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323. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Conclusion »

Je m’en tiendrai, parmi les vivants, à ceux qui, selon les lois de la nature humaine, semblent avoir accompli leur œuvre, et qui depuis longtemps en sont récompensés par l’admiration publique. […] Il était prêt ; il a renouvelé son talent, et ses dernières poésies, vivantes et passionnées, et que remplit l’humain, ont achevé sa célébrité brillamment commencée par les œuvres de sa première manière. […] Nous l’avons vue aussi parmi les choses les plus voyantes et les plus bruyantes, moitié rêve, moitié chant lyrique, idéalisant les multitudes, et cherchant les grands hommes dans les propos de leurs valets, tombant des hauteurs du symbole dans l’anecdote, mais éloquente, vivante, dans une langue dont les emportements mêmes sont savants et qui est travaillée jusqu’au souci du rythme. […] Il leur apprend, par le détail approfondi et le tableau expressif des fautes qui minaient le gouvernement aristocratique à Rome, qu’il faut ne pas s’entêter ni s’opiniâtrer ; savoir ne garder du passé que ce qui en est vivant, et rompre avec ce qui en est caduc ; apercevoir de loin à l’horizon les intérêts nouveaux, et, le moment venu, leur faire leur juste part ; se convaincre enfin qu’au milieu des idées qui changent, des mœurs qui se renouvellent, des souffrances et des espérances qui travaillent les sociétés humaines, un gouvernement est tenu de ne pas vieillir. […] Dans sa trop vaste galerie, parmi une multitude d’ébauches excessives, mais vivantes, il y a deux portraits achevés, ceux du père Grandet et de sa fille, dans le roman durable d’Eugénie Grandet.

324. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre IV. L’âge moderne. — Chapitre II. Lord Byron. » pp. 334-423

Son journal, ses lettres familières, toute sa prose involontaire est comme frémissante d’esprit, de colère, d’enthousiasme ; le cri de la sensation y vibre aux moindres mots ; depuis Saint-Simon, on n’a pas vu de confidences plus vivantes. […] » Ces anges « qui se réjouissent de la riche beauté vivante, que la trame incessante de l’être vient envelopper dans les suaves liens de l’amour, qui fixent en pensées stables la vapeur onduleuse des apparitions changeantes », sont-ils autre chose, pour un instant du moins, que l’intelligence idéale qui, par la sympathie, arrive à tout aimer, et par les idées, à tout comprendre ? Que dirons-nous de ce Dieu, d’abord biblique et personnel, qui peu à peu se déforme, s’évanouit, et reculant dans les profondeurs, derrière les magnificences de la nature vivante et les splendeurs de la rêverie mystique, se confond avec l’inaccessible absolu ? […] La raison et la vertu humaines ont pour matériaux les instincts et les images animales, comme les formes vivantes ont pour instruments les lois physiques, comme les matières organiques ont pour éléments les substances minérales. […] Surtout qui est-ce qui s’indignera contre une géométrie vivante ?

325. (1862) Cours familier de littérature. XIII « LXXVIIe entretien. Phidias, par Louis de Ronchaud (2e partie) » pp. 241-331

Je ne pouvais croire qu’un homme vivant eût fait cela ; je me figurais que ce Génie, ce lion, ce groupe, étaient tombés de la voûte de Saint-Pierre de Rome, tout sculptés là-haut par quelque ciseau angélique du temps de Michel-Ange ou de Raphaël. […] Recueillez-vous, comme je l’ai fait souvent tout un jour, dans la chapelle funéraire des Médicis, de San-Lorenzo ; contemplez d’abord l’admirable et sobre architecture de cette chapelle, cadre austère de quatre tombeaux portés et incrustés dans les murs, puis levez les yeux vers ces morts vivants ! […] Cette idée même de proportion qui éclate comme la lumière dans toutes les œuvres de l’art grec, et qui donne à l’architecture un caractère de perfection inconnu auparavant, semble suggérée à l’esprit par la contemplation du corps humain, ce chef-d’œuvre vivant de convenance et d’harmonie. […] que l’artiste infusait de sa propre individualité, de son propre sang, dans les formes, dans les veines des êtres qu’il créait, et que c’est encore une partie de sa vie qu’on voit palpiter dans ces formes vivantes, dans ces membres prêts à se mouvoir, sur ces lèvres prêtes à parler. […] Je voulais emporter pour moi un souvenir vivant, un souvenir écrit de ce moment de ma vie !

326. (1831) Discours aux artistes. De la poésie de notre époque pp. 60-88

Pensez à ces myriades de spectacles que la surface vivante de la terre, animée par le contact des cieux, engendre à chaque instant de l’éternité, et qui n’attendent pas, pour se produire toujours nouveaux, qu’un œil ou une oreille soient là pour les saisir. […] Il faut pour cela avoir le cœur libre, la tête pas trop ardente ; il faut n’avoir pas la tradition et l’héritage de la partie la plus vivante de l’Humanité. […] Il est tout simple que la verdoyante Écosse, qui conserve, toute fraîche et toute vivante, la tradition de ses clans et de ses petites guerres civiles, et où il reste mille traces du Moyen-Âge qui n’est pas remplacé pour elle, ait donné au monde un génie conteur et original, ami des traditions merveilleuses et des peintures du Moyen-Âge. […] Les êtres que nous appelons vivants et ceux que nous regardons comme inanimés, les édifices naturels que la terre présente à nos regards et les édifices que l’homme y a ajoutés, seront les miroirs où il lira et fera lire sa pensée. […] La même inspiration panthéistique, le sentiment le plus exalté et le plus profond de la vie universelle, la foi que dans le monde tout est lié, tout est uni, accordé, qu’un anneau qui s’ébranle ébranle la chaîne, qu’une corde qui vibre fait vibrer toutes les cordes de cette harpe infinie qui est l’Univers ; voilà la grande pensée lyrique dans laquelle ils sont unis, et j’ose dire que c’est la toute leur religion ; voilà aussi la partie vivante de leur œuvre ; voilà ce qu’on découvre toujours sous l’enveloppe de leur poésie ; voilà le fond de leur âme sous toutes les formes transitoires qu’ils ont pu ou qu’ils pourront revêtir.

327. (1890) L’avenir de la science « X » pp. 225-238

Mais ce qu’ils n’avaient pas aperçu, c’est la force active et vivante, qui produit ce mouvement, qui anime ces causes et qui, sans aucune coaction extérieure, par sa seule tendance au parfait, accomplit le plan providentiel. […] Là, au contraire, on prend l’organisme vivant, la variété spécifique, le mouvement, le devenir, l’histoire en un mot. […] Pour comprendre le vrai sens de ces beautés exotiques, il faut s’être identifié avec l’esprit humain ; il faut sentir, vivre avec lui, pour le retrouver partout original, vivant, harmonieux jusque dans ses créations les plus excentriques. […] Michelet, écoutons ce jeune maître des vieux temps ; il n’a nullement besoin pour nous instruire de pénétrer ce qu’il dit ; mais c’est comme un témoin vivant : il y était, il en sait mieux le conte » (Le Peuple, p. 212). […] Ceci est surtout choquant quand il s’agit des langues anciennes, lesquelles n’avaient pas de règles à proprement parler, mais une organisation vivante, dont on avait encore la conscience actuelle.

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