aussi, mais par nécessité seulement, ses heures et ses années de souplesse où, bon gré mal gré, la gloire fut subordonnée à d’autres soins : quand il fut au complet et qu’il put donner toute sa mesure, reconnaissons qu’il eut autrement de généreux orgueil et de grandeur d’âme.

299. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Joinville. — I. » pp. 495-512

« Circé, est-il dit d’Ulysse dans Homère, retient ce héros malheureux et gémissant, et sans cesse par de douces et trompeuses paroles elle le flatte, pour lui faire oublier Ithaque : mais Ulysse, dont l’unique désir est au moins de voir la fumée s’élever de sa terre natale, voudrait mourir. » — Citant ce passage de Joinville, qui m’a rappelé celui d’Homère, Chateaubriand, au début de son Itinéraire de Paris à Jérusalem, où il a la prétention d’aller en pèlerin aussi et presque comme le dernier des croisés, tandis qu’il n’y va que comme le premier des touristes, a dit : « En quittant de nouveau ma patrie, le 13 juillet 1806, je ne craignis point de tourner la tête, comme le sénéchal de Champagne : presque étranger dans mon pays, je n’abandonnais après moi ni château, ni chaumière. » Ici l’illustre auteur avec son raisonnement me touche moins qu’il ne voudrait : il est bien vrai que, de posséder ou château ou simple maison et chaumière, cela dispose, au départ, à pleurer : mais, même en ne possédant rien sur la terre natale, il est des lieux dont la vue touche et pénètre au moment où l’on s’en sépare et dans le regard d’adieu. […] Et en bref temps le vent donna dans la voile et nous ôta la vue de la terre, si bien que nous ne vîmes plus que le ciel et l’eau ; et chaque jour nous éloignait le vent des pays où nous étions nés. […] On fait route non sans accidents merveilleux ; car, un soir, le vaisseau se trouve en vue d’une terre ou d’une île qui était, ce semble, aux Sarrasins, et, après avoir marché ou cru marcher toute la nuit, le lendemain on reconnaît qu’on n’a fait aucun chemin, et qu’on est encore en vue de la même terre ; cela se renouvelle par deux ou trois fois : on s’estime fort en danger d’être aperçu et pris. […] Depuis ce moment, le navire vogue et perd de vue la fatale montagne ; on arrive sans encombre en Chypre, où était le rendez-vous.

300. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Divers écrits de M. H. Taine — I » pp. 249-267

Cet essai est, à première vue, la chose la plus étrange et la plus inattendue, eu égard au sujet. […] Les formules générales n’attestent qu’une vue et un vœu de certains esprits ; il est mieux d’en être sobre et de ne les faire intervenir qu’à la dernière extrémité, car, trop fréquentes et présentées à tout moment, elles offusquent et elles écrasent. […] Toutes ces parties de son livre sont supérieures de vues, et, qui plus est, pittoresques à ravir. […] Il est peu de pages plus belles que celles qu’il a consacrées à décrire ce qu’on voit du haut du Bergonz, montagne située derrière Luz, et qui est fort bien placée pour servir de belvédère sur l’ensemble des Pyrénées ; c’est le point central du livre et du tableau : Quelle vue !

301. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Le père Lacordaire. Les quatre moments religieux au XIXe siècle, (suite et fin.) »

Rome, sans doute, sous le gouvernement de Pie VI, n’avait, guère profité, et elle était déjà, par les abus et les vices incurables, ce qu’on l’a vue et sue depuis ; mais la question religieuse, alors, était et restait surtout une question française. […] Liautard qui était jusqu’au cou dans toute cette manigance, ou plutôt on se figure sans peine « combien il fallut de soins et de minutieuses attentions pour dépouiller le roi de ses propres idées, pour refaire en quelque sorte son cerveau, sa mémoire, son cœur, toutes ses facultés, toutes ses affections. » Ce qu’il y a de plus certain, c’est que Louis XVIII, ainsi travaillé, faiblit à vue d’œil et baissa. […] Mais la Congrégation triomphe ; elle est au pinacle : la scène change aussitôt, et d’un déjeuner à l’autre, — un vrai changement à vue. […] C’est, redirai-je d’après lui à mon tour, c’est être ou avoir été amis, avoir eu, à une certaine heure de jeunesse, des sentiments vifs et purs en commun ; avoir eu volontiers mêmes vues à l’horizon, mêmes perspectives et mêmes vœux, par le seul fait de cohabitation morale dans un même navire ; ou, dans des navires différents, avoir fait route quelque temps de conserve sous les mêmes astres, avoir jeté l’ancre un moment côte à côte dans de belles eaux ; s’être connus et goûtés dans des saisons meilleures ; sentir, même en s’éloignant, qu’on est, malgré tout, de la même escadre, qu’on flotte ensemble, qu’on est à bord d’une même expédition, qui s’appelle pompeusement le siècle, qui comprend environ un quart, de siècle et qui, pour la plupart, n’ira guère au-delà.

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