Justement, voici deux bourgeois en paletot qui se rencontrent sous un réverbère ; ils vont parler de choses très sérieuses, raviver des souvenirs tout saignants encore : les familles dispersées, le déchirement des séparations, les femmes et les enfants abandonnant la ville assiégée. […] Il y a quinze ans qu’ils vivent à Lausanne, sous le pavillon d’un subterfuge qui leur garantit l’estime de la petite ville. […] Je n’ai vu le plan de la ville du Havre, où l’action se passe, gravé, pour la circonstance, dans aucun journal. […] On jasait par la ville des empressements de Léopold auprès de la jeune créole admise dans la maison de son père : de cette rumeur, la préfecture fait un tapage, un éclat, une clameur de haro. […] Le scandale court par la ville, s’embarque au quai pour l’Angleterre, et en revient avec le dédit formel de la famille anglaise qui devait prendre Marie Letellier pour institutrice. — Shoking !
Chéruel me paraît aussi trop insister sur la bravoure du maréchal ; elle était loin d’être proverbiale en son temps : c’est un point sur lequel Saint-Simon n’invente rien et se fait l’écho des bruits de ville et de Cour. […] La marche fut ouverte par le régiment des gardes, le maréchal à la tête, ensuite les officiers et les archers de la maréchaussée, puis le duc de Gèvres, gouverneur de Paris, précédé des archers de ville et suivi du prévôt des marchands et de tout le Corps de ville. Tout ce cortège arrivant à la place, on découvrit la statue, et il défila trois fois autour d’icelle, le maréchal et le duc de Gèvres la saluant de l’épée, les officiers des gardes de la pique, la maréchaussée aussi de l’épée, et le Corps de ville avec de profondes inclinations. […] Au sortir, les princes et princesses allèrent à une grande collation qui leur avait été préparée à l’Hôtel de ville ; elle fut suivie d’un grand bal et d’un beau feu d’artifice qui finit toute cette fête, qui n’aura, je crois, de longtemps sa pareille. » C’est au sortir de cette cérémonie qu’un des ancêtres de Mirabeau qui servait dans le régiment des gardes, passant sur le Pont-Neuf à la tête de ses hommes, fit arrêter devant la statue d’Henri IV et saluant le premier de la pique, il s’écria : « Mes amis, saluons celui-ci, il en vaut bien un autre !
À Cahors, l’évêque-comte de la ville a le droit, quand il officie solennellement, « de faire mettre sur l’autel le casque, la cuirasse, les gantelets et l’épée36 ». […] À Remiremont, le chapitre noble des chanoinesses a « la basse, haute et moyenne justice dans cinquante-deux bans de seigneuries », présente à soixante-quinze cures, confère dix canonicats mâles, nomme dans la ville les officiers municipaux, outre cela trois tribunaux de première instance et d’appel et partout les officiers de gruerie. Trente-deux évêques, sans compter les chapitres, sont ainsi seigneurs temporels, en tout ou en partie, de leur ville épiscopale, parfois du district environnant, parfois, comme l’évêque de Saint-Claude, de tout le pays. […] Les maisons religieuses à vendre dans la seule ville de Paris étaient estimées cent cinquante millions. […] , 249, 258. « Il n’y a guère de villes seigneuriales qui n’aient des boucheries banales.
Sur la vieille légende contée par Hilaire, qui fait de saint Nicolas le garde du trésor d’un barbare, Bodel a jeté librement les sentiments, les habitudes de son temps et de sa ville. […] C’est un trouvère d’Arras qui fit jouer au xiie siècle ces deux pièces remarquables, et l’une à Arras même, au puy : or Arras est précisément la ville qui, la première à notre connaissance, s’empara du drame religieux, et lui donna, avec Bodel surtout, le caractère d’un divertissement dévot, mais laïque. […] Imaginez-vous une sorte de revue où défilent sous leur nom, avec leur caractère, en propre personne ou par directe désignation, dix ou vingt bourgeois connus de la ville, où le poète, à côté de son père et de ses voisins, s’introduit, contant son mariage, comment il s’est défroqué pour épouser la belle qui l’a si délicieusement ravi et si vite lassé, comment il veut se démarier, et s’en aller à Paris étudier : écoutez ces propos salés et mordants de compères en belle humeur, qui en disent de dures sur les femmes, et voyez dans un brouhaha de « kermesse », selon le mot si juste de M. […] Petit de Julleville signale sept représentations de moralités, farces, dialogues, données en diverses villes. […] Biographie : Adam de la Halle, dit le Bossu, né à Arras vers 1235, étudia pour être clerc, se maria, le regretta, fit au moins le projet d’aller à Paris reprendre ses études, et composa à cette occasion (vers 1062) le Jeu de la Feuillue et sans doute le Congé qu’il adresse à sa ville natale.
La ville où l’on séjourne a beau être embrouillée, inégale, tortueuse, sans ordre et sans plan, pleine de carrefours, de tréteaux de charlatans, de passages et de ruelles, de monuments inachevés dont les pierres encombrent les places, d’arcs de triomphe sans chars ni statues de vainqueurs, de clochers et de coupoles sans croix : quand le soleil est couché, quand, du haut des collines prochaines, le voyageur qui n’est pas entré dans cette ville et qui n’y a pas vécu, l’aperçoit à l’horizon dessinant sa silhouette déjà sombre sur le ciel encore rougi du couchant, il la voit toute différente ; il y distingue des étages naturels, des accidents dominants, des masses imposantes et combinées ; les édifices que la distance et l’obscurité achèvent et idéalisent à ses yeux, lui apparaissent selon des hauteurs bien diverses. Ce voyageur qui passe et qui n’a pas le temps de s’approcher ni d’entrer, a-t-il donc tout à fait tort dans l’idée qu’il emporte de cette ville ?