Sans remonter si haut, si de nos jours le vénérable Goethe, dérogeant une fois à cet esprit de sagesse et d’à-propos qu’il sait porter en toutes choses, s’avisait sur la fin de sa carrière d’un effort malencontreux, qui de nous aurait le courage ou plutôt la lâcheté de relever sans pitié l’illusion du grand poëte, et de rompre par de rudes et inutiles vérités le calme religieux dans lequel il jouit de sa gloire ? […] Il n’y aurait qu’un cas où toutes ces distinctions, qu’on trouvera peut-être subtiles, mais qui se rattachent, selon nous, à la partie morale de la critique, deviendraient aussi funestes que ridicules, et où la vérité seule devrait parler, dure, amère, inexorable. […] Tant pis après tout pour l’homme de génie qui ne respecte ni le public, ni la vérité, ni lui-même : il délie les autres du devoir de le respecter. […] Si cette principale partie de l’ouvrage offre moins d’absurdités choquantes et puériles, elle n’est pas écrite avec plus de vérité, ni surtout plus de talent.
Sur ce vieillard honoré et méprisable il est donc courageux de cracher la vérité, même la simple vérité littéraire. […] Nul n’ose proclamer cette vérité sentie de tous : José-Maria de Heredia est la plus belle illustration de l’affirmation de Banville — encore un grand poète viager dont les vers furent enterrés en même temps que son cadavre, — que la discipline parnassienne peut faire du premier imbécile venu un versificateur correct et sonore. […] Il a réussi surtout dans le premier genre, si l’on veut bien y comprendre à la fois les inquiétudes du cœur et celles de l’esprit ; les « vaines tendresses » pour ce qui passe et pour la vérité éternelle.
Ses barbouillages de boue au front de la vérité sont dorure, lumière et gloire. […] Ils tournaient le dos à la fausse histoire, à la fausse société, à la fausse tradition, au faux dogme, à la fausse philosophie, au faux jour, à la fausse vérité. […] Mettre Pélion sur Ossa, labeur d’enfants à côté de cette besogne de géants : mettre le droit sur la vérité. […] Que voulez-vous de moi, ô vérité, seule majesté de ce monde ?
Ce que dit La Fontaine est presque d’une vérité exacte, et est au moins d’une vérité poétique. […] Les discours des trois principaux personnages, le lion, le renard et l’âne, sont d’une vérité telle que Molière lui-même n’eût pu aller plus loin. […] Ceci n’est pas à la vérité une règle de morale : ce n’est qu’un conseil de prudence ; mais il ne répugne pas à la morale.
Tout est cher à Paris, Bresdin avait été à même de constater cette triviale vérité. […] Et cependant, pour que la nature nous apparaisse dans son entière vérité, son élément poétique doit nécessairement être reproduit. […] C’est dire assez que les idéalistes, qui ne s’inquiètent nullement de la forme, et les réalistes, qui s’en contentent, qui ne voient dans la nature que des contours plus ou moins fermes, plus ou moins vagues, des masses plus ou moins éclairées, sont également en dehors de la vérité artistique. […] C’est partout un emmêlement, un entrecroisement merveilleux comme le songe, logique comme la vérité.