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1165. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Madame Dacier. — II. (Fin.) » pp. 495-513

Ce ne fut point tout à fait au lendemain de la publication de l’Iliade que la querelle éclata : il fallut quelque temps pour que les adversaires en vinssent à tirer parti de cette lecture dans le sens de leurs idées. […] Pourtant, entre lui et Mme Dacier, il ne serait pas juste de s’en tenir purement et simplement à ce que fit dans le temps Fénelon par politesse, c’est-à-dire de laisser la balance indécise. […] Il place l’enfance du genre humain en Grèce, au temps d’Homère, son adolescence au temps de la florissante Athènes, sa maturité au temps de César et d’Auguste. […] Mme de Lambert, de son côté, remarquait que le moment était venu sans doute d’opérer le rapprochement : Le temps, ce me semble, disait-elle, y est propre. […] Mme Dacier continua quelque temps de le défendre avec vigueur, mais contre d’autres ennemis, et en évitant de se rencontrer face à face avec son premier antagoniste.

1166. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Œuvres complètes de Buffon, revues et annotées par M. Flourens. » pp. 55-73

Il vit peu dans le monde, ou du moins il n’y donne qu’une partie extérieure de lui-même et ce qui est de représentation, il s’isole le reste du temps ; il passe des journées entières dans les forêts, au spectacle de la nature, et dans cette tour qui était son cabinet de travail. […] Il y avait, du temps de Buffon et de son âge, un homme avant lui illustre, un homme né naturaliste comme d’autres naissent musiciens, peintres ou géomètres, un homme dont le nom est devenu celui de la science même, le Suédois Linné. […] Cette absence se prolongeant de la sorte, Linné apprit, non sans étonnement, qu’un perfide ami cherchait à en profiter pour lui enlever le cœur de sa fiancée ; il revint sans trop se presser, à temps encore pour déjouer cette machination anticonjugale, et il retrouva la jeune fille restée fidèle. […] De son temps, non ; après lui, et jusque de nos jours, moins encore peut-être. […] L’homme peut donc non seulement faire servir à ses besoins, à son usage, tous les individus de l’univers, mais il peut encore, avec le temps, changer, modifier et perfectionner les espèces ; c’est même le plus beau droit qu’il ait sur la nature.

1167. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Montluc — II » pp. 71-89

Malgré les succès partiels et de détail des armes françaises en Italie, on était resté sur le souvenir de la grande défaite de Pavie : une vraie revanche, une bataille rangée, était chose désirée, et il semblait qu’il était temps enfin de remporter une victoire qui allât rejoindre celle de Marignan. […] » En sortant de la chambre du conseil, n’oublions pas que Montluc se voit entouré des meilleurs de la jeune noblesse, et qui brûlent, s’il y a combat, de courir en volontaires pour y être à temps ; il leur répond moitié en français, moitié en gascon, et les conviant de se dépêcher s’ils veulent « en manger » et être de la fête. […] Sur cette idée un peu folle, ainsi qu’il l’appelle, il avait donné ordre à un sien valet de lui tenir son cheval turc prêt à monter derrière le bataillon ; mais une fugue du valet mit du retard à l’entreprise, et Montlue, après un temps de galop, vit qu’il lui fallait renoncer à ce supplément d’honneur et de gain. […] Son défaut en tout temps, et même dans son moment le plus glorieux, était une promptitude de colère qui lui fit faire des choses sanglantes ; il en dit son mea culpa : « J’avais la main aussi prompte que la parole. J’eusse voulu, si j’eusse pu, ne porter jamais de fer au côté. » Il paraît se repentir quelquefois d’avoir fait sentir son épée sur le temps même à quelque homme rétif qui l’offensait et lui résistait.

1168. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Henri IV écrivain. par M. Eugène Jung, ancien élève de l’École normale, docteur es lettres. — I » pp. 351-368

Deux lettres écrites vers ce temps à l’un de ses plus fidèles serviteurs et compagnons d’armes, M. de Batz, donnent idée de tout ce qu’il y a d’alerte, de gai, de familier dans sa manière : Monsieur de Batz, ils m’ont entouré comme la bête, et croient qu’on me prend aux filets. […] Certes sa fidélité est un miracle. » (25 mai 1586.) — Un peu plus tard il lui offre un cadeau digne de l’antique idylle : « J’ai deux petits sangliers privés et deux faons de biche ; mandez-moi si les voulez. » La belle Corisandre, on le voit par les écrits satiriques du temps, aimait cet attirail et cet entourage de singes, de chiens, de bouffons, d’animaux privés de toute espèce, et, au grand scandale des huguenots puritains, elle allait même dans cet équipage à la messe. […] Mme de Grammont resta encore quelque temps la maîtresse en nom de Henri, même après qu’il eut passé la Loire et qu’il eut fait sa jonction avec l’armée royale et catholique. […] Mais, dès ce temps-là, la comtesse a fait son deuil de cet amour qui n’est plus qu’en paroles. […] Ayez cette créance, et vivez assurée de ma foi. » Il continue sur ce ton encore pendant toute l’année suivante ; il la tient au courant de ses pas et démarches au temps d’Arques et d’Ivry, et durant ce siège de Paris où on le voit très peu tendre pour les Parisiens qu’il affame de son mieux, et dont il plaint peu les misères.

1169. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « La Margrave de Bareith Sa correspondance avec Frédéric — II » pp. 414-431

Ô temps ! […] C’est peu après ce temps que la margrave songea à se servir de Voltaire pour une tentative du même genre et qui avait le même but, mais qui ne paraît point se rattacher à la précédente. […] Pendant ce temps-là, on agissait également auprès du maréchal de Richelieu, alors général de l’armée française en Saxe, et, sans rien obtenir quant à l’ensemble des affaires, on parvenait personnellement, par des moyens indirects, à le ralentir. […] Non, ma divine sœur, je ne vous cacherai aucune de mes démarches, je vous avertirai de tout ; mes pensées, le fond de mon cœur, toutes mes résolutions, tout vous sera ouvert et connu à temps. […] Il y a eu, en des temps plus voisins de nous, une autre sœur de roi aussi, qui a voulu partager la destinée de son frère et mourir avec lui : cet autre roi était loin d’être un grand homme ou même un homme supérieur, ce n’était qu’un honnête homme ; cette sœur, c’était une personne douce, pure, simple, pieuse, ayant surtout les trésors du cœur.

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