Ou je ne sais pas lire, ou ces vers, par exemple : Le ciel défend, de vrai, certains contentements ; Mais on trouve avec lui des accommodements. […] Et c’est ce truand qui est resté, dans l’imagination populaire, le vrai Tartuffe. […] Peu importe qu’à mes yeux le vrai Tartuffe ce soit l’autre, « le second », ou mieux encore (je l’avoue franchement), l’Onuphre de La Bruyère, si finement nuancé, si profond, si cohérent, si harmonieux. « Il ne dit point : Ma haire et ma discipline, au contraire ; il passerait pour ce qu’il est, pour un hypocrite, et il veut passer pour ce qu’il n’est pas, pour un homme dévot ; il est vrai qu’il fait en sorte que l’on croie, sans qu’il le dise, qu’il porte une haire et qu’il se donne la discipline… S’il se trouve bien d’un homme opulent, à qui il a su imposer, dont il est le parasite… il ne cajole point sa femme, il ne lui fait du moins ni avance, ni déclaration ; il s’enfuira, il lui laissera son manteau, s’il n’est aussi sûr d’elle que de lui-même. […] Vrai, j’aime mieux l’impureté franche et qui avoue.
Isabelle et Colombine sont de vraies Parisiennes. […] » Et quant au mariage, voici Pasquariel, libraire, qui vend un livre, lequel ressemble de bien près à notre vieux livre des Quinze joyes, ce sont : « Les Agréments et les chagrins du mariage, en trois tomes ; le chapitre des agréments contient la première page du premier feuillet du premier tome et le chapitre des chagrins contient tout le reste. » Bon ou mauvais, vrai ou faux, tout cela ne nous vient pas d’au-delà des monts. […] Un homme même qui est quelquefois attaqué de vertiges : cela est vrai. […] Cela est vrai. […] Remue ciel et terre pour être procureur des bonnes directions, et ne t’endors jamais sur une consignation ; c’est le vrai patrimoine des procureurs.
L’imagination passe toujours de la surprise que lui cause la description d’une cause incroyable à l’effroi que lui donne nécessairement la vérité du tableau : il arrive de là que ce monde visible ayant fourni au poëte autant d’images pour peindre son monde idéal, il conduit et ramène sans cesse le lecteur de l’un à l’autre ; et ce mélange d’événements si invraisemblables et de couleurs si vraies fait toute la magie de son poëme. […] Il est vrai que, dans cette immense galerie de supplices, on ne rencontre pas assez d’épisodes ; et, malgré la brièveté des chants, qui sont comme des repos placés de très-près, le lecteur le plus intrépide ne peut échapper à la fatigue. […] On se demande, après l’avoir lu, comment un homme a pu trouver dans son imagination tant de supplices différents, qu’il semble avoir épuisé les ressources de la vengeance divine ; comment il a pu, dans une langue naissante, les peindre avec des couleurs si chaudes et si vraies, et, dans une carrière de trente-quatre chants, se tenir sans cesse la tête courbée dans les Enfers. […] En effet, la langue française ne recevra toute sa perfection qu’en allant chez ses voisins pour commercer et pour reconnaître ses vraies richesses ; en fouillant dans l’antiquité à qui elle doit son premier levain, et en cherchant les limites qui la séparent des autres langues. […] Tels sont sans doute aussi les beaux vers de Virgile et d’Homère ; ils offrent à la fois la pensée, l’image et le sentiment : ce sont de vrais polypes, vivants dans le tout, et vivants dans chaque partie ; et dans cette plénitude de poésie, il ne peut se trouver un mot qui n’ait une grande intention.
Pour faire le plus charmant et le plus vrai portrait de Voltaire, il suffirait d’extraire avec choix quelques-unes de ses propres paroles ; Voltaire n’est pas homme à se contraindre, même en ce qui le juge, ni à retenir longtemps ses pensées : Ne me dites point que je travaille trop, écrivait-il vers ces années de Cirey : ces travaux sont bien peu de chose pour un homme qui n’a point d’autre occupation. […] À table, Mme de Graffigny nous le fait voir charmant, attentif, servi d’ailleurs en prince, avec ses laquais et son valet de chambre derrière son fauteuil : Son valet de chambre ne quitte point sa chaise à table, et ses laquais lui remettent (au valet de chambre) ce qui lui est nécessaire, comme les pages aux gentilshommes du roi ; mais tout cela est fait sans aucun air de faste, tant il est vrai que les bons esprits savent en toute occasion conserver la dignité qui leur convient, sans avoir le ridicule d’y mettre jamais de l’affectation. […] J’ai dit que Mme de Graffigny, en vraie curieuse et caillette, écrivait tout ce qu’elle voyait et entendait à son ami Devaux, autre caillette, qui en parlait, de son côté, aux gens de Lorraine. […] Des accents vrais se font jour à cet endroit dans ses lettres, et rachètent ce que les premières avaient de trop petit et de trop indiscret. […] Il y a du vrai dans ce jugement final ; mais il est exagéré et rembruni par l’impression même du narrateur.
Ponocrates, au contraire, est un novateur, un homme moderne, selon la vraie Renaissance. […] Il y a de l’excès, de la charge assurément dans tout l’ensemble ; mais c’est une charge qu’il est facile de ramener au vrai, et dans le sens juste de l’humaine nature. […] Il y a pourtant du vrai dans cette manière d’envisager Rabelais le franc rieur, au sortir des terreurs du Moyen Âge et du labyrinthe de la scolastique, comme ayant consolé et rassuré le genre humain. […] Mais, pour les autres, pour les vrais amateurs, pour les vrais dévots pantagruéliques, Rabelais est bien autre chose, et il y a au fond du tonneau de maître François, et jusque dans sa lie, je ne sais quelle saveur qu’ils préfèrent à tout.