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1444. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Gibbon. — I. » pp. 431-451

Un des morceaux enfin dont on se souvient, et qu’on a souvent cité, est celui où Gibbon, venant de terminer à Lausanne dans son jardin les dernières lignes de sa grande Histoire, pose la plume, fait quelques tours dans son berceau d’acacias, se prend à regarder le ciel, la lune alors resplendissante, le beau lac où elle se réfléchit, et à dire un adieu mélancolique à l’ouvrage qui lui a été, durant tant d’années, un si bon et si agréable compagnon. Mais, dans tous ces passages, c’est encore le studieux chez Gibbon qui goûte la nature, et, soit qu’il parle en son nom, soit qu’il se souvienne de son digne précepteur, c’est toujours entre une lecture et une autre, et ayant., pour ainsi dire, le livre entrouvert sur sa table, qu’il aime à donner accès à la distraction champêtre, à s’accorder les perspectives naturelles, et à en savourer le sentiment tout à fait sobre, sincère pourtant chez lui et très doux.

1445. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Bourdaloue. — II. (Fin.) » pp. 281-300

Les Pensées de Pascal, recueillies et mises en ordre par ses amis, étaient pour la première fois livrées au public, et ravivaient ce souvenir des Provinciales, qui était la blessure toujours saignante de la Société de Jésus. […] Mme de Termes disait plus tard des portraits de Bourdaloue : « Pour ses portraits, il est inimitable, et les prédicateurs qui l’ont voulu copier sur cela n’ont fait que des marmousets. » — Tout est mode en France, a dit l’abbé d’Olivet : les Caractères de La Bruyère n’eurent pas plus tôt paru que chacun se mêla d’en faire ; et je me souviens que, dans ma jeunesse, c’était la fureur des prédicateurs, mauvaises copies du père Bourdaloue.

1446. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) «  Œuvres de Chapelle et de Bachaumont  » pp. 36-55

Nous l’avons déjà remarqué à propos de La Fare : il n’y a guère que les premières années qui comptent et qui soient dignes de souvenir, dans ces carrières épicuriennes qui vont sans règle et en s’abandonnant. […] [NdA] On m’écrit (et ce sont deux officiers d’Afrique qui se souviennent d’Horace et qui lisent au bivouac) pour me rappeler certains traits du Voyage à Brindes, qui ne sont point précisément sérieux et graves, ni même élégants : mais je n’ai entendu parler que du sérieux dans les descriptions de la nature ou dans les indications des sites.

1447. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Une Réception Académique en 1694, d’après Dangeau (tome V) » pp. 333-350

On y voyait l’église de Luçon encore toute remplie des souvenirs de son cher Armand, et aussitôt après on avait à suivre le vol de cet aigle qui s’élevait de la terre au ciel. […] Le roi, nous apprend Saint-Simon, eut d’abord la pensée d’exiler l’abbé de Caumartin dans une abbaye qu’il avait en Bretagne, et s’il ne le fit pas, il ne perdit jamais le souvenir de cette faute.

1448. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « II » pp. 21-38

Voltaire n’était point jaloux ; il était passionné, injuste, et dans le cas présent il obéissait en aveugle à toutes ses antipathies de goût et d’humeur contre l’homme qui ne badinait jamais, qui tournait tout, non en raillerie, mais en amertume ; qui écrivait avec emphase, et dont l’élévation même devait lui sembler emphase ; qui déclamait en républicain contre les arts, les spectacles : « Souvenez-vous que ce malheureux petit Jean-Jacques, le transfuge, m’écrivit il y a un an : Vous corrompez ma république pour prix de l’asile qu’elle vous a donné. […] Cela honore sa vieillesse ; cela explique, qu’on ait fini par rattacher à son nom une renommée plus sérieuse et plus grandiose que ne semblaient l’autoriser tant d’incartades de conduite et d’inconséquences, et cela aussi fait regretter qu’il ne se soit pas toujours souvenu de ce qu’il écrivit une fois à un libraire de Hollande, Marc-Michel Rey, qui lui attribuait dans son catalogue des ouvrages indignes de lui : Mon nom ne rendra pas ces ouvrages meilleurs, et n’en facilitera pas la vente.

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