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291. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Louis XVI et sa cour »

Cette impuissance effrayante de volonté, qui est le trait distinctif de Louis XVI, réduisit à néant toutes les forces qui composaient la sienne. […] Lui qui pense, comme les hommes vraiment politiques, que Louis XVI fut moins malheureux que coupable, contrairement à l’opinion commune qui le fait moins coupable que malheureux, lui qui pourrait, comme Vaublanc, resté immuablement royaliste, et Mirabeau, qui le redevint, avoir de ces traits perçants et terribles qui sont moins les vengeances que les justices de l’histoire, sait noblement s’en abstenir. […] Tous ces abandons successifs de tous les hommes que les circonstances envoyèrent à Louis XVI pour sauver son État ou du moins pour en retarder la chute, et qui ne purent l’empêcher, parce qu’il ne les étaya pas et qu’il les laissa tomber sous l’effort de leur tentative, Turgot, Necker, et jusqu’à Galonné, ces abandons qui sont plus que des crimes, car ce sont des lâchetés, Renée ne les voile point, ne les atténue pas, mais, quand il les juge, il pourrait enfoncer le trait davantage.

292. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Les Femmes de la Révolution » pp. 73-87

Vous les retrouveriez, trait pour trait et presque mot pour mot, dans cette Histoire de la Révolution française maintenant terminée, si vous vouliez les y chercher… et telle est la première sensation désagréable que nous cause ce livre, fait avec un autre livre, dans lequel la pensée, devenue inféconde, se reprend à couver la coquille vidée d’un œuf éclos. […] , ces deux traits saillants du génie, ne se trouvèrent jamais chez elle. » C’était « une bourgeoise enrichie », le fait est vrai ; mais Michelet veut dire qu’elle était restée bourgeoise d’esprit et de cœur, — ce qui est faux !

293. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « M. Charles d’Héricault » pp. 291-304

Charles d’Héricault pouvait peindre à grands traits, avec les reliefs du style et de la langue et le frémissement d’un artiste, il l’a dit sans s’y arrêter, avec la sobriété voulue, réfléchie et maintenue résolument, tout le temps de son livre, et que je ne puis m’empêcher d’admirer. […] Tous les traits y sont ; l’historien n’en a omis aucun et il en a retrouvé quelques-uns qu’on ne connaissait pas ; par exemple, la jalousie qui dévorait ce pékin pour ce qui était militaire et gloire militaire. Ces traits discernés, notés, appuyés, sont dispersés dans le courant du livre, comme les membres, moulés un à un, d’une statue, qu’on n’a pas encore rassemblés… M. d’Héricault n’a voulu faire ni une peinture, ni une médaille de Robespierre.

294. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Le Marquis Eudes de M*** »

voilà qu’il trouve, pour résultat d’une étude faite dans les écrits de nos plus forts manigraphes et de nos physiologistes les plus avancés, la conclusion déconcertante que les anciennes possessions, au sens théologique du mot, se retrouvent trait pour trait au xixe  siècle, et que le Moyen Age, dont on s’est tant moqué, a ici, comme en tant d’autres choses, victorieusement raison contre l’Institut. […] Il collationne les traits des voyageurs contemporains les plus distingués, et partout il rencontre, sur toutes les latitudes, cette notion d’esprit si désagréable à la philosophie, l’ennemie née du surnaturel.

295. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXXIV. Des panégyriques depuis la fin du règne de Louis XIV jusqu’en 1748 ; d’un éloge funèbre des officiers morts dans la guerre de 1741. »

Le panégyrique du roi est fondé sur les faits qui se sont passés depuis 1744 jusqu’en 1748 ; et cette époque, comme on sait, fut celle de nos victoires ; ce qu’il n’est pas inutile de remarquer, c’est que l’auteur se cacha pour louer son prince, comme l’envie se cache pour calomnier ; mais les grands peintres n’ont pas besoin de mettre leurs noms à leurs tableaux ; celui-ci fut reconnu à son coloris facile et brillant, à certains traits qui peignent les nations et les hommes, et surtout au caractère de philosophie et d’humanité répandu dans tout le cours de l’ouvrage. […] Il n’a point le tour original, fort et rapide de La Bruyère, mais il peint souvent par de grands traits l’homme que La Bruyère n’a peint que par les ridicules et les faiblesses. […] On citerait les grandes actions ; on citerait cette foule de traits qui, dans le cours d’une campagne ou d’une guerre, échappent à des héros que souvent on ne connaissait point ; car il est des hommes qui, simples et peu remarqués dans l’usage ordinaire de la vie, déploient dans les grands dangers un grand caractère, et révèlent tout à coup le secret de leur âme.

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