Si nous ne consultons que notre intérêt personnel, nous le blâmerons, car, avec les facultés qu’il possède, qu’il nous a révélées, il n’est pas douteux qu’il eût réussi dans la comédie ; il aurait saisi avec bonheur, reproduit avec habileté les caractères de la société au milieu de laquelle nous vivons. […] Or, entre la guinguette et les petites maisons, il y a toute une société sérieuse, vouée aux travaux de la science ou de la politique, qui sourit et se déride volontiers, pourvu que la gaieté se présente comme une fille bien élevée. Cette société, dont Panard et Collé n’ont jamais tenu compte, a été pour beaucoup dans la popularité de Béranger. […] Il rêve, il est fier de sa rêverie, il comprend les intérêts publics, il se sent appelé au gouvernement de la société, et il s’indigne d’être méconnu sans se résigner aux épreuves lentes, mais sûres, qui doivent le mettre en évidence et forcer la société à l’estimer, à l’employer selon son mérite. […] Celui qui devait un jour écrire un traité d’éducation, un traité de politique dont on peut contester les données, mais dont on ne peut nier la rare éloquence, croyait presque châtier la société en se dégradant.
Et, lorsque les ignorants occupent, dans une société, la situation si avantageuse qu’ils ont dans la nôtre, le mandarin n’est pas méprisable. […] La société d’hier eut, chez nous, quelque analogie avec la société française que la révolution bouleversa. […] Autour de la table, sous la pauvre lumière d’une lampe, ils forment une petite société d’amis vérifiés par le malheur. […] Elle l’est moins ou elle ne l’est plus guère, si l’on admet que s’y mêle l’influence des sociétés secrètes italiennes. […] Consulat, pastels, société dix-huitième siècle. » Cela donnerait l’idée d’un luxe et d’une opulence magnifiques et que frappa la destinée.
Nul code de société ; sauf un jargon exagéré de courtoisie chevaleresque, ils restent maîtres de parler et d’agir selon l’impulsion du moment ; vous les trouverez affranchis des bienséances comme du reste. […] Anne de Boleyn dit sérieusement avant de livrer sa tête : « Je prie Dieu de conserver le roi, et de lui envoyer un long règne, car jamais il n’y eut prince meilleur et plus compatissant20. » La société est comme en état de siége, si tendue que chacun enferme dans l’idée de l’ordre ; l’idée de l’échafaud. […] Il veut voir dans l’homme non quelque passion générale, l’ambition, la colère ou l’amour ; non quelque qualité pure, la bonté, l’avarice, la sottise, mais le caractère, c’est-à-dire l’empreinte extraordinairement compliquée, que l’hérédité, le tempérament, l’éducation, le métier, l’âge, la société, la conversation, les habitudes ont enfoncée en chaque homme, empreinte incommunicable et personnelle qui, une fois enfoncée dans un homme, ne se retrouve nulle part ailleurs.
Homme de cour, homme de société, le comte Primoli avait en lui de l’homme de Lettres. […] Ce ne fut pas là que je le rencontrai pour la première fois, mais au banquet offert à Jean Moréas, dans la salle de l’Hôtel des Sociétés Savantes, à l’occasion de la publication du Pèlerin Passionné. […] La société lui semblait un cloaque où grouillaient toutes les bassesses et toutes les turpitudes et l’humanité lui paraissait composée en majeure partie de forbans et de maniaques.
Il y a sans doute une part à faire à la boutade dans ces notes écrites pour soi seul dans le feu d’une lecture, mais le trait fondamental est manifeste : « Je ne sais pas bien nos lois, dit-il quelque part, mais je sais mieux qu’un autre comment elles devraient être. » Il méditait lui-même un grand ouvrage dont on a les matériaux, et dont le titre devait être : Les Lois de la société en leur ordre naturel.