Le grand homme en tout ordre est celui qui, en vertu de lui-même et par suite de son accord avec l’âme des générations contemporaines ou postérieures, sans limites de temps, parvient à gagner à sa personne ou aux manifestations sensibles qui l’expriment, un nombre, proportionnel à sa gloire, de partisans, de croyants, d’admirateurs, qui, reconnaissant en lui leur type exemplaire, amplifient pour ainsi dire et répandent son être en consentant à faire ses volontés, à éprouver ses émotions, à concevoir ses pensées, à ressentir ses croyances.
C’est alors, cher ami Morf, que tu m’ouvris les yeux, que tu me montras, dans un passé de volonté consciente, toutes les promesses d’avenir.
Un des clients dont il gagna vaillamment la cause devant l’illustre assemblée, c’était précisément un écrivain de sa race intellectuelle, celui-là même que, par une touchante adoption, il a désigné pour être le mandataire et l’exécuteur de ses volontés littéraires. […] C’est dans le sein de ses âpres solitudes qu’il aime à épancher les fiertés incomprises de son âme ; c’est à ses sommets sublimes et à ses glaces éternelles qu’il vient demander les conseils qui font la raison droite, la volonté forte qui fait la vertu. […] Ce sentiment de tendresse et de vénération pour la nature s’entremêle souvent, chez M. de Laprade, avec une sorte de culte pour l’héroïsme, d’excitation aux grands efforts, aux grandes audaces, aux élans vers les morts glorieuses, à l’essor des volontés dans le dévouement ou dans la guerre. […] Corneille, du droit de sa mâle et droite raison, vient faire la leçon à nos rêveries molles, à nos volontés énervées ; il dissipe les ombres malsaines de nos mélancolies en faisant luire à nos yeux les pures clartés. […] Cette enfant porte en soi le germe des nobles qualités, la droiture, la sincérité absolue, la volonté impétueuse, tournée vers les choses difficiles et rares, le don fatal et sacré de l’enthousiasme.
Il est gouverné par des législateurs, qui donnent seulement le nom de lois à leurs volontés successives, d’hier, d’aujourd’hui, de demain. […] Il ne faut pas se roidir contre leur volonté ; mais il faut se conformer un peu à leur exemple qui ne laisse pas évidemment d’être aussi un peu leur volonté, car ils ne sauraient nous en vouloir de les prendre pour modèles. […] Quand nous avons l’idée du bien, nous en avons le désir, et quand nous en avons le désir, il est si vif que nous en avons la volonté. […] Parce qu’il n’y a qu’une éducation qui soit vraiment une éducation : c’est l’éducation de la volonté. […] Les forts, ce sont sans doute ceux qui peuvent imposer leur volonté.
« La volonté publique, disait-il, sur d’autres points de notre législation, a pu changer ; elle a pu ne pas se prononcer toujours avec précision et clarté : ici elle est unanime, constante, éclatante. […] nous avons parlé souvent de notre amour pour le peuple, de notre respect pour ses volontés : si ce langage ne fut pas vain dans nos bouches, respectons avant tout des institutions si chères à la multitude. De quelque nom que notre haute philosophie se plaise à les désigner, quelles que soient les jouissances plus exquises auxquelles nous pensons qu’elle nous admet, c’est là que le peuple a arrêté ses volontés, c’est là qu’il a fixé ses affections ; il nous suffit, et tous nos systèmes doivent s’abaisser devant sa volonté souveraine. » Tout en s’exprimant en philosophe, on le voit, mais en philosophe politique qui cherche à donner un fondement profond à la moralité, et qui ne dédaigne pas de lui trouver la sanction la plus intime, il essayait d’attendrir pour la première fois la législation, et, en la laissant égale pour tous les cultes, de lui infuser une pensée de sollicitude et d’intérêt supérieur pour chacun d’eux : « Que la liberté que vous accordez à tous les cultes ne soit donc point en vous l’effet d’une égale indifférence, encore moins d’un égal mépris, comme cette tolérance dont se parèrent longtemps de dangereux sophistes ; mais qu’elle soit le fruit d’une sincère affection. […] « Ils étaient royalistes, mais ils étaient législateurs, et, n’appartenant à la monarchie par aucune idolâtrie d’individus, par aucune de ces habitudes qui gouvernent le vulgaire, mais par le seul regard de l’ordre et de la félicité publique, ils considéraient avant tout les besoins actuels du peuple, et, remarquant que le repos, après tant d’agitations, en était le plus pressant, … ils se seraient gardés de troubler ce calme heureux… « Ils étaient royalistes, mais ils étaient citoyens ; ils savaient qu’ils n’avaient que leurs voix dans ce vaste empire ; ils tenaient leurs systèmes les plus chers subordonnés à la volonté nationale… « Ils étaient royalistes enfin, mais, j’ose le dire, les plus prudents et les plus éclairés des royalistes ; ils avaient bien compris que, si la monarchie pouvait se rétablir jamais, ce ne serait que par le développement libre et légal de cette imposante volonté publique ; que toute secousse violente, toute tentative contraire aux lois, loin de l’accélérer, en retarderait l’inévitable cours ; et ainsi pensaient-ils que conspirer pour la royauté, c’était en effet travailler contre la royauté. […] comment aurait-il consulté la volonté nationale, si la pensée publique n’était manifestée ?