je ne puis leur faire que de courts emprunts, mais ils suffiront pour donner idée au lecteur de l’esprit dans lequel le livre a été conçu et du talent avec lequel il a été mis en œuvre. […] Voilà pour moi une merveille, une étonnante description qui suffirait pour mettre l’auteur de Mon frère Yves au rang de nos meilleurs écrivains, de nos grands penseurs, s’il n’y était déjà. […] La verte falaise est sans rochers, mais sa hauteur suffit pour donner à la route qu’elle surplombe cette physionomie d’asile abrité, reposant attrait des vallées au pied des montagnes. […] Un frisson le glaçait, il voulut secouer ce rêve, puis il répéta lentement : — Rien n’est jamais fini, il suffit d’un peu de bonheur pour que tout recommence. […] Clovis Hugues et, après l’avoir dépouillé de la passion de parti, reconnaissons qu’il renferme de belles pages (Pendant les haltes) qui suffiraient à en assurer le légitime succès.
Peut-être, et M. de Chateaubriand l’a remarqué dans un jugement porté sur elle vers l’époque de sa mort, pour rendre ses ouvrages plus parfaits il eût suffi de lui ôter un talent, celui de la conversation. […] Je n’analyserai pas le livre : qu’on relise seulement le chapitre de l’Amour ; c’est l’histoire intime, à demi palpitante et voilée, de tout ce cœur de trente ans, telle qu’il nous suffit de la savoir. […] Suard, dans ce salon neutre et conciliant d’un homme d’esprit auquel il avait suffi de vieillir beaucoup et d’hériter successivement des renommées contemporaines pour devenir considérable à son tour. […] Le mécontentement du souverain contre l’ouvrage70, probablement parce que cet enthousiasme idéal n’était pas quelque chose qui allât à son but, suffit à paralyser les éloges imprimés. […] Plus jeune, moins accablée, il lui avait suffi d’aller, à certaines heures de tristesse, faire visite de l’autre côté du parc au tombeau de son père, ou d’agiter avec Benjamin Constant, avec M. de Montmorency, quelque conversation mystiquement élevée : en avançant dans la vie, une fois le ressort brisé contre les souffrances positives et croissantes, quand tout manque, et se fane jour par jour, et se décolore, les inspirations passagères ne soutiennent plus ; on a besoin d’une croyance plus ferme, plus continuellement présente : Mme de Staël ne la chercha qu’où elle la pouvait trouver, dans l’Évangile, au sein de la religion chrétienne.
L’abbé Raynal étant venu à Aix en Savoie, M. de Maistre, fort jeune encore, alla le voir avec quelques amis ; mais une première visite suffit à la connaissance : l’absence de dignité dans l’homme le détrompa vite (s’il en était besoin) des déclamations philanthropiques de l’historien. […] Jusqu’ici il nous a suffi de le faire connaître graduellement et de le produire, non absolu encore, par des extraits, par des analyses, en nous effaçant. […] Or, si l’on suppose M. de Maistre recevant, ainsi qu’il est très-probable, la communication de cette brochure dans le temps où il écrivait son pamphlet de Claude Têtu, mûr comme il était sur la question et tout échauffé par le prélude, il lui suffit d’un éclair, pour l’enflammer ; il dut se dire à l’instant, dans sa conception rapide, que c’était le cas de refaire la brochure de Saint-Martin, non plus avec cette mollesse et cette fadeur à demi inintelligible, non dans un esprit particulier de mysticisme et dans une phraséologie béate qui tenait du jargon, mais avec franchise, netteté, autorité, en s’adressant aux hommes du temps dans un langage qui portât coup et avec des aiguillons sanglants qui ne leur donneraient pas envie de rire. […] ce n’était pas pour les envoyer qu’on vous les avait données. » — Quant à lui, il lui suffisait d’avoir un peu de représentation pour l’honneur de son maître : souvent il dînait seul, avec du pain sec. […] Il suffit qu’elles vivent avec honneur un certain laps d’années, et qu’elles procurent durant ce temps à un certain nombre de générations repos et bonheur, de la manière dont celles-ci l’entendent.
Indépendant dans la religion comme dans tout le reste, il se suffisait à lui-même ; ne trouvant dans aucune secte les marques de la véritable Église, il priait Dieu solitairement sans avoir besoin du secours d’autrui. […] Contre les évêques, qui étaient vivants et puissants, sa haine s’épancha plus violemment encore, et l’âcreté des métaphores venimeuses suffit à peine à l’exprimer. […] À cette tâche, Shakspeare suffirait à peine ; Milton, logicien et raisonneur, y succombe. […] Le flot des dissertations ne s’arrête pas ; du paradis, il monte dans l’empyrée : ni le ciel ni la terre, ni l’enfer lui-même ne suffiront à le réprimer. […] « Quand même je n’aurais eu qu’une faible teinture du christianisme, une certaine réserve naturelle d’humeur et la discipline morale enseignée par la plus noble philosophie eussent suffi pour m’inspirer le dédain des incontinences. » (Apologie pour Smectymnus.)
Cela suffit sans doute, écrit-elle, D’être une femme tendre au bras de son ami Qui marche dans la vie en rêvant à demi Sans plus sentir ses pieds se meurtrir sur les routes… — Mais peut-être qu’il vit encore, ton désir D’aller vers les couchants où saigne l’Au-delà ? […] Il faut bien dire que l’accumulation de ces métaphores devient du procédé : il suffit d’appliquer aux arbres les mots de tendresse et de désir qui se disent dans l’amour. […] Laurent Évrard n’a pas cru qu’il lui suffirait, pour être poète, de s’abandonner aux intuitions de sa pensée ; elle a voulu, avant d’écrire ses poèmes, posséder son art, son métier, comme les Maîtres, étudier toutes les ressources de sa langue, afin, connaissant les secrets des mots, de manier à son gré les images et les idées. […] Cette brève analyse suffit à faire comprendre combien peu Nietzsche a touché cette âme. […] Il a suffi de ce mot « instincts » prononcé par l’Inconstante, pour réveiller, par une très rudimentaire association d’idées, les théories de Rousseau sur le bienfait du retour à la nature.