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855. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « De la dernière séance de l’Académie des sciences morales et politiques, et du discours de M. Mignet. » pp. 291-307

Il a donc fallu que M. le secrétaire perpétuel, pour rendre son sujet tout à fait agréable et pour l’accommoder au goût particulier du public dont il recherchait la faveur, dissimulât le côté essentiel qui y aurait jeté une ombre. […] Mignet, comme auteur de notices et d’éloges, a à se garder de cette faculté d’omettre ce qui le gêne dans les sujets qu’il traite. […] Il avait une langue pure, facile et pleine, une perception vive et pénétrante de la nature, un tour d’imagination assez romanesque, et un sentiment exquis de critique littéraire : il aurait pu se porter sur plus d’un sujet qui eût du corps, s’y reposer du moins et s’y refaire dans les intervalles de ses soliloques psychologiques trop prolongés. […] Dans le dernier discours sur Jouffroy, il me semble avoir sacrifié plus que d’ordinaire à la mise en scène ; il y a mêlé un but étranger au sujet même qu’il étudiait ; il a voilé en un sens et drapé son personnage ; il a pris parti, plus finement qu’il ne convient, pour la malice et la rancune des grands sophistes et des grands rhéteurs dont l’histoire sera un jour l’un des curieux chapitres de notre temps, intolérants et ligués comme les encyclopédistes, jaloux de dominer partout où ils sont, et qui, depuis que l’influence décidément leur échappe, s’agitent en tous sens pour prouver que le monde ne peut qu’aller de mal en pis.

856. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Nouveaux voyages en zigzag, par Töpffer. (1853.) » pp. 413-430

À la renaissance de la peinture au xve  siècle, les paysages, comme fond, étaient traités avec beaucoup de soin dans quelques tableaux historiques ; mais ils ne devinrent des sujets mêmes de tableaux qu’au xviie  siècle : ce fut la conquête des Lorrain, des Poussin, des Ruysdael, des Karl Du Jardin et de ces admirables Flamands que Töpffer saluait les premiers paysagistes du monde. […] Il a, à ce sujet, de ravissantes pages sur ce thème Qu’est-ce que croquer ? […] Tout en admirant nos grands écrivains, il ne les imite donc pas le moins du monde : placé hors du cercle régulier et, pour ainsi dire, national, de leur influence, il ne trouve pas qu’il y ait révolte à ne pas les suivre, même dans les formes générales qu’ils ont établies et qui font loi en France ; il n’est pas né leur sujet. […] » Les sentiments élevés, ceux que naturellement la pensée de sa mort réveille, nous reviennent à son sujet.

857. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Marivaux. — II. (Fin.) » pp. 364-380

Crébillon, ainsi que quelques auteurs de son âge, comptait trop sur la licence de ses sujets et sur son libertinage de ton pour se faire lire ; il croyait se donner le lecteur pour complice. […] On ne s’attendrait pas à voir Marivaux faisant la réprimande à Montesquieu, et la faisant sur un chapitre sérieux dans lequel il a pour lui convenance et raison : Je juge, disait-il donc à propos des Lettres persanes, que l’auteur est un homme de beaucoup d’esprit ; mais, entre les sujets hardis qu’il se choisit et sur lesquels il me paraît le plus briller, le sujet qui réussit le mieux à l’ingénieuse vivacité de ses idées, c’est celui de la religion et des choses qui ont rapport à elle. […] Sans doute le mot de marivaudage s’est fixé dans la langue à titre de défaut : qui dit marivaudage dit plus ou moins badinage à froid, espièglerie compassée et prolongée, pétillement redoublé et prétentieux, enfin une sorte de pédantisme sémillant et joli ; mais l’homme, considéré dans l’ensemble, vaut mieux que la définition à laquelle il a fourni occasion et sujet.

858. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Œuvres de François Arago. Tome I, 1854. » pp. 1-18

Fontenelle, qu’on cite toujours comme le premier maître dans le genre de l’éloge appliqué aux savants, n’eut pas à triompher de cette difficulté ; il se contentait d’indiquer d’un mot les points et les sujets de science, il ne les traitait pas. […] Lorsqu’une digression, une discussion plus ou moins naturelle se présente, au lieu de l’amener avec adresse, de la fondre dans le sujet, M.  […] Voilà les caractères et les défauts que je pourrais appuyer et démontrer par maint exemple : mais, à côté de cela, on sent l’homme compétent et supérieur quand il parle du fond des sujets ; on s’efforce de le comprendre et de le suivre, et on y parvient avec quelque application. […] Tout sujet d’entretien lui était bon ; il acceptait volontiers celui qu’on mettait sur le tapis, et il étonnait les indifférents par les trésors qu’il tirait à l’instant de la mine qu’ils lui avaient offerte sans y songer.

859. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Le président Jeannin. — III. (Fin.) » pp. 162-179

ou bien s’arrangerait-elle pour ne faire que des concessions avec réserve et sous-entendu comme à d’anciens sujets révoltés ? […] Au reste, pour apprécier l’ensemble de la conduite et du caractère du président Jeannin en ces années, on n’a rien de mieux à faire que de s’en rapporter au témoignage décisif du cardinal de Richelieu, un moment son adversaire, qui le vit de près à l’œuvre, qui lisait et relisait ses Négociations manuscrites durant son exil d’Avignon, et à qui il échappe à son sujet des paroles d’une admiration généreuse : On ne saurait assez dire de ses louanges, écrit-il à l’occasion de sa mort ; mais il faut faire comme les cosmographes qui dépeignent dans leurs cartes les régions tout entières par un seul trait de plume. […] Nervèze, une des belles plumes du temps, en fit le sujet d’une épître consolatoire adressée au père (1612). […] Ce sujet devrait tenter quelque Bourguignon érudit.

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