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532. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Chateaubriand — Chateaubriand, Mémoires »

On a comparé heureusement ce style aux blanches colonnes de Palmyre : ce sont en effet des fûts de style grec, mais avec les lianes des grands déserts pour chapiteaux. […] Dans son application à la politique, et dans l’Itinéraire de son voyage en Orient, il a si bien su proportionner son style à la nature des sujets, que c’est aujourd’hui l’opinion universelle qu’il y a chez lui une seconde manière, une seconde portion de son œuvre qui est irréprochable. […] En lisant l’Essai, on y voit quelles connaissances nombreuses, indigestes, avait su amasser le jeune émigré ; quelle curiosité érudite et historique le poussait à la fois sur tous les sujets qu’il a repris dans la suite ; quelle préoccupation littéraire était la sienne ; quel souci de style, et d’exprimer avec saillie, avec éclat, tout ce qui en sens divers était éloquemment exprimable ; quel respect empressé pour tout ce qui avait nom d’homme de lettres, pour Flins, par exemple, qu’il cite entre Simonide et Sanchoniaton. […] Quelle qu’en soit l’importance, au reste, dans le plan de l’édifice, on peut provisoirement concevoir cet espace entre les deux ailes rempli par le Génie du Christianisme, les Martyrs, l’Itinéraire, la Monarchie selon la Charte, les Quatre Stuarts, les Études historiques, tous palais différents de date et de style, mariant heureusement leur diversité, et composant un Louvre ou plutôt un Fontainebleau merveilleux, comme l’a dit quelque part M. […] C’est une veine refoulée qui engorge légèrement, pour ainsi dire, un style de plus profonde couleur.

533. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXIXe entretien. Œuvres diverses de M. de Marcellus (2e partie) » pp. 5-63

Était-ce la peine d’aller surprendre les faiblesses, les douleurs, les confidences de leur intérieur pour les étaler ensuite en style qui appelait le sourire devant leurs ennemis ? […] Ce livre a des pages admirables comme style, et déplorables comme caractère. Roman grec dans le commencement, diatribe universelle à la fin, il affecte partout un style tellement figuré, tellement recherché, tellement ronsardisé, par l’affectation du style gaulois de Rabelais et de Montaigne, qu’on ne sait en quel siècle on vit en le lisant. […] Ce commentaire est bien supérieur au texte ; toutes les anecdotes y sont rectifiées, toutes les injures palliées, tous les excès de bile adoucis, tous les venins de style réparés, déplorés, excusés, de façon qu’il ne reste guère que de belles choses à admirer et un grand homme à comprendre. M. de Chateaubriand doit immensément à M. de Marcellus ; il le réhabilite en étendant son manteau sur ses défauts de cœur et sur l’affectation de style de ce grand écrivain.

534. (1892) Boileau « Chapitre V. La critique de Boileau (Suite). Les théories de l’« Art poétique » (Fin) » pp. 121-155

De là l’importance attribuée dans l’Art poétique au métier, et l’abondance des préceptes de versification, de style et de composition. […] Ainsi encore, la comédie, en style « humble et doux » par une intrigue vivement conduite, nous présente les ridicules et les vices de la cour et de la ville, et nous divertit de leur exacte peinture. […] Aussi définira-t-il l’ode par la forme qui est tout ce qu’il en peut toucher ; il en notera la « magnificence des mots », les « figures audacieuses » ; il dira : Son style impétueux souvent marche au hasard ; Chez elle un beau désordre est un effet de l’art. […] Si la raison, c’est la conformité à la nature, Pindare, par l’excès de ses figures, par le décousu de son style, semble sortir de la nature, mais c’est pour se conformer à la nature de l’ode. […] C’est le vers, c’est le style, c’est la beauté des rimes et des rythmes, la propriété et l’énergie des expressions, le bel ordre et la juste proportion des parties, c’est le choix des objets et des signes aptes à produire le plaisir essentiel à chaque genre, c’est tout cela, et rien que cela, qui constitue ces ornements nécessaires, dont la poésie ne saurait se passer.

535. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre III. Les grands artistes classiques — Chapitre IV. Racine »

Réalité intime du drame : simplicité de l’action et du style. […] Il nous a redonné — énervés, diffus, alambiqués, dans un style plus lâché que simple — l’amour-estime, les discours sur les matières d’État, et la politique en maximes, les grandioses scélérats qui raisonnent leur scélératesse, les orgueilleuses princesses qui combattent leur amour par leur gloire. […] Le style est pareil : simple et naturel avant tout, juste, précis, intense, rasant la prose, comme disait Sainte-Beuve. […] La seule étoffe de son E style nous en avertit. […] Après cette envolée soudaine, le style se rabat, tout près de la prose, dans l’indication exacte des faits.

536. (1911) Enquête sur la question du latin (Les Marges)

Ou bien style de bon commis. […] Alors que celui-ci écrit le français avec aisance et justesse, l’autre manie péniblement un style puéril où foisonnent le solécisme, l’amphibologie et les termes impropres. […] Cependant on voit déjà que le style de certains écrivains, notoirement primaires, est plutôt fâcheux. […] Nos nerfs trop susceptibles, nos émotions trop raffinées, la richesse excessive de nos impressions, contrarient cet effort vers le style, qui persiste cependant au fond de nous-mêmes. […] Hé bien, le rôle des nouveaux venus, s’ils le comprennent, sera de mettre un peu d’ordre et de style dans les excès d’une sensibilité trop aiguë.

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