— Ô la triste, la triste bruyère ! […] Ce livre est le journal intime d’un jeune homme triste, aigri par de grands malheurs de famille, par de longues méditations solitaires, qui peu à peu se sent pris d’amour, ose le dire, et se trouve aimé. […] Quel triste contraste que celui de la grande ville affairée, indifférente, et d’un homme seul poursuivi par une douleur vraie ! […] La barque remonte poussée par la marée, « et la morte avec elle, dans sa main droite un lis, dans sa main gauche — une lettre qu’elle avait dictée, toute sa chevelure blonde ruisselant autour d’elle. — Et tout le linceul était de drap d’or — ramené jusqu’à la ceinture ; elle-même tout en blanc, — excepté son visage, et ce visage aux traits si purs — était aimable, car elle ne semblait point morte, — mais profondement endormie, et reposait en souriant1538. » Elle arrive ainsi dans un grand silence, et le roi Arthur lit la lettre devant tous les chevaliers et toutes les dames qui pleurent : « Très-noble seigneur, sir Lancelot du Lac, — moi qu’on appelait quelquefois la vierge d’Astolat, — je viens ici, car vous m’avez quittée sans prendre congé de moi ; — je viens ici afin de prendre pour la dernière fois congé de vous. — Je vous aimais, et mon amour n’a point eu de retour. — C’est pourquoi mon fidèle amour a été ma mort. — C’est pourquoi, devant notre dame Ginèvre — et devant toutes les autres dames, je fais ma plainte. — Priez pour mon âme et accordez-moi la sépulture. — Prie pour mon âme, toi aussi, sir Lancelot, — car tu es un chevalier sans égal1539. » Rien de plus ; elle finit sur ce dernier mot, plein d’un regret si triste et d’une admiration si tendre : on aurait peine à trouver quelque chose de plus simple et de plus délicat.
» Rien que cette idée me rendait triste ; j’aurais déjà voulu me sauver. […] Je rentrai chez nous fort triste, et je dis à M. […] Zébédé leva la main sans répondre ; il était aussi bien triste et baissait la tête. […] Les enfants venaient nous voir ; les vieilles nous demandaient de quel pays nous étions, ce que nous faisions avant de partir ; les jeunes filles nous regardaient d’un air triste, rêvant à leurs amoureux, partis cinq, six ou sept mois avant. […] Elle avait un bonnet à rubans noirs, les bras nus jusqu’aux coudes, une grosse jupe de laine bleue soutenue par des bretelles, et semblait triste.
Il est triste que Regnard n’ait pas fait une seule fois mention de Molière. Il est plus triste qu’il se soit trouvé un auteur qui s’impatientât de cette gloire jusqu’à trouver qu’il manquait quelque chose à Molière. […] On est médiocrement peiné qu’un homme qui eut du génie en tant de choses en ait manqué pour la comédie ; mais il est triste de voir Voltaire disputant à la Chaussée le prix dans un genre dont il se moque, et abandonné cette fois par son esprit qui ne voulut pas faire les affaires de son amour-propre. […] De la joie et du cœur on perd l’heureux langage Pour l’absurbe talent du triste persiflage57. […] De son vivant, cette réputation lui suscita un envieux à qui la jalousie, chose triste à dire, inspira la meilleure comédie de la fin du siècle.
Le sérieux n’est pas toujours triste, et le rire est si peu identique à la gaieté, qu’il peut être sérieux jusqu’à la tristesse. […] Ne vous y trompez pas, la plupart des inventions soi-disant comiques appartiennent au fond à la tragédie ; car leur rire est sérieux ou même triste. […] Il est une autre espèce de gaieté triste et fausse qui n’est pas l’ironie, et qui, non plus que l’ironie, ne doit être confondue avec la gaieté comique. […] Mais quel triste sujet de gaieté, grand Dieu ! […] Le théâtre de Regnard et celui de le Sage, ainsi que son plus fameux roman, n’excitent guère que cette gaieté fausse et triste, qui est aussi éloignée du vrai comique que l’ironie.
Si le personnage est heureux, il faut que les pierres, les fleurs et les nuages le soient aussi ; s’il est triste, il faut que la nature pleure avec lui. […] C’est une folie, et c’est presque un enchantement : Y avait-il assez de vie dans la triste végétation de la cour des Fontaines pour que les rameaux enfumés eussent senti venir la plus pure et la plus aimable petite femme du monde ? […] Mais c’était une bonne chose pour cette cour pavée d’encadrer une si délicate petite figure ; elle passait comme un sourire le long des vieilles maisons noires et des dalles usées, les laissant plus sombres, plus tristes, plus grimaçantes que jamais ; cela ne fait pas de doute ! […] Il y en a deux surtout qui font rire et qui font frémir : Augustus, le maniaque triste, qui est sur le point d’épouser miss Pecksniff, et le pauvre M. […] Dickens est triste au fond comme Hogarth ; mais, comme Hogarth, il fait rire aux éclats par la bouffonnerie de ses inventions et par la violence de ses caricatures.