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666. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre troisième. Le souvenir. Son rapport à l’appétit et au mouvement. — Chapitre premier. La sélection et la conservation des idées dans leur relation à l’appétit et au mouvement. »

Comparez, dans la société humaine, les effets du travail isolé et ceux du travail associé : jadis, comme Delbœuf l’a remarqué, la fabrication d’une montre de précision exigeait un horloger d’une extrême habileté personnelle, qui faisait presque tout à lui seul ; aujourd’hui, une fois le procédé trouvé, il n’y a plus qu’à répartir la confection des diverses pièces entre des ouvriers ordinaires et à ajuster ensuite toutes ces pièces : vous aurez une montre marquant exactement l’heure. L’habitude et la mémoire produisent dans le cerveau quelque chose d’analogue : à l’origine il faut, dans le centre cérébral, un acte de conscience et d’attention personnelle ; puis le travail se distribue entre les diverses cellules et entre les centres secondaires de la moelle ; il n’y a plus besoin ensuite que d’un rajustement des vibrations diverses pour reproduire sans effort l’image précise de l’objet. […] Les amnésies partielles montrent que des séries entières d’idées et de connaissances peuvent disparaître alors que le reste demeure intact, ce qui suppose qu’elles sont attachées au fonctionnement régulier de certaines parties du cerveau et à la division du travail entre les cellules diverses. […] Winslow note aussi que des catholiques convertis au protestantisme ont, pendant le délire qui précédait leur mort, prié uniquement d’après le formulaire de l’Eglise romaine. — « Les réviviscences de ce genre ne sont au sens strict qu’un retour en arrière, à des conditions d’existence qui semblaient disparues, mais que le travail à rebours de la dissolution a ramenées… Certains retours religieux de la dernière heure dont on a fait grand bruit ne sont, pour une psychologie clairvoyante, que l’effet nécessaire d’une dissolution sans remède. » (Voir Ribot, p. 147.)

667. (1870) La science et la conscience « Chapitre II : La psychologie expérimentale »

Aujourd’hui les choses ont changé, et c’est par nos compatriotes qu’est poursuivie avec le plus de persévérance et de bonheur l’étude de la psychologie15. » On peut croire que l’illustre philosophe anglais ne cède pas sans raison à un mouvement d’orgueil national, quand on pense aux travaux d’hommes comme Alexandre Bain, Herbert Spencer et Stuart Mill lui-même. […] Mais si l’on veut parler de la psychologie de notre siècle, la France compte des travaux qui ne le cèdent en importance et en originalité à aucun des livres que l’Angleterre et l’Écosse ont produits de tout temps. […] Il y aurait à faire tout un livre d’analyse et de critique sur l’ensemble des travaux psychologiques dans les deux pays ; on y pourrait rechercher qui a la meilleur part, de l’esprit anglais ou de l’esprit français, dans la constitution, l’organisation et les progrès de la science de l’homme ; qui a le plus fait pour cette science, des profondes et larges descriptions des philosophes français, ou des ingénieuses observations, des subtiles analyses des philosophes anglais. Nous nous bornerons, dans ce chapitre, à définir les méthodes, à signaler les tendances générales, à indiquer les conclusions des diverses écoles qui se sont partagé le travail psychologique de notre époque, en lâchant de faire ressortir comment chacune d’elle a servi la science à sa façon. […] Les travaux de Bain, de Spencer, comme de tous les psychologues physiologistes de l’école anglaise, ont puissamment contribué aux progrès de cette science positive et tout expérimentale de l’homme, qui se borne à constater les rapports des phénomènes psychiques et à en déterminer les conditions.

668. (1891) Esquisses contemporaines

Il est facile et gracieux de dire que la mort est un sommeil au sein duquel l’homme se repose des travaux de la terre. […] Leurs loisirs seulement pouvaient être consacrés au travail littéraire. […] Il avait mis dans sa foi toute son âme ; il devait y mettre bientôt tout le travail d’une pensée qui se développait rapidement. […] Au cours de ce travail qu’avait institué la raison et qu’elle dominait seule, sa raison peu à peu : s’était émancipée. […] Elle résulte constamment d’un besoin du cœur mêlé au travail de l’entendement.

669. (1896) Journal des Goncourt. Tome IX (1892-1895 et index général) « Année 1894 » pp. 185-293

Il parle de sa vie de travail, cet hiver, entre le piano de sa femme et les devoirs de ses petites filles. […] Il cause médecine, dit qu’en France un médecin est obligé de faire de la clientèle pour vivre, tandis qu’en Allemagne, le médecin a un traitement qui lui permet de rester à son laboratoire ; et laisse un professeur de pathologie tout à ses dissections et à ses travaux micrographiques. […] Son esquisse en terre, après son premier travail, il la moule, et établit son médaillon fini, sur une suite d’épreuves semblables à des états d’eaux-fortes, et quelquefois, il va à six moulages. […] Pour avoir le goût fiévreux du travail et de la production, il faut presque toujours avoir grandi dans l’activité des capitales. […] Le féroce, dans un déboulement, ventre à terre, du haut d’une colline, pareil au nuage noir d’un orage, est traité avec une furia de travail, dans une noyade d’encre de Chine, qui lui donne une parenté avec les tigres de Delacroix.

670. (1893) Des réputations littéraires. Essais de morale et d’histoire. Première série

Pasteur est-elle donc intéressée à ce que leurs travaux soient exposés en beau langage ? […] L’individualisme de l’art pur et son inutilité pratique d’une part, d’autre part le caractère collectif et utile de tout le travail scientifique et d’une partie du travail littéraire rendent raison de cette différence radicale, qui subsistera toujours, mais qu’il est possible d’atténuer dans une certaine mesure et de ramener à une opposition un peu moins tranchée. […] moins encore ; c’est de le filtrer plutôt, de le rendre plus net et plus pur en son fond même, pendant que le travail de la forme l’éclaircit. […] La science offre bien un refuge honorable à la médiocrité : là, tout le monde peut apporter sa modeste pierre à l’édifice commun ; mais tu n’es pas né pour un travail de maçonnerie. […] Cependant, ayons confiance, dans l’imagination des hommes et le travail des siècles.

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