/ 2499
552. (1906) La nouvelle littérature, 1895-1905 « Première partie. Écoles et manifestes » pp. 13-41

La nuance a détrôné la couleur, l’écriture a détrôné le style, les thèses et les systèmes ont chassé la vie. […] Je sais que seul un juste ouvrage peut posséder l’éternité Je m’applique à ce dur travail obstinément. » Ce style singulier et immodeste, ce panthéisme cessèrent rapidement d’être à la mode. […] Car il y a deux sens au mot classique, ainsi que l’a marqué Sainte-Beuve : « Le mot classicus se trouve employé dans Aulu-Gelle et appliqué aux écrivains ; un écrivain de valeur et de marque, classicus assiduusque scriptor, un écrivain qui compte, qui a du bien au soleil… Un vrai classique, comme j’aimerais à l’entendre définir, c’est un auteur qui a enrichi l’esprit humain, qui en a réellement augmenté le trésor, qui lui a fait faire un pas de plus, qui a découvert quelque vérité morale non équivoque ou ressaisi quelque passion éternelle… qui a rendu sa pensée, ou son observation, sous une forme n’importe laquelle, mais large et grande, fine et sensée, saine et belle en soi, qui a parlé à tous dans un style à lui, et qui se trouve celui de tout le monde, dans un style nouveau sans néologisme, nouveau et antique, aisément contemporain de tous les âges. Un tel classique a pu être un moment révolutionnaire, il a pu le paraître du moins, mais il ne l’est pas… il n’a renversé ce qui le gênait que pour rétablir l’équilibre “au profit de l’ordre et du beau”… » C’est aussi : « Les écrivains d’un ordre moyen, justes, sensés, élégants, toujours nets, d’une passion noble et d’une force légèrement voilée… écrivains modérés et accomplis… Cette théorie dont Scaliger a donné le premier signal chez les modernes est la théorie latine à proprement parler et elle a été aussi pendant longtemps la théorie française… Le chef-d’œuvre que cette théorie aimait à citer c’est Athalie. » En somme, c’est ici la théorie de l’unité soutenue par Buffon dans le Discours sur le style, et Sainte-Beuve conclut : « Il n’y a pas de recettes pour faire des classiques : ce point doit être enfin reconnu évident.

553. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « V. M. Amédée Thierry » pp. 111-139

Hommes, choses et ruines, s’y marquent de caractères qu’on n’a vus qu’à certains moments de la Bible, et, pour les faire flamboyer dans une pensée et dans un style harmoniques au sujet, il faudrait une puissance de prophète. […] Sa grande valeur est d’être peintre, d’avoir sinon le style de l’histoire, au moins un très remarquable style d’histoire, ce style par lequel, en toutes choses, les œuvres durent, car on recommence l’histoire, on peut la recommencer cinquante fois sous d’autres arcs de lumière, avec des aperçus ou des documents de plus, mais on a beau la refaire, on la relit toujours quand elle est littérairement écrite ! […] Égal à son frère en tant de parties que je viens d’énumérer, c’est par le style, c’est-à-dire par la vie de l’histoire (non par son intelligence), que M. 

554. (1868) Curiosités esthétiques « VII. Quelques caricaturistes français » pp. 389-419

Ce n’est pas seulement pour avoir gardé profondément l’empreinte sculpturale et la prétention au style de cette époque, ce n’est pas seulement, dis-je, au point de vue historique que les caricatures de Carle Vernet ont une grande valeur, elles ont aussi un prix artistique certain. Les poses, les gestes ont un accent véridique ; les têtes et les physionomies sont d’un style que beaucoup d’entre nous peuvent vérifier en pensant aux gens qui fréquentaient le salon paternel aux années de notre enfance. […] Tout à l’heure nous parlerons de l’artiste, c’est-à-dire du talent, de l’exécution, du dessin, du style : nous viderons la question. […] C’est la raison pour laquelle ses Scènes bachiques resteront un œuvre remarquable ; ses chiffonniers d’ailleurs sont généralement très-ressemblants, et toutes ces guenilles ont l’ampleur et la noblesse presque insaisissable du style tout fait, tel que l’offre la nature dans ses caprices. […] Il est bon d’avertir les collectionneurs que, dans les caricatures relatives à Mayeux, les femmes qui, comme on sait, ont joué un grand rôle dans l’épopée de ce Ragotin galant et patriotique, ne sont pas de Traviès : elles sont de Philipon, qui avait l’idée excessivement comique et qui dessinait les femmes d’une manière séduisante, de sorte qu’il se réservait le plaisir de faire les femmes dans les Mayeux de Traviès, et qu’ainsi chaque dessin se trouvait doublé d’un style qui ne doublait vraiment pas l’intention comique.

555. (1910) Études littéraires : dix-huitième siècle

Autre style, et un cadre, mais même procédé. […] Il est femme, de cœur, d’intelligence, de manière et de style. […] — Voici de son style quand il se fait critique. […] De petits chefs-d’œuvre de style sec, net et cassant, infiniment difficile à attraper, du moins à un pareil degré d’aisance. […] Il a du libertinage dans l’imagination et de la préciosité dans le style.

556. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Quatrième partie. Élocution — Chapitre II. Du sens et de la valeur des mots »

Le sentiment du style est précisément le discernement délicat de l’élasticité des mots : il faut posséder, par un don naturel ou une patiente étude, le secret de cette sorte de manipulation chimique, qui, par la combinaison des mots, change la couleur, le parfum, le son, la nature même de chacun d’eux et peut obtenir un tout, homogène et simple en apparence, où les éléments associés n’ont souvent gardé aucune de leurs propriétés individuelles. […] C’est une des raisons qui obligent de condamner l’ancienne théorie du style noble : elle attribuait aux mots un degré invariable d’énergie, et méconnaissait cette pénétration réciproque, cette sensible communication, qui reflète sur les uns la couleur des autres, et les imprègne de leur vertu.

/ 2499