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1519. (1907) L’évolution créatrice « Chapitre III. De la signification de la vie. L’ordre de la nature et la forme de l’intelligence. »

Le raisonnement me clouera toujours, en effet, à la terre ferme. […] Celui qui se jette à l’eau, n’ayant jamais connu que la résistance de la terre ferme, se noierait tout de suite s’il ne se débattait pas contre la fluidité du nouveau milieu ; force lui est de se cramponner à ce que l’eau lui présente encore, pour ainsi dire, de solidité. […] Si elle vise essentiellement à capter de l’énergie utilisable pour la dépenser en actions explosives, elle choisit sans doute dans chaque système solaire et sur chaque planète, comme elle le fait sur la terre, les moyens les plus propres à obtenir ce résultat dans les conditions qui lui sont faites. Voilà du moins ce que dit le raisonnement par analogie, et c’est user à rebours de ce raisonnement que de déclarer la vie impossible là où d’autres conditions lui sont faites que sur la terre. […] La grande erreur des doctrines spiritualistes a été de croire qu’en isolant la vie spirituelle de tout le reste, en la suspendant dans l’espace aussi haut que possible au-dessus de terre, elles la mettaient à l’abri de toute atteinte : comme si elles ne l’exposaient pas simplement ainsi à être prise pour un effet de mirage !

1520. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Gui Patin. — I. » pp. 88-109

Dans les raisons alléguées par la Faculté, par ceux qui écrivent en son nom, et par Gui Patin en particulier, contre Renaudot, et pour preuve de son incapacité et de son indignité à pratiquer la médecine, ce qui tient la première place, c’est le trafic et négociation qu’il fait « à vendre des gazettes, à enregistrer des valets, des terres, des maisons, des gardes de malades, à exercer une friperie, prêter argent sur gages, et autres choses indignes de la dignité et de l’emploi d’un médecin. […] Le plus puissant homme qui ait été depuis cent ans en Europe sans avoir la tête couronnée, a été le cardinal de Richelieu : il a fait trembler toute la terre ; il a fait peur à Rome, il a rudement traité et secoué le roi d’Espagne, et néanmoins il n’a pu faire recevoir dans notre compagnie les deux fils du Gazetier qui étaient licenciés et qui ne seront de longtemps docteurs.

1521. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Étienne de La Boétie. L’ami de Montaigne. » pp. 140-161

Certes, l’extrémité est cruelle et le cœur m’en saigne ; mais j’en ai pris mon parti de dire un long, un éternel adieu à cette terre natale… Mieux eût valu de fuir, sans doute, avant la ruine de la patrie qu’après, et de s’être épargné ce spectacle funeste : pourtant, ne nous repentons point d’avoir rempli jusqu’au bout notre devoir de bon Français, et que notre piété se console même par ce qu’elle a fait d’inutile. […] les dieux aussi semblaient nous conseiller la fuite, lorsqu’ils nous ont montré ces continents nouveaux qui s’étendent à l’Occident, et que de hardis navigateurs, pénétrant dans l’Océan immense, ont découvert un autre soleil et d’autres terres.

1522. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Saint-Martin, le Philosophe inconnu. — I. » pp. 235-256

Il cherchait à opérer sur les âmes par voie individuelle et par une douce persuasion ; il était obligé le plus souvent de semer, comme il disait, là même où il n’y avait pas de terre. […]   J’aurais peut-être été bien malheureux sur la terre si j’avais eu ce que le monde appelle du pain ; car il ne m’aurait rien manqué.

1523. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Saint-Martin, le Philosophe inconnu. — II. (Fin.) » pp. 257-278

Saint-Martin répondit par une Lettre qui est une pièce importante, et qui aurait pu porter pour épigraphe cette pensée de lui : J’ai vu la marche des docteurs philosophiques sur la terre, j’ai vu que, par leurs incommensurables divagations lorsqu’ils discutaient, ils éloignaient tellement la vérité, qu’ils ne se doutaient seulement plus de sa présence ; et, après l’avoir ainsi chassée, ils la condamnaient par défaut. […] Sa profession de foi sur la Révolution française est simple, elle est celle d’un croyant : il pense que la Providence s’en mêle soit directement, soit indirectement, et par conséquent il ne doute pas que cette Révolution n’atteigne à son terme, « puisqu’il ne convient pas que la Providence soit déçue et qu’elle recule » : En considérant la Révolution française dès son origine et au moment où a commencé son explosion, je ne trouve rien à quoi je puisse mieux la comparer qu’à une image abrégée du Jugement dernier, où les trompettes expriment les sons imposants qu’une voix supérieure leur fait prononcer, où toutes les puissances de la terre et des cieux sont ébranlées… Quand on la contemple, cette Révolution, dans son ensemble et dans la rapidité de son mouvement, et surtout quand on la rapproche de notre caractère national, qui est si éloigné de concevoir et peut-être de pouvoir suivre de pareils plans, on est tenté de la comparer à une sorte de féerie et à une opération magique ; ce qui a fait dire à quelqu’un qu’il n’y aurait que la même main cachée qui a dirigé la Révolution, qui pût en écrire l’histoire.

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