« Il y a un repentir et un retour aux pensées qui ne sortent pas de la sphère de la vie privée, et on peut y livrer impunément plus ou moins de soi-même à la fortune ; mais pour ceux qui tendent à l’empire, il n’y a point de milieu entre le faîte et l’abîme ! […] Puis, élevant son fils dans ses bras tendus vers la foule, et le recommandant tantôt à chacun en particulier, tantôt à tous, et interrompu par ses propres sanglots, il détache son épée de sa ceinture et la remet au consul présent, Cécilius Simplex, en témoignage du droit de vie et de mort qu’il abdiquait sur les citoyens. […] Mais là, les tendres caresses de son fils, qui l’avait reçue avec tant d’empressement et qui l’avait fait asseoir au-dessus de lui-même dans la salle du festin, avaient dissipé de son cœur toute inquiétude : car, par d’intarissables discours, tantôt empreints d’une familiarité puérile, tantôt mêlés de ces retours de gravité qui semblent associer les choses sérieuses aux badinages, Néron prolongea le festin. « À son départ, il la reconduisit jusqu’au rivage, couvrant des plus tendres baisers les yeux et le sein d’Agrippine, soit pour achever la dissimulation, soit que le dernier aspect de sa mère, qui allait périr, attendrît son âme toute féroce qu’elle était. […] Voyez, pendant qu’Agrippine blessée nage vers la côte, le tumulte de toute cette multitude qui sort de toutes les maisons avec des torches, qui s’appelle, qui se répond en cris inintelligibles, qui tend les mains, qui s’avance jusque dans les flots pour recueillir la nageuse dans les ténèbres.
C’est alors que ma paupière Vous vit pâlir et mourir, Tendres fruits qu’à la lumière Dieu n’a pas laissés mûrir ! […] C’est une mère ravie À ses enfants dispersés, Qui leur tend, de l’autre vie, Ces bras qui les ont bercés ; Des baisers sont sur sa bouche ; Sur ce sein qui fut leur couche Son cœur les rappelle à soi ; Des pleurs voilent son sourire, Et son regard semble dire : « Vous aime-t-on comme moi ? […] LV À ce moment où je me noyais en silence dans l’admiration de cette jeune fille, la plus séduisante que j’eusse encore vue, déjà semblable à une mère, à un âge où elle devait grandir encore, et réunissant sur sa figure l’amour badin de la sœur à la tendre sollicitude de la mère, mon chien, qui revenait d’un arrêt, se précipita avec fougue vers moi et me fit apercevoir de la jeune fille. […] c’était bien lui, mais ce n’était plus lui ; il me tendit les bras, laissant tomber sa zampogne, et il s’évanouit sur mes genoux. […] Ils se ressemblaient tellement, qu’on ne connaissait pas la petite du petit autrement qu’à la couleur de leurs cheveux, quand ils me tendaient les bras pour que je leur donnasse le sein.
Olivier, lui, n’hésite pas ; il emploie d’abord l’insinuation, le demi-mot, l’ironie ; mais l’Africain reste invulnérable à ces armes légères de la plaisanterie parisienne ; elles le froncent sans l’entamer, ses traits se tendent, sa physionomie s’assombrit, sa voix redevient âpre, brève, menaçante ; il demande des preuves. […] M. de Nanjac est plus tendre, plus croyant, plus amoureux que jamais. […] Les machines d’intrigues trop tendues et trop compliquées craquent toujours par quelque détail. […] Au dénouement, il lui tend un piège bassement combiné, et plus digne d’un Scapin de l’ancien répertoire que d’un gentleman de la vie moderne. […] La faute qu’elle commet est donc incroyable ; c’est tendre soi-même le panneau où l’on va tomber.
— Oui, a-t-on dit, parce qu’on en peut conclure que chaque être « tend à se faire le centre du monde » et poursuit ainsi sa propre utilité154. […] Un amas de terre qui se tasse et se concentre ne tend pas pour cela à se faire le centre du monde ; quand même il manifesterait des relations de plus en plus définies entre ses parties, par la séparation des diverses espèces de minéraux qu’il contient et par une disposition de plus en plus complexe de ces minéraux, ce mode de concentration serait toujours bien différent de l’utilité. […] Il ne devient tel que quand il y a quelque obstacle qui tend à le détruire, c’est-à-dire à nous détruire nous-mêmes et à changer le plaisir en douleur. […] Grâce à notre faculté spontanée de motivation, toutes nos impulsions tendent à s’intellectualiser, à se formuler elles-mêmes en jugements, comme la chaleur qui finit par se projeter en lumière. […] Ainsi l’arc est tendu par la main, et la flèche paraît immobile ; puis, lorsque disparaît la force qui s’oppose à la détente de l’arc, la tension emmagasinée dans l’arc fait partir la flèche.
En recueillant les particularités des mœurs qui se retrouvent chez les différentes peuplades nègres à l’état naturel et primitif, on a pu dégager ce qui fait la nature propre de cette race, à savoir la prédominance marquée de la sensibilité sur la volonté et l’intelligence : d’où le défaut d’initiative et d’originalité, l’incapacité radicale pour les idées et les spéculations abstraites, pour les arts et les œuvres de grande création qui réclament une puissante volonté, pour les institutions de self-government qui demandent une forte personnalité ; d’où, au contraire, une aptitude marquée pour toute œuvre de passion violente, de sentiment tendre, d’imagination grossière. […] En faisant trop fréquemment intervenir le sens commun comme un machina deus, pour trancher les difficultés qu’une analyse incomplète ou superficielle ne pouvait dénouer, cette école tendait à énerver l’esprit de recherche et à faire prédominer les instincts et les préjugés du sens vulgaire sur les analyses et les explications de la science. […] Tout au contraire, la notion sous laquelle l’esprit ou le sens commun conçoit toujours nécessairement l’existence de quelque cause ou force productrice qui fait commencer les phénomènes, s’éloigne, s’obscurcit et se dénature de plus en plus par les procédés mêmes qui tendent à dissimuler son titre et sa valeur réelle. […] Aucune langue n’a de mot pour exprimer ce je ne sais quoi (effort, tendance) qui reste absolument caché, mais que tous les esprits conçoivent comme ajouté à la représentation phénoménale27. » La force qui tend au mouvement, voilà, en effet, ce que ni la physique, ni la physiologie, ni même la psychologie expérimentale ne veut et ne peut connaître. […] Alors on entend la définition de l’homme : une force qui tend au mouvement libre.