/ 2404
1276. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre premier »

Mais il est des époques où elles risquent de fatiguer une société qui incline vers l’indifférence. […] De là cette religion de l’humanité, qui a eu ses hypocrites, et qui, à tous les maux des sociétés humaines, a ajouté l’esprit de chimère et le scandale de professer ce qu’on ne pratique pas. […] Il vaut mieux les aller lire inscrites dans les codes qui régissent notre société libre, dégagées de toute polémique, sous la forme de simples et pacifiques affirmations. […] Cette précaution prise, on peut se donner le plaisir de les admirer, soit qu’ils appliquent à des réformes sensées les vérités spéculatives du siècle précédent, et que, dans un combat nécessaire contre les abus, ils se servent, au risque de les souiller de poussière, de ces belles armures de guerre enlevées du musée où elles pendaient oisives, soit qu’ils emploient la méthode et la langue du dix-septième siècle à exprimer des vérités nouvelles dans la science des sociétés humaines, ou des découvertes dans la science de la nature.

1277. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Lettres de m. l’Abbé Sabatier de Castres ; relatives aux trois siecles de la littérature françoise.ABCD » pp. -641

La pusillanimité, qui par amour du repos redoute également la gloire & les critiques, n'est pas faite pour entrer dans un caractere comme le vôtre : Elle est à la fois le poison des talens & celui de la société. […] Rien de si comique, m’a-t-on dit, que de le voir se démener dans les Sociétés, pour prouver que, si M. […] Je ne trouve point étrange que les Auteurs ; dont j'ai blâmé les défauts ou combattu les erreurs, déclament contre moi dans les Sociétés, & me poursuivent par des calomnies : ils ont leur amour-propre à venger ; mais ce qui m'étonne, sans cependant me décourager, c'est que des Hommes obligés, par état, à plus de décence & de vertu que les autres, se fassent, sans me connoître & sans avoir à se plaindre de moi, les Satellites & l'instrument docile de l'animosité de mes ennemis. […] Ces heureuses épithetes voltigent sur le bec acéré des Philosophes ; les perroquets de la Secte les répetent dans les sociétés, & les bonnes Gens croient tout cela.

1278. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « De la tradition en littérature et dans quel sens il la faut entendre. Leçon d’ouverture à l’École normale » pp. 356-382

M. de Chateaubriand, se souvenant de quelques chapitres très beaux de L’Esprit des lois, terminait le Génie du christianisme en se posant cette question : « Quel serait aujourd’hui l’état de la société, si le christianisme n’eût point paru sur la terre ?  […] Le classique en effet, dans son caractère le plus général et dans sa plus large définition, comprend les littératures à l’état de santé et de fleur heureuse, les littératures en plein accord et en harmonie avec leur époque, avec leur cadre social, avec les principes et les pouvoirs dirigeants de la société ; contentes d’elles-mêmes, — entendons-nous bien, contentes d’être de leur nation, de leur temps, du régime où elles naissent et fleurissent (la joie de l’esprit, a-t-on dit, en marque la force ; cela est vrai pour les littératures comme pour les individus) ; les littératures qui sont et qui se sentent chez elles, dans leur voie, non déclassées, non troublantes, n’ayant pas pour principe le malaise, qui n’as jamais été un principe de beauté. […] Quand on vit dans une perpétuelle instabilité publique, et qu’on voit la société changer plusieurs fois à vue, on est tenté de ne pas croire à l’immortalité littéraire et de se tout accorder en conséquence.

1279. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Œuvres inédites de F. de la Mennais (suite et fin.)  »

En supposant même que rien de tout cela n’arrive, que les ennemis se retirent, que la tranquillité intérieure se rétablisse et que le pouvoir se raffermisse, entre les faibles mains où on l’a replacé, que pouvons-nous raisonnablement attendre d’une administration effarée, incertaine, enivrée de tous les principes qui tourmentent la société depuis vingt-cinq ans ; d’un chef bon, mais aveuglé au point de méconnaître également, et les hommes et les choses, et de placer sa personne sous la protection du poignard des assassins, et l’État sous la sauvegarde des institutions auxquelles la France a été redevable, pour tout bienfait, du règne de la terreur et de celui de Napoléon ? […] Comment, par un retour de réflexion en arrière, ne lui arriva-t-il jamais de se dire que si la société et l’époque lui avaient paru si gâtées et si mauvaises, contemplées d’un premier point de vue, celui du catholicisme et de l’autorité, elles ne pouvaient être également mauvaises et gâtées au même degré, envisagées et reprises du point de vue opposé, celui du libre examen individuel et de la démocratie ? […] … » Or, maintenant, si j’ouvre le petit livre ne M. le pasteur Peyrat, j’y trouve le passage suivant : « Avec moi, M. de La Mennais ne se départait jamais de sa morale ascétique ni de son pseudo-christianisme incompatibles avec la société et l’univers (n’oublions pas que M. 

1280. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. VINET. » pp. 1-32

Jusqu’au milieu du xviiie  siècle, la connaissance, le goût, l’imitation des chefs-d’œuvre et du style des grands écrivains classiques furent d’extrême mode dans la haute société de Lausanne. […] Rousseau a jugé, avec assez de sévérité, la société de ce temps, et ce ton que Claire d’Orbe ne représente pas mal, quoi qu’il en dise. […] Les Lettres écrites de Lausanne, délicieux roman de Mme de Charrière, montrent combien le goût, le naturel choisi et l’imagination aimable étaient possibles, à la fin du dernier siècle, dans la bonne société de Lausanne, plus littéraire peut-être et moins scientifique que ne l’était alors celle de Genève.

/ 2404