Et pourquoi, aux yeux de certaines gens, Edmond de Goncourt, est un gentleman, un amateur, un aristocrate qui fait joujou avec la littérature, et pourquoi Guy de Maupassant, lui, est-il un véritable homme de lettres ?
Mais nous ne tardons pas à nous apercevoir que, si toute multiplication implique la possibilité de traiter un nombre quelconque comme une unité provisoire qui s’ajoutera à elle-même, inversement les unités à leur tour sont de véritables nombres, aussi grands qu’on voudra, mais que l’on considère comme provisoirement indécomposables pour les composer entre eux.
Ce que Crevel emprunte à Diderot dans cet essai, au-delà de la métaphore du clavecin, c’est avant tout la liberté de la forme : le jeune surréaliste nous joue dans ces pages une véritable rhapsodie dans laquelle peuvent s’enchaîner une réflexion sur une expression de Hegel et une méditation sur les corsets, une diatribe contre l’Eglise et un récit de rêve… Il n’hésite pas non plus à y insérer un long poème sur les « grosses molles républiques » et une audacieuse psychanalyse de la vie de Jésus. […] Clavecin sensible : Les encyclopédistes dans leur immense entreprise, au cours d’un siècle de bouts-rimés, n’ont cessé de témoigner du véritable esprit poétique, d’un esprit qui voulait faire quelque chose, fit quelque chose, puisqu’il prépara la chose à faire la Révolution, et ainsi, fut digne de l’étymologie de son admirable qualificatif poétique du grec poiein, faire.
Le caractère des Consolations, c’est encore la mélancolie, l’ennui de soi ; c’est cette sorte de souffrance vague et de fatigue d’esprit, qui accable les imaginations rêveuses, dans une société où il n’y a plus de place pour les grandes passions, et où les âmes vivant en elles-mêmes s’usent à cette étude solitaire de leurs contradictions ; c’est ce dégoût de la vie réelle, cette soif d’un vague avenir, qu’on rêve avec des aspects divers, tantôt bruyant et glorieux, tantôt humble, avec un amour heureux et du calme ; c’est cet ennui du doute, qui fait qu’on est embarrassé de sa liberté, et qu’on a besoin de se mettre sous l’autorité d’une croyance ou d’une grande admiration ; véritable maladie de jeune homme, à ce moment critique où il n’est plus sous la discipline des écoles, et où il n’est pas encore saisi par la société, qui l’emploiera bientôt comme un rouage dans la grande machine, et qui effacera au profit de tous son originalité naturelle. […] Il demandait à entrer dans les villes par la brèche : on lui a fait des murs de bois peints en pierre, qu’on pouvait jeter bas avec des pioches véritables. […] Il faut observer, voir des contradictions, douter, se sentir glacé par l’incertitude, puis regarder encore et revenir à la charge ; véritable passion où l’écrivain est tenté bien des fois de s’écrier : « Dérision !
Un prêtre de l’endroit, l’abbé Sanchini, lui enseigna les premiers éléments du latin ; quant au grec, l’apprenant dès l’âge de huit ans dans la grammaire dite de Padoue, l’enfant jugea cette grammaire insuffisante, et, décidé à s’en passer, il se mit à aborder directement les textes qu’il trouvait dans la bibliothèque de son père ; il lut ainsi sans maître, et bientôt avec une surprenante facilité, les auteurs ecclésiastiques, les saints Pères, tout ce que lui fournissait en ce genre cette très-riche bibliothèque domestique ; le premier débrouillement fait, il lut méthodiquement, par ordre chronologique, plume en main, et, de même que chez Pascal, avec qui on l’a comparé, le génie mathématique éclata comme par miracle ; ainsi le génie philologique se fit jour merveilleusement chez le jeune Leopardi ; il devint un véritable érudit à l’âge où les autres en sont encore à répéter sur les bancs la dictée du maître.