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185. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Histoire des travaux et des idées de Buffon, par M. Flourens. (Hachette. — 1850.) » pp. 347-368

Il traduisit la Statique des végétaux de Hales (1735), et la Méthode des fluxions et des suites infinies de Newton (1740). […] Ce à quoi Buffon tenait avant tout en écrivant, c’était à la suite, au lien du discours, à son enchaînement continu. […] La grande beauté chez Buffon consiste plutôt dans la suite et la plénitude du courant. […] Cette précaution une fois prise, il raconte avec une suite, une précision et un sentiment de réalité qui étonne et fait illusion à la fois, ces scènes immenses et terribles de débrouillement, ces spectacles effroyables, et qui n’eurent point de spectateur humain.

186. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Mémoires du cardinal de Retz. (Collection Michaud et Poujoulat, édition Champollion.) 1837 » pp. 40-61

Il était de ceux en qui l’humeur domine le caractère ; l’amour de son plaisir, le libertinage, l’intrigue pour l’intrigue, le goût des déguisements et des mascarades, un peu trop de Figaro, si je puis dire, gâtaient le sérieux et rompaient dans la pratique la suite des desseins que son beau et impétueux génie était d’ailleurs si capable de concevoir. […] Ce premier et double rôle de restaurateur du bien public et de conservateur de l’autorité royale tenta d’abord l’esprit élevé et lumineux de Condé ; mais Retz nous fait comprendre à merveille comment le prince ne put s’y tenir ; il était trop impatient pour cela : « Les héros ont leurs défauts ; celui de M. le Prince était de n’avoir pas assez de suite dans l’un des plus beaux esprits du monde. » Et, poussant plus loin, il nous explique à quoi tient ce peu de suite. […] C’est à ce moment aussi qu’en artiste qu’il est la plume à la main, se considérant comme sorti du préambule et du vestibule de son sujet, il se donne carrière, et, tandis qu’il n’avait dessiné jusque-là les personnages que de profil, il les montre en face et en pied, comme dans une galerie ; il ne fait pas moins de dix-sept portraits de suite, tous admirables de vie, d’éclat, de finesse, de ressemblance, car l’impartialité s’y trouve même quand il peint des ennemis.

187. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Grimm. — II. (Fin.) » pp. 308-328

Byron ou Goethe, en le lisant, prenaient une idée juste et complète de la littérature et du train de vie de ce temps-là ; et Byron lui a donné le plus bel éloge, en traçant nonchalamment sur son journal ou Memorandum écrit à Ravenne ces mots qui deviennent une gloire : « Somme toute, c’est un grand homme dans son genre. » Nous autres Français, qui savons d’avance, et par la tradition, quantité des choses qui se trouvent dans Grimm, il ne nous faut pas le lire de suite, mais le prendre par places et aux endroits significatifs. […] Je pourrais, en citant, donner de jolis mots qui s’y rencontrent ; mais c’est le sens même et la suite qui fait le prix de ce délicieux morceau ; voici quelques traits pourtant : Son esprit, dit-il de Montaigne, a cette assurance et cette franchise aimable que l’on ne trouve que dans ces enfants bien nés, dont la contrainte du monde et de l’éducation ne gêna point encore les mouvements faciles et naturels… Les vérités (dans son livre) sont enveloppées de tant de rêveries, si j’ose le dire, de tant d’enfantillages, qu’on n’est jamais tenté de lui supposer une intention sérieuse… Sa philosophie est un labyrinthe charmant où tout le monde aime à s’égarer, mais dont un penseur seul tient le fil… En conservant la candeur et l’ingénuité du premier âge, Montaigne en a conservé les droits et la liberté. […] Catherine faisait de lui et de son esprit le plus grand cas : À la suite du prince héréditaire de Darmstadt, écrivait-elle à Voltaire (septembre 1773), j’ai eu le plaisir de voir arriver M.  […] Sa conversation est un délice pour moi ; mais nous avons encore tant de choses à nous dire, que jusqu’ici nos entretiens ont eu plus de chaleur que d’ordre et de suite.

188. (1888) La critique scientifique « La critique scientifique — Analyse esthétique »

Un roman, pour prendre un cas précis, est une suite de phrases écrites, destinées à représenter un spectacle émouvant : l’émotion qu’on ressent après l’avoir lu et en le lisant, est sa fin ; cette émotion se distingue de celle que produirait le spectacle réel substitué au spectacle représenté du roman, en ce qu’elle est plus faible, comme toute représentation ; en ce qu’elle est inactive, en ce qu’elle ne provoque sur le moment ni des actes, ni des tendances à un acte. On ne se porte pas au secours du héros que l’on assassine au dernier chapitre, et, s’il se marie, la joie qu’on peut en ressentir est sans suites pratiques. […] Nous rechercherons plus tard si ces émotions, inefficaces sur le moment, ne deviennent pas, dans la suite, des motifs de conduite, en d’autres termes, si le genre de lectures ne modifie pas le caractère ; on pourra examiner encore si l’habitude de ces émotions sans aboutissement, quelle qu’en soit la nature, n’entraîne pas certaines conséquences morales. […] Les phrases, leur suite et leurs combinaisons, sont destinées à montrer un spectacle complexe, celui de gens agissant dans des lieux.

189. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Bossuet. Œuvres complètes publiées d’après les imprimés et les manuscrits originaux, par M. Lachat. (suite et fin) »

Lachat (suite et fin) Mardi 20 mai 1862. […] On a peine, malgré tout, à croire que ce Panégyrique de saint Paul, tel que nous l’avons, soit précisément celui qu’il a prononcé dès 1657 à l’âge de trente ans, et qu’il ne l’ait pas retouché plus tard : dans ce cas il aurait été dès cet âge le grand orateur qu’il a paru depuis, et il n’aurait fait dans la suite que s’égaler, sans jamais se surpasser.

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