Oui, Marivaux est mort, pour la seconde fois, le jour où disparut mademoiselle Mars ; elle l’a emporté dans sa tombe, ce bel esprit qui s’éteignait sans elle, et qu’elle avait ressuscité, d’un sourire ! […] Ce jour-là, il perdit, en vingt-quatre heures, sa supériorité incontestable, incontestée ; il perdit sa popularité dans toute l’Europe, la perle de sa couronne est tombée. […] … Mais enfin l’arrêt était porté ; il a fallu descendre dans l’oubli, cette tombe anticipée des plus grands artistes. — Âme, je te dégage de ton corps ! […] Nous sommes ingrats pour tout ce qui tombe ; mais nous sommes ingrats surtout pour les reines de théâtre. […] J’étais d’avis que l’on écrivît cette parole de Roscius sur la tombe de mademoiselle Mars.
Il voit de toutes parts combler d’heur sa famille, La javelle à plein poing tomber sous la faucille, Le vendangeur ployer sous le faix des paniers ; Et semble qu’à l’envi les fertiles montagnes, Les humides vallons et les grasses campagnes S’efforcent à remplir sa cave et ses greniers. […] Mais le lieu commun est grandement traité ; il y est même rehaussé vers la fin ; et, allant au-delà d’Horace, Maynard, pour détacher son ami des ambitions périssables, montre que ce ne sont pas seulement les hommes, ni les cités, ni les empires qui doivent finir ; ce ne sont là que de petits débris : ce ciel physique lui-même, ce théâtre de tant de splendeurs, dit-il, finira, et il aura son jour de ruine : Le grand astre qui l’embellit Fera sa tombe de son lit. […] Sans savoir où tomber, tombera quelque jour.
On s’est quitté sans se dire au revoir ; on se retrouve, et pendant ce temps l’amitié a fait en nous de tels progrès que toutes les barrières sont tombées, toutes les précautions ont disparu. » On arrive un matin, on ne s’était pas fait annoncer, et voilà qu’on était attendu. […] Dans les profondeurs des feuillages, sur la limite du jardin, dans les cerisiers blancs, dans les troènes en fleur, dans les lilas chargés de bouquets et d’arômes, toute la nuit, — pendant ces longues nuits où je dormais peu, où la lune éclairait, où la pluie quelquefois tombait, paisible, chaude et sans bruit, comme des pleurs de joie, — pour mes délices et pour mon tourment, toute la nuit les rossignols chantaient. […] Les pampres tombaient un à un, sans qu’un souffle d’air agitât les treilles. […] C’est à la tombée de la nuit : « le bois sombre de quelques meubles anciens se distingue à peine, l’or des marqueteries ne luit que faiblement ; des étoffes de couleur sobre, des mousselines flottantes, tout un ensemble de choses pâles et douces y répand une sorte de léger crépuscule et de blancheur, de l’effet le plus tranquille et le plus recueilli ; l’air tiède y vient du dehors avec les exhalaisons du jardin en fleur ; mais surtout une odeur subtile, plus émouvante à respirer que toutes les autres, l’habite comme un souvenir opiniâtre de Madeleine ».
On raconte qu’un jour elle tomba évanouie sur son escalier après un trop long jeûne, et fut relevée par une camarade sa voisine, accourue au bruit. […] Puis de là elle revint au théâtre de Rouen, où elle joua seulement les jeunes premières, toujours très accueillie et goûtée du public ; mais elle ne chantait plus : « À vingt ans, dit-elle, des peines profondes m’obligèrent de renoncer au chant, parce que ma voix me faisait pleurer ; mais la musique roulait dans ma tête malade, et une mesure toujours égale arrangeait mes idées, à l’insu de ma réflexion. » La musique commençait à tourner en elle à la poésie ; les larmes lui tombèrent dans la voix, et c’est ainsi qu’un matin l’élégie vint à éclore d’elle-même sur ses lèvres. […] Il a fallu en venir à Mlle Rachel pour que tombât cette dernière barrière et pour que non seulement des femmes du monde, mais des jeunes filles de la plus haute condition, aspirassent à l’amitié d’une femme de théâtre. […] Cette pauvre femme se tuait à faire des révérences à ce galant parterre : nulle pitié, et c’est ici qu’elle fut blessée ; elle tomba évanouie.
Quant à ce qui était de Voltaire et de son entourage : « Il faut avouer, concluait Fréron, qu’en sortant du couvent, Mlle Corneille va tomber en de bonnes mains. » Je laisse de côté la colère de Voltaire sur ce propos qu’il jugeait digne du carcan ; mais celle de Le Brun ne fut pas moindre. […] Mais après la Renaissance, et quand on se remit à faire des odes à l’instar des anciens, on tomba dans l’artificiel, Ronsard en tête. […] Il dira dans la même ode, et toujours dans le même sentiment : Vivant, nous blessons le grand homme ; Mort, nous tombons à ses genoux : On n’aime que la gloire absente ; La mémoire est reconnaissante, Les yeux sont ingrats et jaloux. […] On ajoute qu’Andrieux, qui voulait faire un discours sur la tombe, garda son cahier en poche ; mais je n’en crois rien26.