Surtout, je l’ai vu « au travail » ; et — expliquez-moi cela, — bien que je ne pusse le comparer, je l’ai senti supérieur. […] D’abord, tout cet appareil compliqué, précis, luisant et froid ; ces multiples et fins instruments faits pour couper, percer, pincer, brûler, scier, limer, tordre, et qui éveillent en nous l’idée de sensations atrocement aiguës et lancinantes ; puis cette pauvre nudité exposée sur le lit opératoire, et qui (nous y pensons fraternellement) pourrait être la nôtre ; ce mystère violé de nos plus secrets organes ; cet aspect de corps éventré sur un champ de bataille ; la vue du sang, et des entrailles ouvertes, et des plaies béantes et rouges, vue qui serait insoutenable si le malade sentait, mais qui n’est que suprêmement émouvante puisqu’on a la certitude qu’il ne souffre pas et l’espoir que, en se réveillant, il aura la joie infinie de se savoir affranchi de la torture ou de la honte de son mal ou de son infirmité… Et ce spectacle est aussi très bon pour l’intelligence. […] * * * Puisque j’ai dû au docteur Eugène Doyen quelques-unes de mes émotions les plus rares — émotions artistiques, car le bon sorcier était beau à voir ; il respirait la force et la joie dans sa fonction salutaire et sanglante, et je sentais le « drame » conduit par une main délicate et forte, et cette main elle-même dirigée par une intelligence audacieuse et inventive ; — puisque, d’autre part, ce poète du scalpel m’apparaît comme un des hommes les plus évidemment prédestinés à diminuer parmi nous la somme du mal physique, pourquoi ne vous le dirais-je pas ?
Il sent si frileux, cousu du capuce de pénitent sans faute, honorifiquement lourd, sans tenir chaud ! […] Le talent de Paul Fort est une manière de sentir autant qu’une manière de dire. […] Ne vous sentez-vous pas passer de la dalle où le fidèle se prosterne jusqu’au faite vertigineux des hautes voûtes et à l’éclat des verrières, puis retomber à l’humble posture de l’oraison, dans ces quelques lignes d’une ballade : « Tout taré que je suis, me voici donc ce simple, devant ta majesté qui me courbe !
Je suis comme le juif errant. » Il n’a plus tout à fait pour ce qui peut en arriver la même indifférence qu’autrefois ; marié, bientôt père, il sent les obligations qu’il a contractées ; il a acquis une valeur pour ceux à qui sa vie est utile : « Cela ne m’empêcherait pas de l’exposer mille fois le jour avec sang-froid pour la gloire et le roi que je crois nécessaire à mon pays. […] j’ai à peine quarante combattants… Quiconque aurait vu ce bataillon il y a cinq mois et le verrait aujourd’hui, se sentirait saisi de pitié et en même temps de haine pour la guerre. […] Sous ces défauts d’une rude écorce, on sentait à tout coup l’homme de sens, mais souvent intempestif ; l’homme supérieur perçait, mais ne se dégrossissait pas. […] Ces dissidences de nos généraux d’Afrique sont à peine indiquées dans la correspondance ; on les sent toutefois et on les devine. […] Avec les Arabes, c’est à recommencer toujours : « Cette nation-là naît un fusil à la main et un cheval entre les jambes. » Au point où il est arrivé, Saint-Arnaud sent ses vues s’agrandir, et se multiplier les occasions d’agir comme il l’entend.
Là se fait sentir le mérite ; là l’observation, par endroits, se retrouve. […] Elle craignait surtout de paraître inspirer ou sentir la passion à cet âge où d’autres l’affectent. […] O Zayde, Zayde, on sent à vos alarmes la tendresse romanesque qui n’est satisfaite qu’à demi et qu’il ne faut pas trop réveiller ! […] Même cette amitié si tendre avec Mme de Sévigné ne suffisait pas, elle le sentait bien : il y avait trop de partage. […] Elle réussit dans la Comtesse de Tende, bien qu’avec moins de développement qu’il n’eût fallu pour que la Princesse de Clèves eût une sœur comparable à elle : on sent que l’auteur a son but et qu’il y court.
Jamais il ne m’embrassa que je ne sentisse, à ses soupirs et à ses convulsives étreintes, qu’un regret amer se mêlait à ses caresses : elles n’en étaient que plus tendres. […] Ce démocrate ne sent la beauté que vêtue de luxe et de vanités : son orgueil prévaut même sur la nature. […] On crut sentir son âme dans ses mélodies, on ne la sentit que dans les oreilles. […] Cette ivresse de la nature est sincère, éloquente, communicative sous sa plume ; il se sent délivré de la société des hommes. […] Cette page de l’Émile est ce qu’il y a certainement de mieux pensé, de mieux senti, de mieux écrit dans toutes les œuvres de J.