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353. (1897) Préface sur le vers libre (Premiers poèmes) pp. 3-38

ceci n’est point une attaque contre les poètes du passé : nous déclarions récemment que le symbolisme était une conséquence logique et fatale du romantisme ; nous n’aurions garde de renier nos aïeux, ni nos grands aînés, et si nous avions des sévérités, ce serait uniquement contre des imitateurs qui les suivraient de trop près, et se conformeraient à eux, mots et idées. […] Sans doute, si l’évolution de la musique pure ou du poème suivait pas à pas cette modification du sens auditif, les changements de rythmique seraient lents, successifs, comme ceux qui se produisent à l’intérieur même d’une école : exemple, la tension que fit subir au vers romantique un groupe, le Parnasse, opérant sur son patrimoine. […] La publication de ces vers fut immédiatement suivie, en Belgique et en France, de poèmes conçus selon des formes voisines. […] M. de Régnier suivit, mais de plus loin ; comme la plupart des littérateurs d’à présent ; ces deux poètes ont rejeté la camisole de force de l’alexandrin, mais celui-là plus définitivement que celui-ci, etc… » J’ai cité de M.  […] On obtient par assonances et allitérations des vers comme celui-ci : Des mirages | de leur visage | garde | le lac | de mes yeux Tandis que le vers classique ou romantique n’existe qu’à la condition d’être suivi d’un second vers, ou d’y correspondre à brève distance, ce vers pris comme exemple possède son existence propre et intérieure.

354. (1824) Discours sur le romantisme pp. 3-28

En cette occasion, le précepte est plus facile à donner qu’à suivre. […] À la même époque, un Espagnol, doué de la plus riche imagination, connaissant les préceptes et les modèles de la scène antique, mais, comme il le disait lui-même, les tenant enfermés sous dix clefs, pour ne pas succomber à la tentation de suivre les uns et d’imiter les autres, s’était condamné à l’extravagance, pour plaire à sa nation, amoureuse de l’élévation démesurée des sentiments, de la pompe emphatique du langage, et de la complication fatigante des événements. […] L’épopée et le roman, l’ode et la satire, tous les autres genres, n’ont pas un pareil choix à faire ; ils n’ont pas de lois précises, rigoureuses, qu’ils doivent suivre ou qu’ils puissent transgresser : il n’existe pour eux, en quelque sorte, que des usages et des convenances. […] Pour ne parler que de la France, ces productions, généralement nobles et décentes sous Louis XIV, devinrent licencieuses et impies sous la Régence ; ensuite, sauf de glorieuses exceptions qui s’offrent à la pensée de tous, futiles et affectées pendant le long règne de Louis XV, elles semblèrent se régénérer, avec les mœurs publiques et privées, dans les années trop peu nombreuses du règne de son infortuné successeur ; et enfin, nous les avons vues, durant les jours de nos discordes civiles, partager la fortune diverse des partis, et suivre les phases variées du corps social, tantôt abjectes et furibondes, tantôt sublimes et dévouées, ici célébrant les épreuves de la vertu, et là consacrant les triomphes du crime. […] Tantôt guidés par d’illustres devanciers, tantôt dirigés par un heureux instinct, nos grands écrivains ont, en chaque genre, ouvert ou suivi le chemin qui conduit à la perfection ; marcher sur leurs traces, ce serait affronter, sans gloire, le danger de ne pas les atteindre : on croit y échapper, en essayant de se frayer des routes nouvelles : louable ambition, si elle pouvait être couronnée du succès ; témérité malheureuse, lorsqu’il n’y a qu’une bonne route, hors de laquelle tout est sentiers perdus ou précipices inévitables.

355. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Troisième partie. Disposition — Chapitre V. Subordination et proportion des parties. — Choix et succession des idées »

Il me semble qu’un livre, un discours, une dissertation, ne doivent être qu’une sorte d’affleurement continu de la pensée, qui permet de suivre la direction et de sonder la richesse de la veine intérieure de l’esprit. […] Et il faut choisir entre toutes ces possibilités : il faut couper la communication entre une idée et toutes les autres sauf deux, dont l’une la précédera et l’autre la suivra ; il faut lui fermer toutes les places qu’elle peut occuper, sauf une seule. […] Tout au plus pourra : t-on, dans certains cas, annoncer au début la marche qu’on se propose de suivre, refaire à la fin dans un résumé rapide tout le travail qu’on a fait pour atteindre la conclusion. […] Bossuet ne manque jamais de faire connaître le plan qu’il se propose de suivre dans ses oraisons funèbres : mais il le fait sans le dire, sans compter sur ses doigts les parties et les parties des parties, sans sécheresse en un mot ni nomenclature rebutante.

356. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Joséphin Soulary »

L’un est morne : il conduit le cercueil d’un enfant ; Une mère le suit, presque folle, étouffant Dans sa poitrine en feu le sanglot qui la brise. […] Un jour le poète, étant mort, va, suivi de son chien, frapper à la porte du Paradis ; et, comme saint Pierre ne veut pas laisser entrer le fidèle animal et que saint Roch lui-même, invoqué, fait le cafard et se récuse, le poète et son chien errent à l’aventure dans la région où sont les ombres des bêtes… Et cela est un rêve, et cela s’appelle Dans les limbes, et il est difficile d’imaginer un badinage plus soigné et plus long. […] L’ombre qui te suit, c’est un veuf en peine. […] Le fou qui la suivrait, dit le poète, serait pauvre, honni des bourgeois, et se damnerait. « Il perdrait la sainte chimère de l’hyménée éternel  mais il n’aurait pas de belle-mère ! 

357. (1864) William Shakespeare « Deuxième partie — Livre IV. Critique »

Chaudesaigues, accentue encore ce reproche : « On a, dit-il, restauré Shakespeare sans le suivre. […] Le théâtre contemporain n’a pas plus suivi Shakespeare qu’il n’a suivi Eschyle. […] Il y a là au premier plan, partout, en plein soleil, dans la fanfare, les hommes puissants suivis des hommes dorés.

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