/ 2577
775. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre premier : M. Laromiguière »

Voici une conversation qui en donnera l’idée ; elle m’a été racontée par un vieux sensualiste, ami de Laromiguière. […] Cette probabilité, d’elle-même, deviendra certitude, et les pauvres gens, tout honteux de leur réputation nouvelle, baisseront le dos, laisseront passer l’orage et se tiendront cois, silencieux dans leur cachette, espérant que, dans cinquante ans peut-être, la doctrine des esprits les plus lucides, les plus méthodiques et les plus français qui aient honoré la France, cessera de passer pour une philosophie de niais ou d’hommes suspects. » Voilà le raisonnement que se fit mon vieux sensualiste. […] Nous l’avons oubliée depuis trente ans, et nous la dédaignons aujourd’hui ; nous avons relevé une vieille logique, composée de pièces disparates, machine discordante dont la scolastique, Descartes et Pascal ont fourni les rouages rouillés, qu’Arnauld construisit un jour par défi, pour un enfant, et qui ne pouvait servir qu’à des esprits encore empêtrés dans la syllogistique du moyen âge5.

776. (1890) Les princes de la jeune critique pp. -299

C’est de faire peine à des gens qu’il estime et qu’il aime, c’est de refroidir de vieilles et chères amitiés, c’est de briser ces liens d’affection qui sont comme les fibres mêmes du cœur. […] sent se réveiller dans son cœur un vieux souvenir et il vous en fait part généreusement. […] « La vieille dramaturgie, en ce qu’elle a d’essentiel, demeure notre préférée », écrit-il. […] Ganderax est rude au patriarche du romantisme, ce n’est pas du moins qu’il le sacrifie à des adversaires indignes du vieux maître. […] Bourget n’est point sans doute possédé du regret de l’ancien régime : il est bien trop moderne pour cela ; mais il s’effarouche des innovations qui changent trop vite à son gré la face de la France ; il s’extasie sur les vieilles choses, les vieux usages et les vieilles lois, qui jettent comme un antique manteau de lierre sur les assises vermoulues de la société anglaise.

777. (1923) Critique et conférences (Œuvres posthumes II)

Moi, presque vieux, déjà j’attends, mon cher Raynaud. […] Quand à la langue splendide de ce roman picaresque, quant aux merveilleux chapitres intitulés : Le Château de la Misère, Effet de neige, Brigands pour les oiseaux, et tant d’autres, vieilles tapisseries que tout cela, en vérité ! […] Quant à mon vieux camarade Edmond Lepelletier, je ne puis lui en vouloir du portrait un peu vieux jeu qu’il trace de moi. […] Je ne parlerai ni d’Homère, ni de Virgile, quelque plaisir que nous en puissions éprouver tous, ici, ni de nos vieux poètes français, ni même du siècle de Louis XIV, pas même de la magnifique explosion romantique. […] Dernièrement encore, mon vieux camarade Lepelletier ne parlait-il pas d’immense mystification à froid à propos de la candidature du grand poète à l’Académie ?

778. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Molière »

Il considérait volontiers cette triste humanité comme une vieille enfant et une incurable, qu’il s’agit de redresser un peu, de soulager surtout en l’amusant. […] Ce fut le 24 octobre 1658, dans la salle des gardes au vieux Louvre, en présence de la cour et aussi des comédiens de l’hôtel de Bourgogne, périlleux auditoire, que Molière et sa troupe se hasardèrent à représenter Nicomède. […] Ses ennemis lui reprochaient de voler la moitié de ses œuvres aux vieux bouquins. […] Corneille, en effet, Crébillon, Schiller, Ducis, le vieux Marlowe, sont ainsi sujets à des lutins, à des émotions directes et soudaines, dans les accès de leur veine dramatique. […] On le faisait venir pour égayer ce bon vieux cardinal, pour l’émoustiller un peu ; madame de Sévigné en parle sur ce ton.

779. (1856) Cours familier de littérature. II « VIIe entretien » pp. 5-85

Il est toujours vieux et il est toujours jeune. […] Oui, nos temps, qui nous semblent vieux, sont jeunes. […] Nous avons vu cela quand les empereurs ont précipité Rome de liberté en servitude et de servitude en lâcheté, jusqu’à l’inondation de Rome et de Byzance par les jeunes barbares d’Attila, au lieu des vieux barbares de Marius. […] Les noms de ses publicistes, de ses orateurs, de ses hommes d’État, de ses poètes, de ses romanciers naissants, et déjà rivaux de leurs modèles dans le vieux monde, traversent déjà l’Atlantique ; ils nous apportent les échos d’un grand siècle de pensée après un grand siècle d’action. […] Les républicains auraient été, aux yeux de l’avenir, les incendiaires du vieux monde.

/ 2577