Mais, de nos jours, les barrières trop étroites ont dû céder ; les usages de la tribune ont gagné insensiblement, et l’on s’est donné carrière. En même temps que les compliments au cardinal de Richelieu, au chancelier Séguier et à Louis XIV, s’en sont allés avec tant d’autres choses, le fond des discours s’est mieux dessiné : celui du récipiendaire est devenu plus simple (plus simple de fond, sinon de ton) ; après le compliment de début et la révérence d’usage, le nouvel élu n’a qu’à raconter et à louer son prédécesseur. […] Lebrun-Tossa, son ami alors et son collaborateur en perspective, non pas un projet de canevas, mais une véritable pièce en trois actes et en vers, presque semblable en tout à celle qui est imprimée sous le titre de Conaxa, et qu’il en tira, comme c’est le droit et l’usage de tout poëte dramatique admis à reprendre son bien où il le trouve, une comédie en cinq actes et en vers, appropriée aux mœurs et au goût de 1810, marquée à neuf par les caractères de l’ambitieux et du philanthrope, et qui mérita son succès. […] C’est un usage qui s’introduit à l’Académie, et que, dans cette mesure, nous ne saurions qu’approuver.
. — Ailleurs, à l’Académie de Bordeaux, Montesquieu lit des discours sur le mécanisme de l’écho, sur l’usage des glandes rénales ; il dissèque des grenouilles, essaye l’effet du chaud et du froid sur les tissus vivants, publie des observations sur les plantes et sur les insectes. — Rousseau, le moins instruit de tous, suit les cours du chimiste Rouelle, herborise, et s’approprie, pour écrire son Émile, tous les éléments des connaissances humaines. — Diderot a enseigné les mathématiques, dévoré toute science, tout art et jusqu’aux procédés techniques des industries. […] Condillac, pour expliquer l’usage des signes et la filiation des idées, écrit des abrégés d’arithmétique, d’algèbre, de mécanique et d’astronomie333. […] Combien d’autres siècles ensuite pour l’invention des arts les plus nécessaires, pour l’usage du feu, la fabrication des « haches de silex et de jade », la fonte et l’affinage des métaux, la domestication des animaux, l’élevage et l’amélioration des plantes comestibles, pour l’établissement des premières sociétés policées et durables, pour la découverte de l’écriture, des chiffres, des périodes astronomiques341 ! […] Sans doute enfin, si aucune de ces conditions n’est remplie, la même opération, exécutée par des spéculatifs de cabinet, par des amateurs de salon et par des charlatans de place publique, n’aboutit qu’à des composés malfaisants et à des explosions meurtrières. — Mais une bonne règle demeure bonne, même après que l’ignorance et la précipitation en ont fait mauvais usage, et, si aujourd’hui nous reprenons l’œuvre manquée du dix-huitième siècle, c’est dans les cadres qu’il nous a transmis.
Pline appartient à cette classe d’esprits élevés et éclairés, tels que l’ancienne civilisation en possédait un assez grand nombre avant le christianisme, qui ne séparent point l’idée de Dieu de celle de l’univers, qui ne croient pas qu’elle en soit distincte, et qui, dans le détail de la vie et l’usage de la société, condescendent d’ailleurs aux idées reçues et aux préjugés utiles : « Il est bon, dans la société, de croire que les dieux prennent soin des choses humaines… La religion, répète-t-il en plus d’un endroit, est la base de la vie. » Mais ce n’est qu’une religion toute politique comme l’entendaient les Romains. […] Et Pline nous apprend que, tandis que l’usage général à Rome était déjà de brûler les corps, la famille Cornelia, ainsi que quelques autres familles, avait conservé les rites anciens qui consistaient à les enterrer. […] Quand, des animaux, il en vient aux productions de la terre, aux arbres et autres végétaux, Pline expose les usages qu’en ont tirés les arts et l’industrie aux diverses époques. […] Il avait à faire exécuter contre eux les édits, et, tout en y procédant selon les rigueurs d’usage, il éprouvait des scrupules d’humanité ; il en référait à Trajan : J’hésite beaucoup, dit-il, sur la différence des âges.
Par exemple, le paragraphe sur la Terreur que j’ai cité précédemment, et qu’on lit d’abord dans sa brochure de La Révision des jugements (1795), se retrouve textuellement au dernier chapitre de son livre sur L’Usage et l’Abus de l’esprit philosophique. […] C’est alors que lui-même rassemblant le résultat de ses réflexions et de sa pratique morale, il dicta à son fils le traité publié depuis sa mort sous le titre : De l’usage et de l’abus de l’esprit philosophique durant le xviiie siècle. […] En dénonçant l’abus de l’esprit philosophique, l’auteur ne fait ni comme Bonald, ni comme de Maistre, ni même comme Rivarol ; il n’en accuse pas amèrement, il n’en proscrit pas absolument l’usage, et il se montre attentif à extraire du grand mouvement moderne tout ce qui sert la raison sans détruire la morale et l’État. […] quel soin scrupuleux d’opérer la transaction entre le droit écrit et les coutumes, entre ce que la raison réclame et ce que l’usage peut supporter !
Point d’usage du monde, aucune décence, aucun respect pour les grandeurs, pour le trône & la thiare. […] Il mourut à Leyde, 1609, victime des traits dont il avoit montré le funeste usage.