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559. (1919) L’énergie spirituelle. Essais et conférences « Chapitre VII. Le cerveau et la pensée : une illusion philosophique »

Pour les uns, elle tiendrait à ce que l’état cérébral se double lui-même, dans certains cas, d’une phosphorescence psychique qui en illuminé le dessin. […] Nous ne tenons donc nullement aux définitions que nous venons d’énoncer. […] Du point de vue idéaliste, je n’avais pas le droit d’attribuer à ces mouvements internes la mystérieuse puissance de se doubler de la représentation des choses extérieures, car ils tenaient tout entiers dans ce qui en était représenté, et puisque, par hypothèse, on se les représentait comme des mouvements de certains atomes du cerveau, ils étaient mouvements d’atomes du cerveau et rien autre chose. […] Mais le réalisme consiste précisément à rejeter cette prétention, à tenir pour artificielles ou relatives les lignes de séparation que notre représentation trace entre les choses, à supposer au-dessous d’elles un système d’actions réciproques et de virtualités enchevêtrées, enfin à définir l’objet, non plus par son entrée dans notre représentation, mais par sa solidarité avec le tout d’une réalité inconnaissable en elle-même. […] En approfondissant les deux systèmes, on verrait que l’idéalisme a pour essence de s’arrêter à ce qui est étalé dans l’espace et aux divisions spatiales, tandis que le réalisme tient cet étalage pour superficiel et ces divisions pour artificielles : il conçoit, derrière les représentations juxtaposées, un système d’actions réciproques, et par conséquent une implication des représentations les unes dans les autres.

560. (1904) Zangwill pp. 7-90

Quand l’homme se trouvait en présence de dieux avoués, qualifiés, reconnus, et pour ainsi dire notifiés, il pouvait nettement demeurer un homme ; justement parce que Dieu se nommait Dieu, l’homme pouvait se nommer homme ; que ce fussent des dieux humains ou surhumains, un Dieu Tout ou un Dieu personnel, Dieu étant mis à sa place de Dieu, notre homme pouvait demeurer à sa place d’homme ; par une ironie vraiment nouvelle, c’est justement à l’âge où l’homme croit s’être émancipé, à l’âge où l’homme croit s’être débarrassé de tous les dieux que lui-même il ne se tient plus à sa place d’homme et qu’au contraire il s’embarrasse de tous les anciens Dieux ; mangeurs de bon Dieu, c’est la formule populaire de nos démagogues anticatholiques ; ils ont eux-mêmes absorbé beaucoup plus de bons Dieux, et de mauvais Dieux, qu’ils ne le croient. […] Mirbeau découvrait que Napoléon était le dernier des imbéciles, ce grand romantique rentier révolutionnaire ne faisait que suivre les leçons de ses anciens professeurs d’histoire ; ainsi, continuait l’historien Pierre Deloire, ainsi le professeur d’histoire, étant le roi, l’empereur, le général, tenait le monde entier sur ses genoux, et il pouvait, dans le chef-lieu de son arrondissement, mépriser le sous-préfet et les sous-lieutenants d’artillerie, qui ne sont que les subordonnés de l’empereur et des généraux ; il se payait ainsi des idées que le sous-préfet manifestait sur la supériorité de la hiérarchie administrative, et les sous-lieutenants sur la supériorité de la hiérarchie militaire. […] J’ai donc bien le droit, j’ai le devoir de chercher dans Renan et dans Taine la première pensée du monde moderne, la pensée de derrière la tête, comme on dit, qui est toujours la pensée profonde, la pensée intéressante, la pensée intérieure et mouvante, la pensée agissante, la pensée cause, la source et la ressource de la pensée, la pensée vraie ; et pour trouver l’arrière-pensée de Renan, passant à l’autre bout de sa pleine carrière, on sait que c’est dans les dialogues et les fragments philosophiques, dans les drames qu’il faut la chercher ; je me reporte aux Dialogues et fragments philosophiques, par Ernest Renan, de l’Académie française, quatrième édition ; je sais bien que la citation que je vais faire est empruntée à la troisième partie, qui est celle des rêves ; certitudes, probabilités, rêves ; je sais que mon personnage est celui de Théoctiste, celui qui fonde Dieu, si j’ai bonne mémoire ; je sais que les objections lui sont présentées par Eudoxe, qui doit avoir bonne opinion ; je n’oublie point toutes les précautions que Renan prend dans sa préface ; mais enfin mon personnage dit, et je copie tout au long ; je passe les passages où ce Théocrite rêve de la Terreur intellectuelle ; nous y reviendrons quelque jour ; car ils sont extrêmement importants, et graves ; et je m’en tiens à ceux où il rêve de la Déification intellectuelle : « Je vous ai dit que l’ordre d’idées où je me tiens en ce moment ne se rapporte qu’imparfaitement à la planète Terre, et qu’il faut entendre de pareilles spéculations comme visant au-delà de l’humanité. […] Mais la vie de l’homme dans le tout, la place qu’il y tient, sa part à la conscience générale, voilà ce qui n’a aucun lien avec un organisme, voilà ce qui est éternel. […] Son œuvre nous tient lieu des expériences personnelles et sensibles qui seules peuvent imprimer en notre esprit le trait précis et la nuance exacte ; mais en même temps elle nous donne les larges idées d’ensemble qui ont fourni aux événements leur unité, leur sens et leur support.

561. (1898) Politiques et moralistes du dix-neuvième siècle. Troisième série

Cela tient à ce qu’il a la vue la plus confuse du mouvement littéraire auquel il assiste. […] Tant y a que Julien est absolument maître de la situation ; il tient toutes les avenues. […] Il ne tient pas le pauvre par le fait de lavoir chez, lui, sur sa terre, de père en fils. […] Cela tient à la manière dont il en partait. […] La physiologie y tient peut-être un peu trop de place.

562. (1899) Arabesques pp. 1-223

On s’en tint à des affirmations vagues. […] Mais au grand jour de la science, cela ne tient pas debout. […] Notre Grosse-Bourgeoisie ne tient pas du tout à entrer en campagne. […] Tâchez d’être aussi subtils que nous. » On saurait à quoi s’en tenir. […] Et nous n’avons pas toujours le pouvoir de tenir tête à cette meute sanglante.

563. (1848) Études critiques (1844-1848) pp. 8-146

On voit que notre opinion s’éloigne assez de celle qui a cours généralement ; nous sommes loin de tenir les auteurs pour aussi coupables que beaucoup de gens les font. […] Pour en citer un exemple, nous rappellerons que de là est venue la croyance bizarre au mépris des anciens pour leurs femmes et à la servitude dans laquelle ils les tenaient. […] Parmi ses plaintes, une surtout paraît lui tenir à cœur : elle est causée par la chanson de M.  […] Mais il n’importe ; les littérateurs, loin de nourrir ces fières prétentions, tiennent beaucoup à la noblesse. […] Sainte-Beuve, soumis à la loi commune, voit marcher derrière son mérite un défaut qui lui tient beaucoup trop fidèle compagnie.

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