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943. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 13, qu’il est probable que les causes physiques ont aussi leur part aux progrès surprenans des arts et des lettres » pp. 145-236

Les arts paroissent même souffrir dès qu’on les éloigne trop de l’Europe, dès qu’ils la perdent de vûë. […] La regle generale ne souffre presque point d’exception. […] Mais supposons que les lettres et les arts aïent pû souffrir par les guerres qui se firent entre les successeurs d’Alexandre, et par celles que firent les romains contre deux rois de Macedoine et contre les étoliens, les lettres et les arts auroient dû remonter vers la perfection, dès que la tranquillité de la Grece eut été renduë stable et permanente par sa soûmission aux romains.

944. (1753) Essai sur la société des gens de lettres et des grands

Telle est l’utilité vraie ou prétendue que les gens de lettres croient retirer pour leur réputation du commerce des grands : j’entends par ce mot tous ceux qui sont parvenus, soit par leurs ancêtres, soit par eux-mêmes, à jouir dans la société d’une existence considérable ; car la puissance du prince qui dans un État aussi monarchique que le nôtre est proprement le seul grand seigneur, a confondu bien des états ; l’opulence, ce gage de l’indépendance et du crédit, se place volontiers de sa propre autorité à côté de la haute naissance, et je ne sais si on a tort de le souffrir ; il semble même que les états inférieurs qui sont privés de l’un et de l’autre de ces avantages, cherchent à les mettre sur la même ligne, pour diminuer sans doute le nombre des classes d’hommes qui sont au-dessus de la leur, et rapprocher les différentes conditions de cette égalité si naturelle vers laquelle on tend toujours même sans y penser. […] Pour répond re à cette objection, je remarque que parmi les gens de lettres qui courent une même carrière, comme il est différents degrés de talents, il est aussi différentes classes ; ces classes sont d’elles-mêmes assez marquées, et les gens de lettres par une espèce de convention tacite les forment presque sans le vouloir : chacun, je l’avoue, cherche à se mettre dans la classe la plus élevée qu’il lui est possible ; mais il n’est pas à craindre que les rangs soient trop bouleversés par cette prétention ; car la vanité n’est aveugle que jusqu’à un certain degré ; il arrivera seulement de là qu’il y aura moins de classes, jamais qu’elles se confondent en une seule : celui surtout qui aspirerait à la monarchie universelle et perpétuelle, quand même il en serait digne, courrait risque de trouver bien des rebelles ; l’anarchie qui détruit les États politiques, soutient au contraire et fait subsister la république des lettres ; à la rigueur on y souffre quelques magistrats, mais on ne veut point de rois. […] Chaque siècle et le nôtre surtout auraient besoin d’un Diogène ; mais la difficulté est de trouver des hommes qui aient le courage de l’être, et des hommes qui aient le courage de le souffrir.

945. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. VILLEMAIN. » pp. 358-396

Villemain afin de bien saisir ce qui était derrière, l’idée et le sens du discours n’en souffraient jamais. […] Villemain, ne semble pas moins singulier qu’eux et moins bizarre, nous souffrons d’une dispensation si inégale de la part du critique fait pour donner la loi à ces Ombres flottantes du public des poëtes, encore plus que pour la suivre.

946. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « M. Jouffroy »

Jouffroy ; il souffre évidemment et retarde le plus possible de s’y emprisonner ; il la déborde toujours. […] Allez, osez, ô Vous dont le drame est déjà consommé au dedans ; remontez un jour en idée cette Dôle avec votre ami vieilli ; et là, non plus par le soleil du matin, mais à l’heure plus solennelle du couchant, reposez devant nous le mélancolique problème des destinées ; au terme de vos récits abondants et sous une forme qui se grave, montrez-nous le sommet de la vie, la dernière vue de l’expérience, la masse au loin qui gagne et se déploie, l’individu qui souffre comme toujours, et le divin, l’inconsolé désir ici-bas du poëte, de l’amant et du sage !

947. (1860) Cours familier de littérature. X « LVIIe entretien. Trois heureuses journées littéraires » pp. 161-221

Si l’artiste ami regarde de là-haut ceux qui souffrent de leur génie, avec la compassion d’un homme qui a tant souffert du sien, qu’il jette un de ses regards sur cette demeure muette de Saint-Point, vide aujourd’hui de ceux qu’il aima tant, et qui ne cesseront de l’aimer eux-mêmes qu’en cessant de se souvenir.

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