Renan vit là de son scandale acquis, dans ce coin de science indéchiffrable et sacrée : Sacrée elle est, car personne n’y touche ! […] Mais le grand trait, la touche large, la profondeur dans l’accent des physionomies, toutes les choses qui font le grand peintre, il ne les avait pas.
Il nous touche par la douleur, par les destinées qu’il nourrit, par les conditions qu’il mélange, par les antagonismes qu’il crée. […] Je pensais, dans ce court instant qui ne se renouvellera jamais, que ces jeunes filles seraient demain dispersées à travers le monde, afin de se dévouer, elles, chefs-d’œuvre de pureté, à l’éducation des filles perdues ; elles toucheraient de leurs mains, de leurs lèvres, les créatures les plus rejetées ; elles vivraient avec celles dont le vice leur était le plus détestable ; elles se pencheraient sur toutes les hontes et se relèveraient avec une pensée intacte ; elles donneraient leur amour, qu’elles ont refusé au monde, à ce que le monde a corrompu, puis abandonné.
» « La nature avait sagement pourvu à notre indépendance », disait encore le poëte, « lorsqu’elle avait élevé les Alpes entre nous et la rage tudesque. » Puis, se lamentant sur cet obstacle inutile et franchi tant de fois, il s’écriait, avec plus de douleur que de force : « N’est-ce pas ici le sol que j’ai touché d’abord ? […] Au nom de Dieu, que cela touche votre âme !
Refoulé en quelque sorte sur lui-même, ce net et vaillant esprit a cherché à tirer parti de ses souvenirs ; mais écrire vrai n’est facile en aucun temps, et dans tout ce qui se rapporte à des confessions, celles qu’on fait de soi touchent de bien près à celles des autres.
Je veux indiquer toutefois deux points qui m’ont paru moins justement touchés et comme artificiels dans cette trame si parfaitement liée.