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370. (1896) Matière et mémoire. Essai sur la relation du corps à l’esprit « Chapitre IV. De la délimitation, et de la fixation des images. Perception et matière. Âme et corps. »

Le rôle du corps n’est pas d’emmagasiner les souvenirs, mais simplement de choisir, pour l’amener à la conscience distincte par l’efficacité réelle qu’il lui confère, le souvenir utile, celui qui complétera et éclaircira la situation présente en vue de l’action finale. […] Nous avons séparé radicalement, en effet, le pur souvenir de l’état cérébral qui le continue et le rend efficace. […] Mais on nous fera difficilement comprendre comment la perception visuelle du relief, par exemple, perception qui fait sur nous une impression sui generis, d’ailleurs indescriptible, coïncide avec le simple souvenir d’une sensation du toucher. […] Si la matière ne se souvient pas du passé, c’est parce qu’elle répète le passé sans cesse, parce que, soumise à la nécessité, elle déroule une série de moments dont chacun équivaut au précédent et peut s’en déduire : ainsi, son passé est véritablement donné dans son présent. Mais un être qui évolue plus ou moins librement crée à chaque moment quelque chose de nouveau : c’est donc en vain qu’on chercherait à lire son passé dans son présent si le passé ne se déposait pas en lui à l’état de souvenir.

371. (1924) Critiques et romanciers

Mais, d’avoir aimé Chimène, il garde un souvenir de tendresse alarmée. […] Certes, oui ; et ne fût-ce que pour Les péchés de Sainte-Beuve et Mes souvenirs. À propos de Mes souvenirs, on remarquera que tout n’en est pas neuf ou inédit. […] … » L’on se souvient de Fantasio : « Si je pouvais être ce monsieur qui passe ! […] Il se souvient, dans la préface du tome deuxième, d’avoir passé une saison très agréable, sous les sapins du Hohwald.

372. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Souvenirs d’un diplomate. La Pologne (1811-1813), par le baron Bignon. »

Souvenirs d’un diplomate. […] J’ai voulu attendre que la question polonaise ne fût pas une question politique tout actuelle et toute brûlante, pour parler de ce volume ; car je n’en veux parler qu’historiquement et en ne sortant pas du cercle des souvenirs. […] « Ô vous, compagne de ma vie, dont l’amitié est mon plus cher trésor, qui avez embelli tous les bons moments de mon existence et partagé toutes mes peines ; vous, dont l’esprit éminent a entretenu l’activité de mon âme, et dont l’imagination riche et brillante a souvent fait éclore mes idées ; à qui je dois enfin la meilleure partie de mon être, recevez l’hommage de ces Souvenirs dont le récit fut entrepris par votre désir. […] Je n’y ferais pas trop d’attention si je ne remarquais dans les Souvenirs de M. 

373. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre X. La commedia dell’arte en France pendant la jeunesse de Molière » pp. 160-190

Ce nom, inventé sans doute pour la scène française, ne resta pas au théâtre, et le souvenir s’en effaça en même temps que disparut l’acteur qui l’avait porté. […] Le ballet de L’Amour malade avait laissé de si joyeux souvenirs parmi les contemporains, que lorsque huit ans après, fut joué L’Amour médecin de Molière, les hommes qui, comme le fameux médecin Guy Patin, ne fréquentaient pas beaucoup le théâtre, prenaient un titre pour l’autre et parlaient de L’Amour malade, de Molière, que Paris allait voir en foule. […] Et, au dénouement de la Fronde, la veille du jour (21 octobre 1652) où le jeune roi va rentrer dans sa capitale, la duchesse d’Orléans, si l’on en croit Retz, a recours aux mêmes souvenirs du théâtre italien pour caractériser la ridicule attitude du duc d’Orléans. […] On se souvient des vers d’Horace : Fescennina per hunc inventa licencia morem Versibus alternis opprobria rustica fudit.

374. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre III. Grands poètes : Verlaine et Mallarmé, Heredia et Leconte de Lisle » pp. 27-48

Il a dit, comme il a pensé : Sagesse d’un Louis Racine, je t’envie ; il a vécu les épisodes d’Amour : Âme, te souvient-il au fond du Paradis… ……………………………………………………… Oh ! […] En revanche tous les sonnets imponctués, les beaux sonnets, on se souvient, pieusement glosés par Teodor de Wyzewa, irrévérencieusement expliqués par des cuistres joviaux. […] On n’écrit pas. » III Sans doute, entre la critique de la postérité, soit des esprits assez distants pour rentoiler leurs souvenirs de lecture sur une trame historique adventice, et la critique non même du lendemain mais du matin ou de la veille, dont l’exactitude chaleureuse vaut d’abord en tant que d’intéressante information : citations heureuses presque encore inédites, découpées des « bonnes feuilles », anecdotes sur l’auteur, première impression non refroidie, adresse du libraire… sans doute entre ces deux critiques n’y a-t-il point une place nécessaire pour une tierce et intermédiaire, la nôtre, très contemporaine encore, et point toute fraîche cependant, advenant après, ai-je entendu dire, cent soixante-treize articles imprimés sur les Trophées de José-Maria de Heredia. […] Comme nous disons : « 1857, l’année de Bovary, des Fleurs du Mal, des Poésies barbares, de Fanny », on dira seulement, mais c’est quelque chose : « 1893, l’année des Trophées », et dans un tiers de siècle, j’espère, les nouveaux me permettront de mentir un peu sur ce 1893 et sur cette apparition des Trophées, avec la grâce délicate que les jeunes gens ont tant raison de garder au bon chroniqueur devenu mûr et qui se souvient tout haut.

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