Voilà un court récit, très simple, très intéressant, qui n’a nullement la prétention d’être une histoire de l’expédition de Russie, de cette expédition éloquemment présentée par M. de Ségur, sévèrement discutée par M. de Chambray, et que d’autres écrivains embrasseront encore dans son ensemble. […] Les réflexions que fait naître cette simple relation sont de plus d’un genre ; l’impression qu’elle laisse après elle dans l’esprit est ineffaçable. […] Aucun avis n’avait été donné par le corps qui précédait ; et il ne s’agissait pas d’un simple détachement ennemi qui interceptait la route, c’était toute une armée de 80 000 hommes sous les ordres de Miloradovitch, qui s’interposait entre Ney et le reste de l’armée française.
La philosophie en effet ne peut pas avoir la prétention de savoir d’avance si le cerveau est un organe simple ou complexe. […] Broca : « Je ne puis admettre, dit-il, que la complication des hémisphères cérébraux soit un simple jeu de la nature, que la scissure de Sylvius ait été faite uniquement pour donner passage à une artère, que la fixité du sillon de Rolando soit un pur effet du hasard, et que les lobes occipitaux aient été séparés des lobes temporaux et pariétaires à cette seule fin d’embarrasser les anatomistes. […] « Les sens, disait-il (Anatomie comparée du système nerveux, p. 403), sont moins simples qu’on ne l’avait supposé, et il est probable que les nerfs d’un même sens contiennent plusieurs variétés de filaments élémentaires.
Le simple parallélisme des valeurs par lesquelles passent les deux phénomènes, pourvu qu’il ait été établi dans un nombre suffisant de cas suffisamment variés, est la preuve qu’il existe entre eux une relation. […] Pour pouvoir expliquer l’état actuel de la famille, du mariage, de la propriété, etc., il faudrait connaître quelles en sont les origines, quels sont les éléments simples dont ces institutions sont composées et, sur ces points, l’histoire comparée des grandes sociétés européennes ne saurait nous apporter de grandes lumières. […] En effet, l’état où se trouve une société jeune n’est pas le simple prolongement de l’état où étaient parvenues à la fin de leur carrière, les sociétés qu’elle remplace, mais provient en partie de cette jeunesse même qui empêche les produits des expériences faites par les peuples antérieurs d’être tous immédiatement assimilables et utilisables.
Au-dessous de cette philosophie de la nature on trouverait maintenant une théorie de l’esprit ou, comme dit Descartes, de la « pensée », un effort pour résoudre la pensée en éléments simples : cet effort a ouvert la voie aux recherches de Locke et de Condillac. […] Mais la psychologie elle-même, entendue comme une idéologie, c’est-à-dire comme une reconstruction de l’esprit avec des éléments simples, — la psychologie telle que l’a comprise l’école « associationiste » du siècle dernier, — est sortie, en partie, des travaux français du XVIIIe siècle, notamment de ceux de Condillac. […] L’idée, simple et géniale, d’établir entre les sciences un ordre hiérarchique qui va des mathématiques à la sociologie 22, s’impose à notre esprit, depuis que Comte l’a formulée, avec la force d’une vérité définitive.
Notre étude ne sera pas un simple exposé. […] Ou plutôt, je voudrais reprendre l’étude de ce contraste si étonnant, dans l’esprit de Proust, de la passion de la vérité et du scepticisme, de l’instinct réaliste et du subjectivisme, et montrer en quelle force simple il finit par se résoudre. […] Ce qui est au fond, ce qui la fait naître et ce qui l’alimente prodigieusement jusqu’au bout (car l’abondance est toujours la récompense d’un pareil dessein) c’est le pur et simple dessein d’énoncer des faits, ou particuliers ou généraux, c’est le pur et simple dessein de décrire, en brisant la ligne, là où elle cesse dans l’objet, en réservant la place de tout ce qui ne se laisse pas voir, en subordonnant strictement l’explication à l’observation. […] La libido, détachée de tout objet précis, tellement détachée qu’au début, chez l’enfant, elle semble ne pas savoir qu’elle puisse s’appliquer jamais à autre chose qu’au corps qu’elle habite, cette libido pour ainsi dire flottante et inaffectée, qu’est-elle, dans son fond, de différent de la vague tendance à aimer que Proust nous représente comme le propre du sujet, comme un simple état de sa conscience, ou plutôt comme une simple velléité de son inconscient ? […] Tenons-nous en pour l’instant au simple domaine pratique.