Au-dessous et en dehors des grands poètes du temps, de ceux qui ont exercé action et influence, M. […] Dans les premiers temps de son deuil, un jour que, revenant de l’église elle-même, elle était embarrassée dans son chemin, et que personne ne s’offrait à la conduire (quoique riche et jolie), un journalier, le jeune Primel, s’avança galamment ou plutôt par charité ; il lui donna le bras, et, chemin faisant, elle sentit qu’elle l’aimerait volontiers. […] Pour les gagner, il est obligé de partir et de se mettre en condition quelque temps. […] M. de Laprade possède au plus haut degré ce qui manque trop à des poètes de ce temps, distingués, mais courts ; il a l’abondance, l’harmonie, le fleuve de l’expression ; il est en vers comme un Ballanche plus clair et sans bégayement, comme un Jouffroy qui aurait reçu le verbe de poésie. […] Leconte de Lisle, qui n’est encore apprécié que de quelques-uns, a un caractère des plus prononcés et des plus dignes entre les poètes de ce temps.
Sans nous engager dans le détail des intrigues, il demeure évident que Mme des Ursins contribua dès les premiers temps à bien diriger la reine, à l’engager dans une voie où elle se fit bien venir de ses nouveaux sujets et chérir du peuple espagnol. […] Je n’ai pas le moindre repos, et je ne trouve pas même le temps de parler à mon secrétaire. […] Le mérite et l’art de Mme des Ursins fut de savoir en si peu de temps tirer si bon parti des grâces et de l’affabilité de la reine, qu’elle la rendit réellement populaire parmi le vrai peuple du centre de l’Espagne, et ce fut miracle de voir les racines de cette royauté si nouvelle prendre si vite au cœur des vieux Castillans, qu’elle put résister ensuite pendant de rudes années à tous les orages. […] Mme de Maintenon, Mme des Ursins, et Louis XIV, ces trois personnes furent quelque temps sous un même charme : Je rappelle souvent votre idée et cette aimable contenance qui me charmait à Marly, lui écrivait un an après Mme de Maintenon ; conservez-vous cette tranquillité qui vous faisait passer de la conversation la plus importante avec le roi au badinage de Mme d’Heudicourt dans mon cabinet ? […] Elle est d’avis que les chefs de ce parti ressentent les marques du mécontentement du roi avant qu’on ait eu le temps de recevoir des réponses de France, afin qu’il paraisse bien que c’est une résolution prise par le roi d’Espagne et non suggérée d’ailleurs : Ne vous épouvantez point, je vous supplie, madame, de ces résolutions : il est heureux que les grands nous aient donné une si juste occasion de les mortifier.
Le vrai dans les ouvrages de l’esprit, voilà de tout temps sa Bérénice à lui, et sa Champmeslé. […] À la Cour et dans le monde, qu’était Boileau dans son bon temps, avant les infirmités croissantes et la vieillesse chagrine ? […] Ainsi, un jour, étant au lit (car il se levait tard) et débitant au docteur Arnauld, qui l’était venu voir, sa troisième Épître où se trouve le beau passage qui finit par ces vers : Hâtons-nous, le temps fuit, et nous traîne avec soi : Le moment où je parle est déjà loin de moi ! […] « On devrait, disait Boileau, ordonner le vin de Champagne à ceux qui n’ont pas d’esprit, comme on ordonne le lait d’ânesse à ceux qui n’ont point de santé : le premier de ces remèdes serait plus sûr que l’autre. » Boileau dans son bon temps ne haïssait pas lui-même le vin de Champagne, la bonne chère, le train du monde ; il se ménageait moins à cet égard que son ami Racine, qui soignait sa santé à l’excès et craignait toujours de tomber malade. […] Supposez Boileau revenant au monde au milieu ou vers la fin du xviiie siècle, et demandez-vous ce qu’il penserait de la poésie de ce temps-là ?
Et, comme vous êtes un causeur philosophe et spirituel, c’est à peine si le jeune homme et la jeune fille songent à s’esquiver, — le temps d’aller cueillir un wergiss-mein-nicht au bord de l’étang qui dort sous les fenêtres. […] Vous leur dites si bien et si longuement (jamais trop longuement pour moi) les dangers, les passions, les déceptions de la vie, — avec les diverses manières de cultiver les tulipes, qu’ils n’ont presque plus le temps de courir des dangers, d’avoir des passions, de subir des déceptions — et d’arroser leurs tulipes. […] si Champfleury pouvait contempler — comme moi — la dernière ligne de ce manuscrit, où la mort n’a pas laissé le temps de jeter le point final, certes son œil deviendrait morne et s’humecterait… peut-être même ferait-il une Méditation lamartinienne, en songeant que les réalistes de ce bas monde ne sont que vanité ! […] Et ce n’est pas du temps perdu : la rêverie est un travail latent qui, pour s’accomplir à l’insu de l’artiste, n’en féconde pas moins son cerveau. […] Il serait temps cependant de s’entendre sur la portée exacte de cette expression.
Je goûte infiniment ses odes ; elles sont bien supérieures à toutes les productions lyriques de nos poëtes anglais. » Lady Montague jugeait là comme le monde du temps ; elle croyait Rousseau peu honnête homme et grand poëte, conditions qui s’excluent devant la postérité. […] C’est là le titre de gloire de Voltaire dans sa prose, et dans cette partie de ses poésies que le sujet, le temps, la libre humeur du peintre, pouvaient rendre quelque peu prosaïques, sans les laisser moins originales. […] Ainsi dominé, jusque dans sa fougue, le talent appartient moins à l’art qu’à la politique et demeure un symptôme du temps plutôt qu’une distinction originale. […] La grandeur politique de l’Angleterre, son génie voyageur, son ambition cosmopolite, devaient, même dans un temps de déclin pour les arts, ouvrir à ses enfants plus d’une source poétique. […] » N’est-ce pas ici, au milieu des splendeurs de la conquête britannique, la voix charitable, la douce ferveur du missionnaire anglais des premiers temps, de ce Winfried, le prédicateur venu d’Irlande dans la Germanie sauvage ?