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416. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Roger de Beauvoir »

C’est encore et toujours ce visage qui fut charmant, où la Gaîté et la Mélancolie luttaient pour le compte de la Séduction, mais où la Mélancolie a commencé de vaincre, — la Mélancolie qui s’est épaissie, à mesure que les années qui restent à vivre s’éclaircissent. […] ce qu’a souffert, et dans son corps et dans son âme, un des plus brillants jeunes gens du siècle, qui s’appelait Roger comme celui qui, dans l’Arioste, monte l’Hippogriffe, — qui le montait aussi, et qui le menait comme il le voulait dans le bleu, et qu’en voilà descendu maintenant, cloué par la douleur à terre, et comme Byron, leur maître à tous, à ces grands jeunes gens finis, le disait de lui-même ; « achevant de vivre à son foyer désert, au milieu des ruines de son cœur et dans l’abandon de ses dieux domestiques… » III Telle est, en effet, la destinée de Roger de Beauvoir. […] IV L’idéal entrevu, auquel je n’ai pas renoncé tant que Beauvoir vivra, m’a empêché d’appuyer sur tous les détails d’un talent que j’aime trop peut-être, et avec lequel, pour cette raison, je crains de manquer de force et de justice.

417. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Louis Bouilhet. Festons et Astragales. »

Nous connaissons assez le temps dans lequel nous avons le bonheur de vivre pour lui jurer… qu’il n’a pas sauvé la littérature, mais qu’il ne l’a pas exposée non plus… et qu’un jour ou l’autre il montera tout comme un autre à son petit Capitole d’Académie. […] Je crois même qu’il y a quelque part dans les Festons de ce talent qui a bu la poésie contemporaine, non comme une organisation, pour en vivre, mais comme une éponge, pour s’en emplir et s’en gonfler, oui, je crois qu’il y a un petit filon d’originalité qu’on pourrait sauver, qui n’a pas été noyé encore et qui pourrait devenir, en le dégageant, une individualité complète, et tout à l’heure je le dirai… Mais présentement, la personnalité de M.  […] IV Il y aurait peut-être moyen de vivre cependant… J’ai dit plus haut que dans M. 

418. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « M. Paul Bourget »

… Théophile Gautier avait vécu toute sa vie de poète sans être Parnassien, mais les Parnassiens l’ont réclamé comme un des leurs et ils se sont mis à l’ombre de ses ailes, à cet homme qui n’en avait pas — à cet uomo di sasso d’Émaux et Camées. […] Comme elles vivent d’imitation, elles s’imaginent qu’on imite comme elles, qu’on a des partis pris comme elles, quand on n’obéit qu’à sa nature. Elles auraient certainement accusé Alfieri de byronisme s’il n’avait pas vécu avant Byron, et elles en ont accusé Alfred de Musset pour être venu après.

419. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre VIII. De Platon considéré comme panégyriste de Socrate. »

Il finit par ces mots sublimes et simples : « Mais il est temps de nous en aller, moi pour mourir et vous pour vivre : de ces deux choses, quelle est la meilleure ? […] Socrate, avec la tranquillité d’un homme qui juge une cause qui lui est étrangère, examine s’il doit fuir ou rester : « Ami Criton, dit-il, il n’y a qu’une règle, la justice ; tant que j’ai vécu, je lui ai obéi : je suis encore le même. […] tu entendrais souvent des discours qui te feraient rougir… Est-ce pour tes enfants que tu voudrais vivre ?

420. (1902) Propos littéraires. Première série

Vous vivons un moment et nous ne gagnerions rien à vivre toujours. […] Il vivra, et même il aura tendance à s’accroître. […] “On peut donc vivre sans amour les drames les plus violents de l’amour ! […] Il l’a traitée de folle et lui a commandé de vivre, ne fût-ce que pour que quelque chose restât de lui, pour qu’il pût vivre encore dans son souvenir, dans les intimités mélancoliques de son regret. […] Ceux qui restent inconscients vivent dans le vrai, dans le vrai pur.

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