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2133. (1887) Discours et conférences « Réponse au discours de M. Louis Pasteur »

Les républicains étaient rares alors ; c’était, comme aux siècles de la primitive Église, le temps des convictions personnelles, passionnées. […] Mais l’idéal n’est pas le surnaturel particulier, qui est censé avoir fait son apparition à un point du temps et de l’espace. […] Il a compris son heure mieux que personne ; il a vécu et senti avec l’humanité de son temps ; il a partagé ses espérances, si l’on veut ses erreurs ; il n’a reculé devant aucune responsabilité. […] Nous vivons dans un temps où il y a des inconvénients à être poli ; on vous prend à la lettre. […] Nous entendrons toujours ces sages paroles qui semblaient, par leur calme gravité, venir du fond d’un tombeau, et nous dirons pour finir par une grande pensée de lui : « Le temps, qui est beaucoup pour les individus, n’est rien pour ces longues évolutions qui s’accomplissent, dans la destinée de l’humanité.

2134. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Madame de La Tour-Franqueville et Jean-Jacques Rousseau. » pp. 63-84

On a publié en 1803 une correspondance, jusque-là inédite, de Jean-Jacques Rousseau avec une dame du temps, femme d’esprit et de ses grandes admiratrices, Mme de La Tour-Franqueville. […] L’intervalle de deux ou trois ans pendant lequel Rousseau, réfugié en Suisse, habita à Môtiers (1762-1765), fut le temps où la correspondance eut le plus de suite et apporta le plus de consolation à la pauvre Marianne. […] On se sent humilié pour ce qu’on appelle talent humain ou génie, de penser que c’est à partir de ce temps que Rousseau a écrit quelques-unes de ses plus divines pages, les premiers livres des Confessions, la cinquième promenade des Rêveries. […] J’ai oublié pendant ce temps Mme de La Tour, et peu s’en faut qu’à son passage à Paris, Rousseau ne l’ait oubliée lui-même. […] On la retrouve, après la mort de Rousseau, essayant encore de défendre sa mémoire, et brisant pour lui des lances dans les journaux du temps.

2135. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Lettres de Mlle de Lespinasse. » pp. 121-142

Il n’épouse les gens que pour un temps, et ne fait que traverser les groupes divers sans s’y enchaîner jamais. […] Heureux temps ! […] Ce qu’elle était comme maîtresse de maison et comme lien de société, avant et même depuis l’invasion et les délires de sa passion funeste, tous les mémoires du temps nous le disent. […] le divin temps qu’il faisait ! […] Mais eux, les voyageurs, ils n’avaient rien vu ni remarqué de ces petits accidents : c’est que Mme de Staël avait parlé pendant tout ce temps-là, et qu’elle parlait des Lettres de Mlle de Lespinasse, et de ce M. de Guibert, qui avait été sa première flamme.

2136. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Le maréchal Marmont, duc de Raguse. — I. » pp. 1-22

On le peignait, lui, le plus accusé des guerriers de ce temps, comme l’un des plus vifs précisément sur l’honneur, sur le sentiment de gloire et de patrie, sur le dévouement à la France, brillant, généreux, plein de chaleur et fidèle aux religions de sa jeunesse, enflammé comme à vingt ans, pour tout dire, et tricolore. […] Le plaisir que j’en ai éprouvé, je ne puis vous l’exprimer, mais je puis vous peindre la douleur et l’affliction que j’ai ressentie en me reportant au temps présent, et voyant disparaître cette atmosphère lumineuse qui un moment avait apparu à mes yeux et venait de s’évanouir comme un songe. […] Pendant un temps, il fut saisi d’une admiration sans bornes pour le héros de Bender ; il s’attachait à le copier en tout. […] On le voit dès lors ce qu’il sera de tout temps avec les femmes, galant, dévoué, chevaleresque, capable d’entraînement. […] C’était de tout temps un des faibles du maréchal que cette disposition aux largesses et à la libéralité.

2137. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Grimm. — I. » pp. 287-307

Les premiers essais littéraires de Grimm furent en allemand : il fit une tragédie qui a été recueillie dans le théâtre allemand de ce temps-là. […] Sans fortune et sans carrière, Grimm vint à Paris, y fut attaché quelque temps au jeune prince héréditaire de Saxe-Gotha, puis devint précepteur des fils du comte de Schomberg, puis secrétaire du jeune comte de Friesen, neveu du maréchal de Saxe. […] Si Grimm disait aux Français bien des vérités dures sur la musique, il en disait d’autres très agréables sur la littérature ; la Voix ou le Génie, parlant de la France en style prophétique et en se supposant dans les temps reculés, s’exprimait ainsi : Ce peuple est gentil ; j’aime son esprit qui est léger, et ses mœurs qui sont douces, et j’en veux faire mon peuple, parce que je le veux, et il sera le premier, et il n’y aura point d’aussi joli peuple que lui. […] Malherbe, en son temps, ne s’appelait-il pas aussi le Tyran des mots et des syllabes ? […] C’est vers ce temps (1759) que les occupations littéraires de Grimm prirent plus de place et de développement dans sa vie.

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