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255. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « De la retraite de MM. Villemain et Cousin. » pp. 146-164

Je ne me permets point de juger ce que fait ou ne fait pas la Providence, grand mot dont on abuse, et qui n’est souvent que la déification de notre propre pensée ; mais il me semble que si le gouvernement représentatif n’a pas un type unique et seul bon, et s’il n’est pas lui-même l’unique gouvernement possible, il faut se garder d’offrir toujours des types dans un ordre aussi changeant et aussi divers que celui de l’histoire, et dans lequel le fait donne à la théorie des démentis perpétuels. […] Cousin a exposé une théorie qui peut s’appeler la théorie des appas, et dans laquelle il a mêlé bien des idées ingénieuses et en partie vraies, à d’autres qui sont singulières et un peu hasardées. […] En un mot, il croit que la femme maigre était assez bonne pour les héros de Rossbach et pour les philosophes sensualistes du xviiie  siècle, tandis que les héros de Rocroi et les contemporains spiritualistes de Descartes avaient droit à des beautés plus réelles, et à plus de solidité comme dirait Mme de Sévigné ; et, comme dit encore le proverbe, « Tant moins ils en voulaient, tant plus ils en avaient. » Le buste de Mme Du Barry protesterait au besoin contre cette théorie dont M. 

256. (1912) Le vers libre pp. 5-41

. — Il est évident que tout grand poète ayant perçu d’une façon plus ou moins théorique les conditions élémentaires du vers, Racine a empiriquement ou instinctivement appliqué les règles fondamentales et nécessaires de la poésie et que c’est selon notre théorie que ses vers doivent se scander. […] Dès les premiers jours, forts de la vérité de l’instinct lyrique, nous avons dit que les travaux de laboratoire donneraient raison à nos théories, et l’on ne peut que savoir gré à Robert de Souza de son application à en essayer la laborieuse confirmation. […] Il y a dans cette différence d’expression toutes nos différences de théories, aussi ne fûmes-nous jamais affligés lorsque ce reproche nous fut adressé même pour la première fois, et depuis cette première fois, nous nous sommes très aguerris. […]   Et maintenant, mesdames, messieurs, je vous remercie de l’accueil amical et patient que vous avez fait à mes théories, des applaudissements que vous avez bien voulu donner à mes vers et dont je reporte la plus grande part à leurs excellents interprètes.

257. (1910) Études littéraires : dix-huitième siècle

Ce n’est pas une explication, c’est une constatation qui se donne l’air d’une théorie. […] Elle ne parlait des passions que par théorie. […] Le mot même de législateur, si cette théorie est juste, est un non-sens. […] Les théories de Buffon paraissent extravagantes. […] Ici la création est la mesure juste du sens critique, et l’invention juge la théorie.

258. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Casuistique. » pp. 184-190

— Et que dire même des pratiques prudentes, non point conseillées par cet honnête Malthus, mais suggérées par ses théories, et auxquelles il a eu la malchance de donner son nom : pratiques si atrocement déplaisantes à concevoir, mais qui n’en sont pas moins devenues, chez nous, presque nationales et qu’un vers d’Émile Augier a publiquement absoutes un jour, avec une bonhomie désarmante, sur les planches d’un théâtre subventionné par l’État ? […] Quelles que soient nos défaillances dans la pratique, il faut toujours reconnaître, en théorie, la loi stricte, et sincèrement.

259. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « PENSÉES FRAGMENTS ET LETTRES DE BLAISE PASCAL, Publiés pour la première fois conformément aux manuscrits, par M. Prosper Faugère. (1844). » pp. 193-224

Durant la seconde moitié du xviiie , Voltaire, Marmontel, La Harpe, Fontanes, ne cherchaient encore dans les œuvres de Racine et de ses illustres contemporains que des exemples de goût et des éclaircissements en vue des théories classiques consacrées. Lorsqu’on commença, dans ce siècle-ci, à contester les théories jusque-là régnantes, la critique s’appliqua, en sens inverse, à ces chefs-d’œuvre, et l’on s’efforça d’y démontrer certaines lacunes et défectuosités qui tenaient aux circonstances de l’époque, au cadre de la société. Durant cette phase, qui est la seconde de la critique française, et qui se produit par madame de Staël, Benjamin Constant et leur école, le caractère de la critique, tout en gardant son but de théorie et son idée, devient déjà historique, elle s’enquiert et tient compte des circonstances dans lesquelles sont nées les œuvres. […] Je ne parle pas des excès, excès superstitieux d’une part, excès révolutionnaires de l’autre ; on était, dans ces derniers temps, un peu à bout des théories en divers sens ; c’est alors que se lève quelqu’un qui nous dit : « Ces grands auteurs, Messieurs, que vous, les uns, vous croyez imiter et continuer, que vous, les autres, vous vous attachez à combattre, à éloigner de vous comme s’ils étaient d’hier, il y a quelque chose de mieux peut-être à en faire pour le présent ; car, pendant que vous discutez, le temps passe, les siècles font leur tour, pour nous ces auteurs sont déjà des anciens ; et ils le sont tellement, prenez-y garde, que leur texte nous échappe, que l’altération s’y mêle, que nous ne les possédons plus tout entiers. Trêve un moment, s’il vous plaît, aux grandes théories !

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