Nous voilà dans l’obscurité de la petite loge, avec la salle encore vide, où émergent, çà et là, quelques têtes ayant sur la figure de l’implacabilité de juge, qui va juger des criminels. « J’ai comme le bout des doigts aimantés ! […] Et le soir le général Sébastiani recevait sur un plat d’orfèvrerie, la tête coupée de la femme, avec un message conçu à peu près en ces termes. […] Et quand il disait cela, de la porte derrière laquelle elle écoutait, apparaissait la vieille servante, la figure cachée dans ses mains, et qui lui jetait : « Mais, mon cher maître, vous avez perdu la tête, comment pouvez-vous dire des choses comme cela ? […] Puis il se lamente que la police défende les hommes-affiches, qui sont un des grands moyens de publicité à Londres… Mais il a quelque chose en tête.
L’homme de guerre est un vivant redoutable ; il est debout, la terre se tait, siluit ; il a de l’extermination dans le geste, des millions d’hommes hagards se ruent à sa suite, cohue farouche, quelquefois scélérate ; ce n’est plus une tête humaine, c’est un conquérant, c’est un capitaine, c’est un roi des rois, c’est un empereur, c’est une éblouissante couronne de lauriers qui passe jetant des éclairs, et laissant entrevoir sous elle dans une clarté sidérale un vague profil de César ; toute cette vision est splendide et foudroyante : vienne un gravier dans le foie ou une écorchure au pylore, six pieds de terre, tout est dit. […] Une tête où il y a une idée, voilà le sommet ; les entassements de pierre et de brique font des efforts inutiles. […] La haute tête d’un grand homme est une clarté. […] On va par là, on se heurte au piédestal, on est bien obligé de lever la tête et de regarder un peu l’inscription, on échappe au livre, on n’échappe pas à la statue.
Thierry suppose ne se fît pas exactement comme il le dit, dans cette tête déformée de kalmouck, ivrogne et superstitieux, dont les hordes ne devaient colporter ni dieux, ni morale, ni gouvernements à l’ancien monde, mais il n’est pas douteux que la bête humaine qui pataugeait au fond d’Attila n’eût flairé la jouissance romaine, et que l’envie d’y toucher ne se fût éveillée ! […] Nous l’avons fait voir aussi prosaïque qu’un souverain qui entend les affaires, futé, maquignon, général à la dernière extrémité, temporisateur, le Fabius cunctator de la Barbarie, bonne caboche, du reste (comme disait le maréchal de Villars d’une fausse forte tête qu’il méprisait), et dont le front conique entrerait sans effort, à ce qu’il semble, dans le feutre gris des temps modernes. […] Saint Léon, que l’Église romaine appelle le Grand et que l’Église grecque appelle le Sage, saint Léon, le pontife sauveur, au-dessus de la tête duquel Raphaël a mis des apôtres et des anges pour expliquer le cabrement du cheval d’Attila devant la majesté placide du vieillard, saint Léon n’est pour M. […] le monde, qu’il ne voit plus, prend dans sa tête les couleurs furieuses de l’impossible, qui valent mieux que tous les outre-mers et tous les vermillons !
Assurément, de tels paradoxes sont trop minces pour ne pas casser, et les raisonnements qui les appuient ne peuvent prendre qu’au Journal des Débats, entre les têtes les plus chinoises des mandarins qui y écrivent. […] Madame Clotilde Schultz, la nièce de Chasles, qui avait une nièce, [ni plus ni moins qu’un curé, et charmante, m’a-t-on dit, qui tenait sa maison et dont il avait fait son secrétaire en jupe… un peu bleue ou au moins lilas, a publié, à la tête de la Psychologie sociale, une lettre très aimable pour Charpentier, l’éditeur de cette Psychologie, et cette lettre nous met au courant du livre sur lequel nous comptions si peu. […] Lui qui avait de la réalité à côté de l’imagination dans la tête, qui avait de l’observation, de la netteté dans le regard, et de la raillerie au service de tout ce qui était hypocrite, pédant et niais, croit à la perfectibilité du genre humain comme le plus simple épicier de cette grande époque, dont c’est l’opinion. […] Tout neuf de vertu et de charité, Philarète Chasles, qui veut justifier, en le méritant, son nom de Philarète, a habillé l’indigent abbé depuis ses pauvres pieds jusqu’à sa pauvre tête.
En vain, pour éluder l’enquête, Dans leur sarcophage blottis, Quelques pécheurs cachant leur tête Se font petits, petits, petits. […] Amédée Pommier, le poète chrétien, de tête du moins, doit être appelé matérialiste par les spiritualistes du Déisme et de la métempsychose, parce qu’il n’a pas craint de retracer, avec une énergie formidable, les douleurs de la damnation et les supplices de ces ténèbres extérieures où, selon notre foi et nos saints livres, il y aura des pleurs et des grincements de dents. […] Jamais il n’en fut de plus frivoles que ceux-ci, de plus aériens, de plus osés, de plus fantaisie, de plus rien du tout parmi ces riens que des têtes couronnées ou des filles de millionnaire peuvent seules porter ! […] Rappelez-vous ces quelques chansons du Cromwell, — La Chanson du Fou, par exemple, — ces gouttes de rosée frémissantes, rouges du soir, qui suffisent pour noyer toute une tête humaine dans un infini de rêveries !