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639. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Madame Dacier. — II. (Fin.) » pp. 495-513

Il accordait à l’Académie française la gloire un peu exagérée d’avoir la première institué la discussion littéraire dans ces termes philosophiques, et d’avoir conclu de l’admiration mal fondée que l’on avait eue pour les vieux philosophes, qu’il fallait examiner de plus près celle que l’on avait encore pour les anciens poètes : « L’ouverture de cette dispute, disait-il un peu magnifiquement, a achevé de rendre à l’esprit humain toute sa dignité, en l’affranchissant aussi sur les belles-lettres du joug ridicule de la prévention. » C’était par là que Terrasson croyait qu’il nous appartenait de devenir littérairement supérieurs aux Latins, lesquels, supérieurs de fait aux Grecs, n’avaient jamais osé en secouer le joug. […] Méconnaissant dans Homère, ou plutôt n’estimant point cette langue si abondante et si riche, qui est comme voisine de l’invention et encore toute vivante de la sensation même, il préférait nettement la nôtre : « J’oserai le dire à l’avantage de notre langue, je la regarde comme un tamis merveilleux qui laisse passer tout ce que les anciens ont de bon, et qui arrête tout ce qu’ils ont de mauvais. » Enfin, s’emparant d’un mot de Caton l’Ancien pour le compléter et le perfectionner à notre usage, il concluait en ces termes : Caton le Censeur connaissait parfaitement l’esprit général des Grecs, et combien ils donnaient au son des mots, lorsqu’il disait que la parole sortait aux Grecs des lèvres, et aux Romains du cœur ; à quoi j’ajouterais, pour achever le parallèle, qu’aux vrais modernes elle sort du fond de l’esprit et de la raison.

640. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Œuvres complètes de Buffon, revues et annotées par M. Flourens. » pp. 55-73

Isidore Geoffroy Saint-Hilaire s’est occupé avec étendue de Buffon ; une comparaison qu’il établit de l’éloquent historien de la nature avec Linné, et où il marque vivement les contrastes des deux génies, se termine en ces termes : Linné, un de ces types si rares de la perfection de l’intelligence humaine, où la synthèse et l’analyse se complètent dans un juste équilibre, et se fécondent l’une l’autre : Buffon, un de ces hommes puissants par la synthèse, qui, franchissant d’un pied hardi les limites de leur époque, s’engagent seuls dans les voies nouvelles, et s’avancent vers les siècles futurs en tenant tout de leur génie, comme un conquérant de son épée ! […] Si ces mêmes choses avaient été dites pour la première fois par quelqu’un en français, on ne les remarquerait guère ; Goethe parle de Buffon en termes élevés, mais vagues, et en passant : ce passage, il est vrai, se lie à une défense de la doctrine de M. 

641. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Montluc — II » pp. 71-89

» Enfin il revient sur l’importance capitale dont serait cette victoire, selon lui facile, qui déconcerterait la coalition et arrêterait les souverains ennemis tout net ; il le dit en des termes plus crus et en une image parlante. — Notez que du moment que Montluc a commencé de parler, il n’a plus pour contradicteur que M. de Saint-Pol. […] Il dit qu’il partirait dans huit jours, et à ce terme précis il se mit en route, se traînant jusqu’à Montpellier et passant outre, malgré les médecins de la Faculté qui lui prédisaient qu’il n’arriverait pas en vie jusqu’à Marseille : « Mais quelque chose qu’ils me sussent dire, je me résolus de cheminer tant que la vie me durerait, à quelque prix que ce fût ; et, comme je partais, m’arriva un autre courrier pour me faire hâter ; et, de jour à autre, je recouvrais ma santé en allant, de sorte que quand je fus à Marseille, je me trouvai sans comparaison mieux que quand j’étais parti de ma maison. » Montluc débarqua en Italie pendant l’été (1554).

642. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Charron — II » pp. 254-269

Le jour où Charron a ainsi emprunté à Montaigne, et en propres termes, cette délicieuse et inoubliable image pour la mettre couramment au beau milieu de son texte, il a été bien modeste, et il a donné pour jamais, devant le monde et devant la postérité, sa mesure comme écrivain, sa démission comme auteur original. […] Tâchons comme lui de glisser doucement sur le fleuve du temps ; arrêtons-nous près des rives fleuries, et souvenons-nous pendant la tempête que le terme de notre course est aux îles Fortunées où meminisse juvabit.

643. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Henri IV écrivain. par M. Eugène Jung, ancien élève de l’École normale, docteur es lettres. — I » pp. 351-368

Il parle dans cette lettre de sa femme la reine Marguerite, et dans des termes de mépris qu’il ne cherche pas à contenir ; Marguerite était alors au début de cette vie de scandale et d’aventures qu’elle menait à Agen ou en Auvergne, où elle alla s’enterrer : « Il est venu un homme, de la part de la dame aux chameaux (la reine Marguerite), me demander passeport pour passer cinq cents tonneaux de vin, sans payer taxe, pour sa bouche ; et ainsi est écrit en une patente. […] Il lui écrit de Blois, le 18 mai 1589, dans les termes ordinaires : Mon âme, je vous écris de Blois, où il y a cinq mois que l’on me condamnait hérétique et indigne de succéder à la couronne, et j’en suis à cette heure le principal pilier.

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