Ce n’est pas un acrobate qui fait ses tours : c’est un peintre qui lutte contre son modèle, pour l’exprimer tout entier sur sa toile. […] Selon les cas, il devait prendre à tour de rôle la France de Louis XIV, la Grèce de Périclès ou la Rome d’Auguste, comme des exemplaires également authentiques, inaltérés et complets de l’éternelle vérité et de la raison universelle.
On peut rire d’abord de cette Troie féodale avec son donjon et ses tours crénelées, toute pleine de chevaliers et de dames courtoises, et de cette non moins féodale année des Grecs qu’accompagne comme à la croisade l’évêque Calchas. […] Par lui, la matière bretonne prit un étrange tour.
Il avait l’esprit vif : dégagé des soucis pratiques et des affaires, il lut, il regarda les hommes, il se regarda lui-même, réfléchissant, conférant, ratiocinant, habile à extraire d’un fait une idée ; il fit ainsi la revue de toutes ses opinions, préjugés, croyances, connaissances, et ce faisant, il fit le tour des idées de son siècle. […] Ce qui est bien de Montaigne, c’est le style, c’est l’emploi des tours et des mots que l’usage ou la liberté de son temps lui fournissaient.
Il s’applique aussi à varier les tours, il multiplie les figures ; il use surtout de l’antithèse, tantôt ramassée en deux traits rapides, tantôt développée en vastes membres symétriques, tantôt curieusement inégale, par l’extension du premier membre et le resserrement du second, qui surprend d’autant plus. […] Les tours et les détours de l’interrogation socratique font passer devant nos yeux une foule d’idées, que Fénelon tantôt effleure et tantôt développe : sur les poètes et les orateurs anciens, sur les Pères de l’Église, sur la poésie biblique qu’il a profondément sentie, sur l’architecture gothique, dont il parle comme tout son temps avec ignorance et dégoût, etc.
Après ce beau début, ce ne furent plus à la Comédie-Française, à l’Odéon, à la Porte-Saint-Martin que leçons sur l’histoire de France : Dumas donna Christine, Charles VII chez ses grands vassaux ; enfin cette Tour de Nesle, la plus joyeusement fantastique évocation du moyen âge qu’on ait jamais faite. […] La Tour de Nesle (avec Gaillardet), 1832.