Dans toutes les sciences, dit-elle, on débute par le plus composé pour arriver au plus simple ; en mécanique, on avait les rouages de Marly avant l’usage des pompes. « Sans vouloir faire d’une comparaison une preuve, peut-être, ajoute-t-elle, lorsqu’il y a cent ans, en Angleterre, l’idée de la liberté reparut dans le monde, l’organisation combinée du Gouvernement anglais était le plus haut point de perfection où l’on pût atteindre alors ; mais aujourd’hui des bases plus simples peuvent donner en France, après la Révolution, des résultats pareils à quelques égards, et supérieurs à d’autres. » La France doit donc persister, selon elle, dans cette grande expérience dont le désastre est passé, dont l’espoir est à venir. « Laissez-nous, dit-elle à l’Europe, laissez-nous en France combattre, vaincre, souffrir, mourir dans nos affections, dans nos penchants les plus chers, renaître ensuite, peut-être, pour l’étonnement et l’admiration du monde ! […] Si l’on me voit tant m’arrêter à ces plus anciens écrits de Mme de Staël, au livre de l’Influence des Passions, et bientôt à celui de la Littérature, c’est qu’à moi-même Mme de Staël m’est apparue pour la première fois par là ; c’est que je les ai lus, surtout l’Influence, non pas à vingt-cinq ans, comme elle le veut, mais plus tôt, à cet âge où tout est simple, rigoureux, en politique, en amour, et plein de solennelles résolutions ; où, en se croyant le plus infortuné des êtres, on rêve ardemment le progrès et la félicité du monde ; à cet âge, de plus en plus regretté, où l’excès des espérances confuses, des passions troublantes, se dissimule sous un stoïcisme qu’on croit éternel, et où l’on renonçait si aisément à tout, parce qu’on était à la veille de tout sentir. […] La liberté critique, même littéraire, allait cesser d’exister ; Mme de Staël ne pouvait, vers ces années, faire insérer au Mercure une spirituelle mais simple analyse du remarquable Essai de M. de Barante sur le dix-huitième siècle. […] Corinne a beau resplendir par instants comme la prêtresse d’Apollon, elle a beau être, dans les rapports habituels de la vie, la plus simple des femmes, une femme gaie, mobile, ouverte à mille attraits, capable sans effort du plus gracieux abandon ; malgré toutes ces ressources du dehors et de l’intérieur, elle n’échappera point à elle-même. […] Mme de Staël avait horreur de l’âge et de l’idée d’y arriver ; un jour qu’elle ne dissimulait pas ce sentiment devant Mme Suard, celle-ci lui disait : « Allons donc, vous prendrez votre parti, vous serez une très-aimable vieille. » Mais elle frémissait à cette pensée ; le mot de jeunesse avait un charme musical à son oreille ; elle se plaisait à en clore ses phrases, et ces simples mots, Nous étions jeunes alors, remplissaient ses yeux de larmes : « Ne voit-on pas souvent, s’écriait-elle (Essai sur le Suicide), le spectacle du supplice de Mézence renouvelé par l’union d’une âme encore vivante et d’un corps détruit, ennemis inséparables ?
Le poëte refroidiroit toujours les sentimens de ses personnages par le simple récit. […] Un célebre rhéteur a pensé qu’il avoit plû à Homere de faire autant de dieux de ces hommes qui allérent au siege de Troye, et en revanche, de ne faire de ses dieux que de simples hommes. […] Les auteurs sacrés ont employé la narration simple : ils mêlent indifféremment dans les faits les petites et les grandes circonstances, quelquefois même les plus éloignées, comme les plus prochaines ; et quoi qu’elles eussent toutes leur utilité dans les vues de la sagesse éternelle qui inspiroit ces historiens, je crois qu’ils ne se mettoient pas eux-mêmes fort en peine ni des tours, ni de l’arrangement, ni du choix. […] Les unes littérales, et c’est à celles-là que le nom de traduction semble être propre ; les autres plus hardies, et qui doivent plutôt passer pour des imitations élégantes, qui tiennent le milieu entre la traduction simple et la paraphrase. […] Voilà les régles que je me suis prescrites dans les endroits de mon ouvrage, où j’ai prétendu traduire Homere ; car je me regarde comme simple traducteur, partout où je n’ai fait que de légers changemens.
Gabriel Sarrazin n’aurait-il eu que le culte et la compréhension entière de ce héros, expédié par Taine en quelques pages, qu’il faudrait souligner cette admiration caractéristique ; mais il y eut plus qu’une simple admiration, plus même qu’un simple amour dans la vénération que M. […] qu’il me vienne un amour, un simple amour ! […] Je t’aime au-delà de tout l’amour dont j’eusse couvert un simple fils des hommes sorti de mes entrailles. […] L’enfant rêve souvent tout haut, prononce des bouts de phrase ; aujourd’hui, un simple petit mot : “Pourquoi ?”
Plus tard ces lignes simples se chargeront un peu ; sans imiter les autres, on se répétera soi-même ; on retombera dans les situations déjà exprimées, dans les sentiments d’abord produits : c’est inévitable. […] Non, tu n’as rien vu de plus beau, de plus simple et de plus grand. […] Tout cela t’explique assez que je vis en pleurs, ma bonne amie, sans avoir le droit de me plaindre que Dieu ne m’ait pas choisie pour répandre ses consolations sur les miens, lui qui m’a faite si tendre pour eux… « Pour mettre un peu de baume sur les tristesses que je te cause, je finis en parlant des consolations divines que nous devons à mon cher Hippolyte. » Il lui restait, on vient de le voir, une dernière sœur, l’aînée, Cécile, qui habitait aussi Rouen ; elle paraît avoir été d’un esprit plus simple et aussi d’un cœur moins expansif que les autres membres de la famille, ou peut-être n’était-ce qu’un effet de l’âge et des malheurs : du moins la correspondance avec elle est plus rare et ne roule guère que sur d’humbles envois ; mais il est touchant de voir comme Mme Valmore s’efforce de réveiller son sentiment, d’intéresser sa vieillesse, de l’attendrir par l’aveu des misères communes ou par l’appel à de chers souvenirs59 : « (9 novembre 1854)… La dame qui m’aide souvent à trouver l’argent d’emprunt pour passer mon mois, à la condition de le rendre à la fin de ce mois même, n’a pu venir encore à mon secours, à travers la pluie et toutes les difficultés de sa propre vie.
Le moraliste, chez La Rochefoucauld, est sévère, grand, simple, concis ; il atteint au beau ; il appartient au pur Louis XIV. […] La simple comparaison fait mieux comprendre à quel point (ce à quoi autrement on ne songe guère) La Rochefoucauld est un écrivain. […] Lorsqu’au fond l’esprit est droit et le cœur bon, après bien des efforts dans le goût, on revient au simple ; après bien des écarts dans la morale, on revient au virginal amour, au moins pour le contempler.